L’heure des voyous
Depardieu, Tapie et Montebourg font la « une » de l’actualité depuis quelques jours. Le premier parce qu’il quitte la France en claquant la porte bruyamment, les deux autres parce qu’ils s’étripent à propos du rachat par l’ancien ministre-tôlard des journaux méridionaux. On peut ajouter, parmi les « stars » de cette fin d’année, Cahuzac et son compte secret supposé en Suisse, les duettistes de l’UMP, Fillon et Copé, et leur combat de chiffonniers pour savoir lequel des deux a le plus triché, et même Sarkozy dont les comptes de campagne viennent d’être retoqués.
A priori, tous ces personnages sont très différents les uns des autres. Sur le papier, on ne voit rien de commun entre l’acteur tonitruant, l’homme d’affaires contesté, le ministre du Redressement productif, le spécialiste des implants capillaires devenu ministre du Budget, l’ancien Premier ministre, le président proclamé de l’UMP et l’ancien président de la République.
Mais aux yeux des Français –et c’est cela seul qui compte- tous ces ténors et sous-ténors sont plus ou moins des voyous. Les uns sympathiques, les autres pas. Depardieu à cause de sa grande gueule et de ses « cuites » légendaires, Tapie à cause de son passé pour le moins sulfureux, Montebourg à cause de ses dérapages provocateurs, Cahuzac s’il a bel et bien un compte en Suisse ou ailleurs, les deux compères de l’UMP parce qu’ils ont, sans guère de doute, autant triché l’un que l’autre et Sarkozy parce qu’il a, en effet, confondu allégrement la caisse de l’Elysée avec celle du candidat à la présidentielle qu’il était.
Contrairement à ce qu’affirme « l’Académie des Sciences morales et politiques », la morale et la politique (qui ne sont d’ailleurs pas des sciences exactes) ont rarement fait bon ménage. Mais jamais, sans doute, notre scène nationale n’a été envahie par autant d’individus qu’on ne souhaiterait pas rencontrer le soir au coin d’un bois.
Cela fait très longtemps que les Français n’ont plus une admiration béate pour leur personnel politique. Et depuis la disparition de l’Abbé Pierre, de Soeur Emmanuelle ou du Commandant Cousteau, ils n’ont même plus personne vers qui se retourner pour se dire que tout n’est tout de même pas pourri dans le royaume.
Mais dans la période épouvantable de crise sociale, économique et plus encore morale que traverse le pays, le spectacle que nous offrent tous ces fripons, magouilleurs, brigands et vauriens est particulièrement dévastateur.
Jadis, on a parlé de la République « des copains et des coquins ». Aujourd’hui, c’est carrément l’heure des voyous.
Certains farfelus nous annonçaient la fin du monde pour hier. On peut penser que beaucoup de Français rêvent aujourd’hui d’un monde nouveau. Mais plus personne ne croit au Père Noël.
Mots-clefs : Depardieu, Montebourg, Tapie
22 Déc 2012 14:24 1. omer
Et onze millions d’euros qui vont passer sous le nez de MM Fillon et Copé !
C’était bien la peine de se battre comme des chiffonniers…
22 Déc 2012 15:25 2. laurentdup
Pendant ce temps là Monti fait croire qu’il pourrait se présenter aux législatives alors que le siège de Barroso lui est destiné en 2014 par le monde de la finance, le mondes des grandes entreprises internationales et par quelques banques en particulier….
Un homme de la haute finance ne se présente jamais au suffrage universel, puisque c’est lui qui donne ses ordres aux politiques depuis maintenant quelques années.
Personne n’est dupe, encore moins Berlusconi qui a fait savoir par presse interposée que si Monti se présente, il déclinera sa candidature.
C’est vous dire si le suspens est grand sur une candidature de Monti en Italie!
Pendant ce temps la presse est encore unanime sur le bilan de super mario, puisqu’il a réussi à « sauver » l’Italie, et surtout à rassurer le monde de la finance.
Pas un mot sur le chômage en constante augmentation, pas un mot sur le fait que la dette Italienne ne s’est pas arrêtée, mais qu’elle s’est très fortement alourdie durant son passage.
Pas un mot sur la révolte, ni sur la détresse des italiens, rien, même dans la presse de gauche.
Alors oui, nous sommes en pleine voyoucratie financière, tout ce petit ou grand monde tire son épingle du jeu au mépris de la politique et surtout au mépris de nos libertés et de nos démocraties.
Ce qui est par dessus tout insupportable est que cette voyoucratie financière nous dit agir au nom même de nos libertés, au nom même de nos démocraties, et surtout au nom même de la paix.
22 Déc 2012 16:12 3. infraniouzes
Je donnerais cher pour être une petite souris et voir l’ambiance qui règnera au Conseil constitutionnel si ce dernier refuse définitivement les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. Ça va être rock’n’roll. Dommage que Chirac soit trop bas pour ne pouvoir savourer le moment. D’autres le feront pour lui.
Mais je me pose une question: sera-t-il séant qu’un ancien président de la république dont les comptes de campagne ont été refusés par la Commission ad-hoc siège au sein de l’institution. Voilà encore un cas de figure que le général de Gaulle n’avait pas prévu. Mais c’était là sa seule faiblesse. Il pensait que les hautes fonctions apportaient noblesse et honnêteté aux hommes politiques. Là; il avait tout faux….
22 Déc 2012 18:44 4. bentolila
Lulu nouvelle lecture intellectuelobobo Le tronde de fer: Premier tome: les royaumes des voleurs. Il faudra attendre le 1 janvier pour la suite.
22 Déc 2012 20:13 5. toto
En ce qui concerne Bernard Tapie, celui-ci est nettement remonté dans mon estime depuis que j’ai lu les deux articles ci-après:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Tapie
http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Adidas
Je ne serais pas étonné qu’il souhaite revenir en politique pour se venger de ce que le PS lui a fait subir… Et je le comprendrais !
23 Déc 2012 10:22 6. Jean Louis
Les comptes de campagne ! Voilà au moins une fonction où l’on est sûr que le Conseil machin ne sert à rien … En fouinant dans la campagne de Balladur en 1995, autour des Takkiedine et autre Karachi où il fut établi que des fonds suisses furent apportés par sacoches, la même question se posa pour les comptes de Chirac. Et il fut ressorti un rapport du Conseil machin s’émouvant qu’un coquet montant était d’origine inconnue. Le seul dont les comptes furent invalidés fut Cheminade … Un ami avocat retraité m’avait rétorqué que rejeter les comptes Chirac et Balladur obligeait à recommencer l’élection. Le président du Conseil, un certain Dumas Roland, nommé par Mitterrand signa donc des comptes irréprochables. Cela s’appelle le marigot.
Quant au contentieux Tapie – Adidas, absolument d’accord avec @toto. Pour qui a suivi cette affaire de voyous depuis le début, le premier truand fut le Crédit Lyonnais. Chargé de vendre Adidas, le Crédit lyonnais se livre à une expertise minutieuse de l’affaire, et réalise que sa valeur est certainement bien supérieure au prix minimum demandé par Bernard Tapie dans son mandat (plus de 2 milliards de francs). L’état-major de la banque conçoit donc un plan : se porter acquéreur d’Adidas, au prix minimum demandé par Bernard Tapie, et revendre la société au prix fort et à son seul profit par la suite, via des sociétés offshore pour préserver l’anonymat des opérations. Ce plan est dévoilé lors d’une note interne du Crédit Lyonnais, écrite en octobre 1992 par Henri Filho, Directeur Général de Crédit lyonnais Invest, la filiale financière du Crédit lyonnais, plus de deux mois avant la signature du memorandum et du mandat de vente d’Adidas par Bernard Tapie, à l’attention du président du Crédit Lyonnais, Jean-Yves Haberer, décrit toute l’opération, notamment le portage par «des sociétés offshore n’ayant aucun lien avec le Crédit lyonnais et assurant une parfaite étanchéité avec lui, avec au moins deux échelons de protection». Montage de sociétés écran aux iles Cayman digne des plus grands voyous de la finance.
Et après le résultat de la sentence arbitrale rendue par trois arbitres Pierre Mazeaud, Bredin et Estoup (absolument pas lié professionnellement à l’avocat de Tapie, contrairement aux hurlements de la meute …) vinrent les sentences de grands moralistes, les vociférations des Bayrou, Peyrelevade, Cahuzac, Courson, et autres Goulard. Mais dans cette longue histoire, il y a un épisode qui relève vraiment du merveilleux. La décision d’aller à l’arbitrage fut prise par un certain … Jean-Louis Borloo , éphémère ministre de l’Economie et des Finances du 18 mai au 19 juin 2007 (jusqu’à ce que Fabius se paie sa tignasse en direct à la télé sur la TVA sociale, un soir de résultats électoraux). Et ce qui ne s’invente pas, ce monsieur Borloo fut l’avocat de Tapie pendant de nombreuses années, lui enseignant l’art de racheter des entreprises en capilotade pour un franc symbolique.
Dans le collège de vertueux qui ont ouvert la chasse au Tapie, notons la présence de Peyrelevade, directeur du Crédit Lyonnais pendant dix ans.
Témoin direct de la “banque combustible”. 5 Mai 1996, incendie du siège Bd des Italiens, Août 1997, incendie des archives de la dite banque dans les hangars du Havre.
Les enquêtes avancent ?
Marigot ? Le plus sidérant est qu’un ex avocat général, Philippe Bilger, a pris fait et cause pour ces glauques, sur son blog. Pas regardant ce monsieur …
Et c’est vrai qu’à Marseille, un tripot de socialos reconduisent au Conseil Général après les dernières cantonales, un chef de bande qui a mis le département en coupe réglée. Avec à droite un sénateur maire sénile qui pourrait aisément copiner avec Pierre Bergé, ou pour le remplacer un président de commission de la défense, atlantiste patenté qui a mis à genoux une des principales fonctions régaliennes de l’Etat.
Une liste de voyous, Thierry ? Un répertoire téléphonique … Et Tapie n’est pas le plus noir. Il vient de demander que les journalistes reviennent à l’éthique de leur métier, séparer les faits du commentaire. On est loin du compte.
23 Déc 2012 12:19 7. Patrick-Louis Vincent
« Un ami avocat retraité m’avait rétorqué que rejeter les comptes Chirac et Balladur obligeait à recommencer l’élection »
Non, c’était impossible. Le Conseil Constitutionnel ne peut invalider une élection que si il y a eu fraude électorale. Chirac ayant élu au suffrage universel sans fraude, son élection ne pouvait être invalidée. En revanche, Chirac aurait dû rembourser l’avance sur campagne. Mais surtout, la divulgation de comptes truqués aurait jeté une ombre sur l’honnêteté du président de la République nouvellement élu. De pus, comme Roland Dumas traînait aussi un certain nombre de casseroles, il y a eu un arrangement entre lui et Chirac.
Thierry, je ne crois pas que les hommes politiques aient moins de sens moral qu’autrefois. La politique, de tous temps et sous tous les régimes, a toujours été un panier de crabes. Simplement, autrefois, les choses étaient cachées. L’on faisait ses coups en douce et rien ne sortait, car chacun avait des dossiers sur chacun : je te tiens, tu me tiens par la barbichette ! Aujourd’hui, l’information circule à grande vitesse. Tous, un jour ou l’autre, se font piéger par Internet, les téléphones portables, les réseaux sociaux qui véhiculent des indiscrétions qui font taches d’huile.
Croyez-vous que Danton, Talleyrand, Louis XV, Mazarin, Philippe IV Le Bel étaient auréolés de principes moraux ?
23 Déc 2012 13:17 8. Jean Louis
C’est toujours très marrant de voir passer sur un forum un « constitutionaliste » de circonstance …
Oui, si Dumas avait fait son boulot en rejetant les comptes de campagne de Chirac et Balladur selon les preuves évidentes qu’il avait, il fallait recommencer l’élection.
23 Déc 2012 15:13 9. Patrick-Louis Vincent
« Oui, si Dumas avait fait son boulot en rejetant les comptes de campagne de Chirac et Balladur selon les preuves évidentes qu’il avait, il fallait recommencer l’élection »
Non, cela a d’ailleurs été dit par Roland Dumas lui-même. Non que le CC n’en avait pas le droit, mais parce qu’il lui apparaissait impossible de remettre en question le suffrage universel qui, lui, s’était déroulé sans fraude.
D’ailleurs, en termes de droits, j’ai beau relire le code électoral, je ne vois pas d’articles qui permettraient au CC d’annuler une élection pour fraude dans les comptes de campagne. Les seuls cas d’annulation sont consécutifs à des fraudes dans les votes ou le comptage des bulletins.
En revanche, comme je l’ai dit, le CC aurait pu demander au candidat fraudeur de rembourser les avances qu’il avait obtenues pour frais de campagne, ou de rendre au fisc le dépassement des frais de campagne autorisés. De plus, il était poursuivable au pénal dès que l’immunité ne lui était plus assuré, soit après son mandat électif.
Il ne faut d’ailleurs pas confondre la Commission Nationale des Comptes de Campagne (CNCC), composée de membres du Conseil d’Etat, de la Cour des Comptes et de la Cour de Cassation, qui vérifie les comptes de campagnes, et le Conseil Constitutionnel, qui n’est pas une Cour Suprême et qui n’est pas constituée de magistrats. Donc, en cas de fraude, l’affaire doit être déposée au Parquet.