On sait que nos hommes politiques ont l’habitude de dire n’importe quoi quand ils sont en campagne, avec l’espoir de se démarquer de leurs concurrents et de grappiller quelques voix un peu partout. François Fillon est en campagne depuis la défaite de Nicolas Sarkozy et, après s’être fait voler la présidence de l’UMP par Jean-François Copé, il accélère sa course vers l’Elysée. Or, il s’agit à la fois d’un marathon et d’une course d’obstacles. Il ne faut donc ni s’essouffler ni rater une des haies à franchir. Depuis quelques jours, en le voyant foncer tête baissée dans toutes les directions, on se demande si l’ancien Premier ministre n’est pas en train de perdre totalement pied. Après avoir déclaré que, dans certains cas, il valait mieux voter pour un candidat du Front National que pour un socialiste, en fonction du « sectarisme » de chacun, voilà qu’à Moscou, il vient de donner du « Cher Vladimir » à Poutine et de reprocher à la France de Hollande d’avoir, dans l’affaire syrienne, perdu son indépendance et sa liberté de jugement « qui, seules, lui confèrent une autorité dans cette crise ». Sur le fond, on peut naturellement discuter du bien-fondé de ces deux prises de position inattendues et surprenantes. En refusant de continuer à ostraciser le parti de Marine Le Pen, Fillon tente de séduire les électeurs du FN, souvent d’anciens électeurs de l’UMP, reconnait que le parti de Marine Le Pen n’est plus tout à fait le même que celui de son père et constate que bon nombre de militants de l’UMP, se sentant infiniment plus proches du FN que du PS, souhaitent une alliance de « toutes les droites » pour avoir une chance de l’emporter face à l’alliance de « toutes les gauches ». En attaquant la politique syrienne de François Hollande, Fillon a raison de lui reprocher son alignement pour ne pas dire sa soumission derrière Obama et son aveuglement à ne pas voir que les « rebelles » sont, en fait, des Islamistes. Mais dans la forme, Fillon vient, coup sur coup, de commettre deux erreurs qui peuvent lui coûter très cher. Appeler à voter FN c’est reconnaitre que l’UMP pourrait bien, dans certains cas, avoir été éliminée de la compétition (aveu d’échec peu habile de la part d’un dirigeant de l’UMP), c’est pousser tous les centristes dans les bras du PS et c’est surtout donner officiellement à Hollande et à ses amis l’argument dont ils ont toujours abusé en accusant l’UMP d’avoir des liens honteux avec l’extrême-droite. Dénoncer les erreurs de Hollande à propos de la Syrie peut se faire à Paris, pas à Moscou. Les usages sont formels. Un responsable politique, même de l’opposition, ne critique jamais la politique française quand il se trouve à l’étranger. A fortiori quand ce responsable politique se trouve être chez ceux qui sont dans l’autre camp. Cela relève de la trahison. En embrassant sur la bouche, ou presque, son « cher Vladimir », Fillon oublie totalement que si Hollande et Obama en sont arrivés très maladroitement à jouer les va-t-en-guerre, c’est parce que Poutine a toujours opposé son veto au Conseil de sécurité de l’ONU dès qu’il s’est agi de condamner (du bout des lèvres) son copain Bachar al Assad. Fillon espère visiblement qu’en faisant de la provocation et en brisant ainsi tous les tabous il marquera des points en face de Sarkozy et de Copé, adeptes du « ni-ni » et, plus ou moins, d’une intervention en Syrie. Il ne se rend pas compte que ses adversaires vont pouvoir se régaler en l’accusant désormais de s’être rallié à la fois à Marine Le Pen et à Poutine, relations peu fréquentables pour un homme qui se présentait comme un « gaulliste social » raisonnable et modéré.

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