Les leçons à tirer de « l’automne arabe »
Ayant oublié depuis longtemps « l’expérience » iranienne où la révolution islamique avait remplacé une dictature occidentalisée par une tyrannie pire encore, celle des ayatollahs, et ignorant tout du monde musulman, nos « bons esprits » nous avaient affirmé que le « Printemps arabe » allait amener la démocratie dans toute la région et démontrer à la face du monde que l’Islam était parfaitement compatible avec la démocratie et toutes les valeurs qui nous sont chères. Le moins qu’on puisse dire est que la démonstration n’est guère concluante. Les dictateurs ont été déchus de leurs trônes, mais, à la place de la démocratie attendue, on s’est retrouvé avec des fanatiques religieux, à Tunis, à Tripoli, au Caire et même à Bagdad qui n’ont eu de cesse que d’imposer une nouvelle tyrannie, basée sur le Coran et la Charia. Naturellement, on nous raconte qu’après des décennies de dictatures, ces pays n’étaient pas encore « tout à fait prêts » pour connaitre toutes les joies de la démocratie parlementaire. C’est sans doute un peu vrai. Mais la question n’est pas là. La question est de savoir si l’Islam quand il est arrivé au pouvoir accepte, supporte, tolère l’idée même de la démocratie la plus élémentaire ou si, forts de leur foi, les islamistes imposent à tous les règles de Dieu. On nous dit que les islamistes ne sont pas tous des Talibans. C’est vrai, il y a sans doute des nuances. Mais on n’a pas l’impression que les Tunisiens qui manifestent dans les rues ou les Egyptiens qui ont appelé de leurs vœux le putsch de la junte militaire considèrent Ennahda ou les Frères musulmans comme des… « modérés ». Et les violentes manifestations qu’a connues la Turquie ces semaines dernières ont aussi démontré que ce fameux « exemple turc » qu’on nous présentait comme la réussite parfaite d’un Islam moderne et démocratique n’était, en fait, derrière ses succès économiques indéniables, qu’une vulgaire tyrannie islamiste. Il n’y a que chez nous que certains sont persuadés qu’il peut y avoir un Islam « modéré », à la sauce occidentale, un Islam « français » qui accepterait les lois de la démocratie, la parité homme-femme, la liberté d’expression. Le « Printemps arabe » qui est devenu un « automne » glaçant devrait inciter nos bons esprits à réviser leurs idées toutes faites sur l’Islam. Arrivés au pouvoir le plus légalement du monde, dans des pays « civilisés » comptant d’importantes élites occidentalisées, Ennahda en Tunisie, les Frères musulmans en Egypte et l’AKP d’Erdogan en Turquie ont démontré que l’Islam ne pouvait pas se démocratiser et que, partout, il préférait la loi de Dieu à celles des Droits de l’homme. Il serait grand temps que nos dirigeants comprennent qu’une véritable guerre de civilisation, guerre de religion a commencé et que seule une défense acharnée de tous nos principes républicains et donc de la laïcité pourrait empêcher nos minorités musulmanes de devenir une cinquième colonne redoutable.
17 Août 2013 12:36 1. Alain
Oh lalaaaaaa ! On est retombé dans la « guerre des religions » et la « guerre des civilisations ». C’est ce qu’expriment les massacres en Égypte? Pas de coup d’état piloté depuis Washington comme le révélait Christian Mallard, chef du Service Étranger de France 3 il n’y a pas si longtemps. Pas de contestation du coup d’état par les égyptiens électeurs du président Morsi. Pas d’armée en Égypte qui défend ses privilèges économiques (cf. Olivier Guitta, Marc Lavergne, Jean Paul Chagnoleau…). Mais c’est l’islam. Attention protégeons-nous en France car l’Islam arrive. Quelle analyse!?
17 Août 2013 12:47 2. Alain
Et bien évidemment il n’y a pas eu élections en Égypte en juin 2012 et il n’y a pas eu un vainqueur. Que nous l’aimions ou pas ce vainqueur s’appelle Morsi. Les Francais aiment-ils majoritairement Hollande? avaient-ils aimer Sarkozy? le premier fera t-il son mandat de 5 ans comme le second? Pourquoi ici et pas la-bas? puisqu’on adore les pouvoirs occidentalisés. il s a eu un vainqueur ou pas en Égypte? C’est factuellement vrai ou faux? Maintenant on tente de retourner la question: les islamistes agressent les Coptes, ils terrorisent l’Egypte…. Ce monde est dégoûtant.
17 Août 2013 15:27 3. Jean Louis
Avis absolument partagé cher Thierry !
@alain
Charles Péguy disait volontiers que l’ironie est le plus bel ornement du frivole. Pour être spirituel il faut être équipé. C’est ainsi. Tous les commentateurs connaisseurs de l’islam écrivent depuis un mois « Fin de l’islam politique ? ». Sans conteste. Rêver d’un islam qui adopte Voltaire, Montesquieu et Descartes ? C’est la blague qui court à Paris chez les bobos du Quai d’Orsay.
Pour l’instant nous sommes devant ce que la juriste tunisienne Najat Mizouni décrit en Tunisie, un sort fait à la femme d’avant l’époque de Bourguiba.
Oui nous vivons dans un profond dégoût de la lâcheté de notre monde politique français. Il vous ressemble. L’islam n’arrive pas en France, nous l’avons maintenant dans les entreprises, et dans nos écoles, avec ses cinq piliers. Grand spécialiste vous les connaissez sans doute … En Égypte il n’y a pas eu un, mais deux coups d’État avant celui de Al-Sissi. Le 8 juillet 2012, annulation par décret de Morsi de la dissolution de l’assemblée prononcée par la Haute cour constitutionnelle le 14 Juin précédent, et le 22 Novembre 2012 second coup d’ État en promulguant une déclaration constitutionnelle (supposée telle) pour légiférer par décret. Comme vous voyez il vous manque une partie du casting.
Le peuple de Tamarod s’est révolté contre des « Frères » qui palabraient au lieu de donner du pain à 40 millions d’Égyptiens qui crèvent de faim avec 2 $ par jour. A se tordre de rire. Restez en à la ruquiérisation du samedi soir, cela semble être votre juste niveau … Les analystes existent, ce n’est pas le Maillard de la 3 !! Les Américains se sont trompés sur toute la ligne, mais c’est un autre sujet.
17 Août 2013 23:04 4. Jean le Cauchois
Je lis fréquemment sur Internet le journal algérien El Watan…L’Algérie a beaucoup souffert des islamistes / djihadistes …Il est surement plus difficile de militer en tant que démocrate , ou républicain , à Alger , Constantine , ou Tizi-Ouzou , qu’à Paris , à Lille ou à Clermont-Ferrand …Les faits relatés , et les éditoriaux publiès , pourraient participer à l’édification des lecteurs habituels de la presse française auto-positionnée à gauche …et aussi de bon nombre de nos dirigeants actuels …
18 Août 2013 8:35 5. Jean Louis
Dans sa dernière livraison sur les évènements Bernard Lugan ramène la brillante victoire électorale de Mohamed Morsi et de ses Frères à ce qu’elle est.
24 Mai 2012, 24,8 % des suffrages contre 23,7 % à son challenger, le général Chafik, ex premier ministre de Moubarak. Avec un second tour, urnes bourrées selon la plupart des observateurs, 51,7 % à Morsi contre 48 % à Chafik. Pas le raz de marée de la confrérie, telle que présentée chez nous. De plus des législatives de Novembre 2011 à ces présidentielles, les Frères ont perdu 50 % de leur électorat passant de 10 millions à 5,7 millions de voix. Voici pour l’arithmétique franco-franchouillarde dont certains raffolent …
Par ailleurs le JDD de ce matin fait un portrait savoureux du général Al-Sissi où l’on découvre qu’il est … musulman ! Des orteils à la racine des cheveux. Ses filles portant niqab et hidjab. Mais il s’est trouvé quelques ahuris sur nos ondes pour parler d’un général laïc contre les islamistes ! L’équation se complique avec le jeu des Séoudiens, qui viennent de lui ouvrir un crédit égal à dix années d’aide américaine. Mouchant au passage le petit Qatar, soutien des Frères musulmans auxquels les wahabites veulent tordre le cou. Ryad rappelle ainsi qu’il n’y a qu’un patron dans la péninsule arabique, le Roi. Les choses sont vraiment trop compliquées pour un petit français en noir et blanc, qui ne sait pas compter jusqu’à 6,5 millions, les voix du FN aux dernières présidentielles.
Et il devient urgent qu’en France on redise que les musulmans ont pour religion l’islam, et que, quelques soient les nuances dogmatiques à l’intérieur de ce corpus religieux, un fait demeure : il n’y a aucune séparation entre le séculier et le religieux, et la doctrine imprègne la société. Il faut le redire à nos crétins du PS à l’UMP en passant par tout ce que l’on voudra. Pour ces grands courageux de la novlangue, parler de l’islam c’est le stigmatiser.
Dans son opuscule « Les islamismes d’hier et d’aujourd’hui », livre de base, Antoine Sfeir rappelle le projet de l’UOIF, Union des Organisations Islamiques de France : «Fusée à deux étages ; le premier est démocratique, le second mettra en orbite une société islamique». Allez, les paris sont ouverts. Qui est le petit bonhomme qui a fait monter en puissance cette organisation ? Celui dont les copains réclament aujourd’hui un bilan, il était à l’époque Ministre de l’Intérieur …
18 Août 2013 8:41 6. ar!stide_lancien
Dans cette affaire, comme d’habitude, le Pédalo navigue en bateau ivre !
18 Août 2013 10:09 7. Patrick-Louis Vincent
« le « Printemps arabe » allait amener la démocratie dans toute la région »
C’est évidemment le discours de la propagande pour faire avaler des couleuvres aux peuples de l’occident, y compris américain, qui ignorent tout de la géopolitique. Dans l’ensemble, ce discours fonctionne bien, relayé par les médias aux ordres.
Que cela plaise ou non, les musulmans sunnites, modérés ou pas, sont les alliés des EU et d’Israël. C’est un fait objectif qui ne peut être contesté. La Turquie est dans l’OTAN, l’armée égyptienne est financée par les EU, ses généraux ont été formés à West Point, y compris le roi de Jordanie.
J’ai tenté d’expliquer dans un commentaire précédant les raisons de cette alliance entre l’état profond étatsunien, si peu démocratique, et les états musulmans sunnites. Il faut arrêter de penser que les EU, c’est la démocratie, et qu’ils combattent l’islam. C’est tout simplement faux.
Les EU et l’islam sunnite ont des intérêts différents mais poursuivent le même objectif hégémonique. Les musulmans sunnites rèvent d’une Oumma unifiée, financée par les revenus pétroliers des pétro-monarchies qui instaureront la charia wahabite, et les EU poursuivent leur politique hégémonique du dollar tout puissant. L’état profond étatsunien, du Pentagone à Wall Street, dit aux monarchies du golfe ce qu’elles peuvent faire ou ne pas faire, financer ou ne pas financer. Pour n’avoir pas bien compris que ce sont les EU qui commandent, l’émir du Qatar, qui est allé trop loin dans le financement du terrorisme islamiste, a dû démissionner au profit de son fils à qui l’on demande de ne s’intéresser qu’à la coupe du monde de football que le Qatar doit organiser.
Les monarchies du golfe et les états islamistes sont des libéraux sur le plan économique pour plaire aux EU, et les EU tolèrent la charia dans tous ses états pour plaire aux musulmans. L’entente est parfaite, du moins sur le papier. Parce qu’il arrive, parfois, que les peuples ne poursuivent pas les mêmes objectifs que les puissances du pouvoir.
18 Août 2013 10:34 8. Patrick-Louis Vincent
« Il serait grand temps que nos dirigeants comprennent qu’une véritable guerre de civilisation, guerre de religion a commencé et que seule une défense acharnée de tous nos principes républicains et donc de la laïcité pourrait empêcher nos minorités musulmanes de devenir une cinquième colonne redoutable. »
Entièrement d’accord avec vous. Mais c’est pas pour demain. L’UMP est devenu, depuis Sarkozy, un parti pro-sioniste. En cela, il n’est guère différent du PS, et a tourné le dos à la tradition gaulliste.
Etant pro-sionistes, les partis qui se partagent le pouvoir, politique, économique, législatif, judiciaire et médiatique, feront tout pour ne pas contrarier Israël et sa stratégie politique. Comme les intérêts d’Israël sont garantis par la surpuissance étatsunienne, et que les EU sont liés à l’islam par leurs accords avec les monarchies du golfe, les partis politiques français continueront à soutenir l’islam, et en particulier à faire croire aux Français que l’islam de France est différent de l’islam oriental.
C’est un mensonge, bien sûr, les politiques le savent, mais leurs discours doivent entrer dans la ligne politique de leur suzerain américain.
Mais que les partis politiques parlementaires prennent garde. Les Français, pourtant abreuvés de discours lénifiants sur l’islam, religion de paix et d’amour, ne sont pas aveugles. Ils voient bien augmenter le nombre de femmes voilées dans les rues ; ils voient bien que certaines commencent à résister quand on leur demande une carte d’identité ou de séjour, sans voile ; ils voient bien que les maris hésitent de moins en moins à s’en prendre directement aux policiers qui font leur boulot ; ils voient bien qu’une certaine désobéissance civique prend forme chez les musulmans. Alors, il ne faudra pas que ces partis politiques, idéologues et coupés du réel, s’étonnent s’il venait à l’idée de nombreux Français de franchir le Rubicon.
Les Français sont patients, mais il y a des limites !
18 Août 2013 15:16 9. Mayaud
Merci, monsieur Desjardins pour votre analyse courageuse.
C’est plus clair ainsi de parler de guerre de religion.
Merci.
Amicalement, Christophe
18 Août 2013 15:34 10. Maxime
Jean-louis a dit à propos de l’islam : « il n’y a aucune séparation entre le séculier et le religieux, et la doctrine imprègne la société. » Un exemple : En Égypte, du temps de Moubarak, sous un régime laïc donc, un musulman qui abandonnait sa religion était condamné à la prison à vie ! Selon la charia c’est la peine de mort qui aurait dû être appliquée. Il s’agit d’un moyen simple et efficace, machiavélique, pour empêcher les musulmans de se poser des questions, et rendre impossible toute conversion ; il n’y a pas de missionnaires chrétiens (ou autres) en pays musulman. La non-liberté du choix de sa religion est donc pleinement assumée, dans un pays qui est un fidèles allié des Américains, et qui accueille de nombreux touristes venus du monde entier. On comprend à ce simple détail, le gouffre qui sépare les pays musulmans, même modérés, de l’occident aux racines chrétiennes.
La naïveté et la bienveillance de nos gouvernants par rapport aux musulmans et à l’islam est la pire des attitudes à adopter. Un musulman n’a que mépris pour celui qui est faible, il est considéré comme un lâche. La fermeté dans le respect, l’expression claire et précise ce qu’est la France, ses valeurs, son histoire, ce qu’il est permis ou interdit d’y faire, voilà les idées que gauche et droite devraient partager pour espérer intégrer les populations musulmanes, et en faire des Français à part entière. On est encore très loin du compte.
19 Août 2013 22:56 11. sophie
Pour une fois, je suis d’accord sur l’essentiel. Sauf que c’est l’islam qui se pique de politique qui doit être combattu et non l’islam en tant que tel, qui n’est pas pire que les autres religions. Par ailleurs, selon moi, les printemps ne sont pas devenus des automnes. L’espoir demeure puisque ces terres d’islam rejettent l’islam politique, puisque les populations ressentent cette instrumentalisation religieuse comme un joug, un corps étranger, presque une colonisation (du Qatar, de l’Arabie S)ou une machination US pour les maintenir en position de sous-civilisés. Qui aurait imaginé cette grande prise de conscience dans un pays culturellement musulman il y a seulement 2 ans? Personne. Quel progrés immense en 2 ans! Leur problème est maintenant de trouver un moyen d’écarter les religieux sans trop sombrer dans la violence. Ces révolutions étaient décidément une grande chance : pour les peuples arabes, faisant l’apprentissage de la politique et qui réussiront un jour à construire ce qu’on appelle ici vaniteusement une démocratie et pour nous, qui trouverons désormais chez ces musulmans les appuis les plus fervents pour parler séparation politique et religieuse sans se faire traiter d’islamophobe. Vous êtes trop pessimiste. 2 ans, purée, 2 ans!!! Qu’avons nous accompli comme progrés nous, ces 2 dernières années? et nos politiques et medias osent leur faire la leçon?
19 Août 2013 23:42 12. sophie
@5. Jean Louis
« Livre de Sfeir » : l’UOIF est grosso modo la branche française de la nébuleuse des Frères Musulmans, comme le Hamas en Palestine, Ennahdha en Tunisie, AKP en Turquie… sous des noms différents dans chaque pays, il s’agit en fait de la même organisation qui s’installe partout où elle le peut. Elle est riche et puissante, financée par le Qatar qui cherche à étendre son influence à travers elle et qui lui fournit même un media de masse(Al Jazeera)propageant ses idées. Il est donc normal que l’UOIF soit sur la même ligne que les pro-Morsi.
Que vous êtes tous déprimés ici! Faut pas avoir peur comme cela. Ne vous inquiétez pas tant, vous mourrez tous dans votre lit ou dans un accident de la route comme tout le monde et non dans un attentat, au contraire de nos (hum, disons plutôt « mes »?)ami(es) qui vivent dangereusement dans des pays en guerre. Nous en avons de la chance, savourons!