Hollande à l’école du « petit père » Queuille
On connait le fameux mot d’Henri Queuille, maintes fois ministre (notamment de l’agriculture) et président du Conseil de la IVème République. « Il n’y a pas de problème que l’absence de solution ne finisse par résoudre ». Queuille était député de la Corrèze, comme l’ont été Chirac et Hollande. Il faut croire que ce bien beau département a quelque chose de maudit. Car, bien sûr, ce précepte, même s’il a été souvent appliqué à la lettre, est absurde.
Que fait le président de la République en ce dimanche un peu tristounet ? Il fait ce qu’il préfère : rien. C’est-à-dire, selon son entourage, qu’« il consulte » et qu’« il réfléchit ». Ce qui veut dire que, blotti dans son fauteuil présidentiel, il cherche la meilleure position pour faire le dos rond, en donnant, précisément, raison à Queuille.
Il a crevé tous les planchers dans tous les sondages, n’ayant plus maintenant que 27% des Français qui lui font confiance (ce qui veut dire, on ne le souligne pas assez, que 73% de nos compatriotes ne veulent plus de lui). Le chômage, la précarité, les déficits, la dette continuent à augmenter au même rythme, bien sûr, que la colère des Français. Et, cerise sur la gâteau, les affaires Cahuzac et Augier viennent de lui « éclater à la gueule », le discréditant un peu plus encore.
Les commentateurs se demandent doctement si c’est une crise politique, une crise de régime, une crise institutionnelle ou une crise morale qui s’ajoute ainsi à la crise économique et à la crise sociale qui minent déjà le pays depuis des années.
Une chose est sûre : contrairement à ce qu’affirmait Queuille, cela ne va pas pouvoir durer comme cela pendant encore quatre ans, avec un chef d’Etat impotent de nature et paralysé par l’adversité, une équipe de branquignoles autour de la table du Conseil des ministres, une majorité qui commence à ruer dans les brancards, une administration qui laisse tout partir à vau l’eau et une opinion publique sur le point de franchir –quand ce n’est pas déjà fait- les limites de l’exaspération.
Alors, tout en sachant que François Hollande ne fera rien, tout le monde gamberge. Remaniement ministériel ? Changement de Premier ministre ? Référendum ? Dissolution ? Quel serait le bon coup (de théâtre) que le président pourrait nous faire pour essayer de se sortir du bourbier dans lequel il est maintenant enlisé jusqu’au cou ?
Or, ce qui est curieux c’est qu’on s’aperçoit immédiatement, quoi qu’en disent nos experts, qu’aucune de ces initiatives-chocs ne permettrait à Hollande de rebondir un tant soit peu.
Un remaniement ministériel ? Rarement dans l’histoire de toutes nos républiques un gouvernement a été aussi fade, aussi transparent, inexistant. Qui pourrait reconnaitre dans le métro ou même à la tribune de l’Assemblée : Thierry Repentin, Pascal Canfin, Yamina Benguigui, Hélène Conway-Mouret, Gorge Pau-Langevin, Michèle Delaunay, Dominique Bertinotti, Marie-Arlette Carlotti, François Lamy, Frédéric Cuvillier, Geneviève Fioraso, Guillaume Garot, Kader Arif, Anne-Marie Escoffier, Victorin Lurel, Sylvia Pinel ou même Valérie Fourneyron ? Et pourtant tous ces inconnus font partie des 38 membres du gouvernement Ayrault et, de nos jours, tout le monde passe et repasse à la télévision. Eux, personne n’a jamais appris leur existence. Les virer n’aurait donc aucun effet.
Virer les mauvais élèves qui se sont fait connaitre parce qu’ils chahutaient au fond de la classe, les Montebourg, Peillon, Duflot, Filippetti, ne ferait plaisir qu’à ceux qui les remplaceraient.
Valls, Fabius, Taubira, Moscovici (même coupable d’avoir été le ministre de tutelle de Cahuzac) sont intouchables. Et ceux qui restent, ni bons ni mauvais, Les Sapin, Touraine, Le Drian, Le Foll, Lebranchu, tout le monde s’en fout.
L’ennui quand on a nommé un gouvernement médiocre c’est qu’on ne peut même pas pratiquer le jeu des chaises musicales pour amuser le tapis.
Alors, changer de Premier ministre ? Personne ne pleurerait Ayrault qui, en quittant sa mairie de Nantes, a dépassé allègrement les limites de ses compétences. Mais d’abord, dix mois après l’avoir nommé ce serait évidemment, pour Hollande, reconnaitre son erreur, même s’il y a un précédent : Edith Cresson qui n’était restée à Matignon que du 15 mai 1991 au 2 avril 1992.
Mais surtout par qui remplacer Ayrault ? Valls, le moins impopulaire des ministres ? Trop « frais », trop ambitieux et surtout trop « à droite ». Le PS et toute la gauche hurleraient. Martine Aubry ? Elle n’attend que cela depuis des mois en rongeant son frein. Mais Hollande la déteste et ce serait, aux yeux de tous, la pire des capitulations en rase campagne, avec inévitablement un redoutable coup de barre à gauche. On aurait une sorte de cohabitation invivable entre la « pétroleuse des 35 heures » et un social-démocrate mal dans sa peau et tétanisé. Totalement inutile, Ayrault semble irremplaçable.
Certains suggèrent à Hollande de faire un référendum sur le thème de… la moralisation de la vie politique. C’est totalement absurde. On sait d’expérience que les Français ne répondent jamais à la question qu’on leur pose mais profitent de l’occasion pour faire savoir ce qu’ils pensent du pouvoir en place. En France, les référendums ne sont jamais que des plébiscites qu’on gagne ou qu’on perd, comme de Gaulle en 1969. Là, Hollande perdrait à tous les coups.
Et d’ailleurs quelles questions poser ? Voulez-vous que vos hommes politiques piquent dans la caisse ou touchent des pots de vin ? Planquent leur fric en Suisse, à Singapour ou aux îles Caïmans ? Et même si les Français sont favorables à la fin du cumul des mandats et à l’inéligibilité (à vie) des politiciens condamnés par les tribunaux, il est plus que vraisemblable que si c’était Hollande qui le leur proposait aujourd’hui, ils diraient « non » à une écrasante majorité.
Reste la dissolution. Tout le monde pense à celle de Chirac en 1997 quand le pays était bloqué par l’intransigeance de Juppé, droit dans ses bottes, dont Chirac ne voulait pas se séparer et qui a conduit à une Bérézina. On a oublié les deux dissolutions de de Gaulle, en 1962, quand l’Assemblée avait renversé le gouvernement de Pompidou, et en 1968, au lendemain des « événements de mai » et les deux dissolutions de Mitterrand, en 1981 et en 1988, quand, élu et réélu, il avait en face de lui une assemblée de droite. Ces quatre dissolutions-là se sont traduites par des raz-de-marée en faveur de ceux qui les avaient décrétées. Mais il est évident qu’une dissolution décidée par Hollande aujourd’hui ressemblerait à s’y méprendre à celle de 1997, c’est-à-dire à un hara-kiri et qu’on se retrouverait avec Copé à Matignon.
Un remaniement serait inutile, changer de Premier ministre est impossible, un référendum serait perdu, une dissolution serait catastrophique.
Comme Hollande n’a jamais fait preuve de beaucoup d’imagination, on voit mal ce qu’il pourrait nous proposer et d’autant moins que c’est de lui dont les Français ne veulent plus.
Sur le papier, il peut encore perdre 27 points dans les sondages. A la cadence actuelle, il sera à zéro en février prochain. Après, on ne sait pas…
Mots-clefs : dissolution, Hoillande, référendum, Remaniement
07 Avr 2013 11:57 1. Jean Louis
Après ? Hibernatus …
Rien à ajouter, mais il faut votre métier pour rester calme.
Jean Dutourd aimait citer chez Queuille « L’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter ».
07 Avr 2013 12:50 2. abenaton
La réponse est assez simple. Voyons voir :
1- Wikipédia : François Hollande, né le 12 août 1954 à Rouen,
2- Le prophète Jacques Attali ( économiste, écrivain et haut fonctionnaire français, né le 1er novembre 1943 et encore viva:
« dès qu’il dépasse 60-65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société. La vieillesse est actuellement un marché, mais il n’est pas solvable. Je suis, pour ma part, en tant que socialiste, contre l’allongement de la vie. L’euthanasie sera un des instruments de nos sociétés futures ». (Jacques Attali « l’avenir de la vie »)
Encore 1 an et 4 mois à attendre !
Merci, mon peit Atalli, comme disait le roi Mitterrand en caressant son mignon dans le sens du pil-poul!
07 Avr 2013 12:52 3. abenaton
La réponse est assez simple. Voyons voir les oracles :
1- Wikipédia : François Hollande, né le 12 août 1954 à Rouen …
2- Le prophète Jacques Attali ( économiste, écrivain et haut fonctionnaire français, né le 1er novembre 1943 donc 70 ans et … encore vivant!):
« dès qu’il dépasse 60-65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société. La vieillesse est actuellement un marché, mais il n’est pas solvable. Je suis, pour ma part, en tant que socialiste, contre l’allongement de la vie. L’euthanasie sera un des instruments de nos sociétés futures ». (Jacques Attali, 70 ans !!! « l’avenir de la vie »)
Conclusion socialiste : Encore 1 an et 4 mois à attendre !
Merci, mon peit Atalli, comme disait le roi Mitterrand en caressant son mignon dans le sens du pil-poul!
07 Avr 2013 13:01 4. Patrick-Louis Vincent
Attention Thierry, ce n’est pas parce que tous ces ministres sont inconnus du grand public qu’ils sont mauvais. J’ai déjà cité le cas de Pascal Canfin qui a fait un travail sérieux et très utile au parlement européen sur l’interdiction des ventes à découvert. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a trop de ministres qui ne servent à rien. Un remaniement avec seulement 14 ministres serait déjà un bon point. J’y suis favorable, mais ce n’est pas suffisant.
Concernant le référendum, je ne suis pas de votre avis. Mais il faudrait un référendum à plusieurs questions qui inclurait celles qui n’ont aucune chance de passer au Parlement. Ainsi l’on pourrait introduire la question « êtes-vous favorables au vote des étrangers aux élections locales ? » La réponse serait bien sûr « non ». Ce serait la question repoussoir. Ensuite l’on poserait les questions relatives aux questions de moralisation de vie publique, en particulier sur le contrôle des déclarations patrimoniales par la Cour de Comptes, et leur publication à la préfecture et sur un site Internet. Là, franchement, je ne vois pas les Français répondre « non » puisque c’est ce qu’ils veulent. Ensuite, l’on poserait la question sur le non cumul des mandats. Les Français y sont largement favorables. Il n’y aucune raison pour qu’ils ne répondent pas favorablement.
Le référendum à questions multiples est un excellent moyen pour courcircuiter le Conseil Constitutionnel et le parlement sur des questions qui ne plaisent pas à ces messieurs. Et puis, ce serait une excellente occasion de redonner la parole aux Français. Ils en ont tant besoin !
07 Avr 2013 16:08 5. infraniouzes
Mais enfin (comme dirait Gaston) il y a une chose que tout le monde a oubliée et à laquelle François Hollande et son brain-trust ne font que penser: La REPRISE économique mondiale ! Ce n’est qu’une question de temps. Elle finira bien par arriver cette fichue reprise, sabre de bois ! L’Amérique va la connaître, puis l’Allemagne et enfin l’Europe. Et la France récupérera bien un petit 0,5% de cette manne, suffisant pour faire « cocorico ou vous l’avait bien dit ».
Donc que font-ils en ce dimanche maussade ? Ils consultent les cartomanciennes, les voyantes, les diseuses de bonne aventure, les Pythonisse et toutes les Madame Irma que compte la capitale.
Tout ça n’est qu’une question de temps. La maxime mitterrandienne, laissons du temps au temps, n’a jamais été autant d’actualité.
07 Avr 2013 17:19 6. ar!stide_lancien
Le climat politique actuel me rappelle étrangement celui de 1958, avant l’explosion à Alger en mai. certes la conjoncture est très différente: pas la même constitution, pas non plus les mêmes circonstances historiques.
Mais le climat moral est le même: les gouvernements tombaient et on réorganisait un nouveau gouvernement avec les mêmes personnages ! Il y eut une grève et une manifestation massive de la Police parisienne en février, ce qui était énorme !
En mai c’était la révolte de la rue en Algérie conduite par la partie saine de la population et l’effondrement du Régime. De Gaulle a alors représenté un recours qui, pour beaucoup, était inattendu !
Aujourd’hui il n’y a pas de De Gaulle et l’Armée n’est pas dans le même état d’esprit et n’a pas non plus le même poids .
Si se produisait maintenant soudain une explosion, ce serait l’aventure et il y aurait le risque d’une guerre civile et d’une intervention extérieure et humanitaire « à la Bosniaque ». La responsabilité de Hollande et du PS qui détient majoritairement tous les pouvoirs constitutionnels serait énorme, celle de la droite incapable de s’entendre sur un programme de salut public ne serait pas non plus négligeable !
07 Avr 2013 17:49 7. Patrick-Louis Vincent
@infranews,
Non, il n’y aura pas de relance, et durant de très nombreuses années. Les cycles économiques sont ainsi. Les phases de croissance sont suivies de phases de décroissance. Nous avons eu les 30 glorieuses avec une croissance forte, due en grande partie aux destructions de la guerre et le plan Marshall. Cette croissance est allé de pair avec la croissance de l’état-providence et les avantages sociaux. Puis, cette croissance a commencé à baisser, en gros à partir de 1981. Pour maintenir le haut niveau des prestations sociales, l’on a essayer de compenser la baisse de croissance par des augmentations d’impôts, puis des prélèvements sociaux (CSG…) de plus en plus importants, puis, enfin, par de la dette.
Bref! l’on a reculé l’échéance, en espérant sans cesse que la croissance allait revenir. Or, la dette tue la croissance. Nous en sommes arrivé à un point où la dette ne peut être remboursée, alors que la croissance est nulle. Tant que les taux de croissance étaient supérieurs aux taux d’emprunts, tout allait bien. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Les taux de croissance sont inférieurs aux taux d’emprunts, et donc, plus l’on emprunte, plus l’on s’appauvrit, et moins nous avons de quoi financer l’état-providence. Nous devons même nous préparer à une croissance négative, alors que les taux d’intérêts vont augmenter.
Quand les taux d’intérêts vont monter, nous arriverons très vite au stade de la faillite de l’état, et très probablement à la fin de l’euro et au retour aux monnaies nationales. Nous serons alors obligé de dévaluer notre monnaie de l’ordre de 40 à 50% (suivant la gravité de la situation à ce moment-là), ce qui signifiera une baisse du pouvoir d’achat d’autant et une dévaluation de l’épargne d’autant.
Le petit peuple et les classes moyennes vont beaucoup souffrir.Tous les économistes sérieux, non inféodés au système, savent cela (Baverez, Sapir, Roubini). Ils savent que cela va se produire. La seule chose qu’ils ne savent pas, c’est quand cela se produira.
Comme le dit JP Chevalier « avant un tsunami, tout est calme » !
07 Avr 2013 17:58 8. Patrick-Louis Vincent
@aristide_lancien,
La situation est voisine de 1958, mais aussi de 1789, avec sa crise des élites corrompues et des privilèges dont bénéficient certaines couches sociales.
En 1958, il y eu De Gaulle ; immédiatement après la révolution, il y eut Napoléon, deux militaires.
Si notre société se délite, et si la République vacille, je crains fort que nous n’ayons ni des De Gaulle, ni des Napoléon. Mais qui sait ? dans des situations exceptionnelles, des hommes nouveaux exceptionnels peuvent se révéler.
07 Avr 2013 19:19 9. abenaton
Dans les conversations aux USA, on utilise une expression moqueuse sur les avocats qui ont là-bas aussi une sale réputation : »Beleive me, I am a lawyer! ».
Le Nouvel Obs, ce soir : « L’ancien ministre du Budget est accusé d’avoir tenté de placer 15 millions d’euros en Suisse en 2009. Une hypothèse qui n’est « pas crédible », répond son avocat. »
Beleive me ! I am Cahuzac’s lawyer !
Interdiction de rire ! N’est pas avocat d’Al Capone qui veut !
« La populace devrait nous éviter le non-mérité « Tous pourris ! » affirment à longueur de colonne nos députés et sénateurs, bien logés, homophiles, cathophobes et prolophobes.
08 Avr 2013 13:27 10. bentolila
Non je ne suis pas contente, laissez tranquille mon maigrichonnet. Même s’il m’a abandonné pour cette gourde de Valérie, je le soutient encore. Il n’a qu’a me nommer première sinistre de France Juste, j’arrive….
15 Avr 2013 11:17 11. Kerfanto
Chirac avait patienté 2 ans avant d’avoir la certitude qu’une dissolution le libérerait de la charge de gouverner pour s’offrir la tranquillité de l’Elysée , en roue libre jusqu’en 2002. C’est le modèle Chirac, dans la tradition corrézienne, qu’Hollande se prépare à suivre. Mais il n’est pas encore certain de perdre sa majorité. Il est impatient d’y parvenir,pour pouvoir enfin de se la couler douce, les deux mains dans son slip, avec Valérie à l’Elysée. Les fastes de l’Elysée sans les emmerdes du pouvoir. Mais il est capable, là aussi, de rater son coup.