Sarkozy serait élu… en Libye
C’est la deuxième victoire de Sarkozy. En quatre ans et demi, il n’a pas réussi à réduire le chômage, la dette ou l’insécurité en France, mais, après avoir éliminé Gbagbo à Abidjan, il est en train de chasser Khadafy du pouvoir à Tripoli.
Si l’on en juge par les cris d’allégresse poussés par les rebelles libyens, il pourrait sans doute se faire élire aujourd’hui président du coté de Benghazi.
Rien ne dit cependant que les Français sauront lui témoigner une telle gratitude. Il a d’ailleurs encore perdu trois points cette semaine dans le sondage du Journal du Dimanche et 61% des Français ont toujours une image défavorable de lui, selon le sondage du Point.
Sarkozy semble n’avoir pas compris que les Français –comme tous les électeurs de la planète- se déterminent devant les urnes en fonction des problèmes intérieurs auxquels ils sont confrontés et ne tiennent jamais compte des faits d’armes que leurs dirigeants ont pu mener sur des terres lointaines.
A dire le vrai, si les Français ont été scandalisés par la violence de la répression qu’avait lancée « le fou de Tripoli » contre ses opposants, tout comme ils le sont par celle qu’utilise le Syrien Assad pour mâter ses adversaires et qu’ils l’avaient été par les massacres des Tchétchènes perpétrés par Poutine et Medvedev ou par ceux des Tibétains organisés par Pékin, ils l’ont pas très bien compris pourquoi nos Rafales partaient bombarder la Libye.
Il est d’usage que les grandes puissances condamnent, sur la scène diplomatique, les tueries organisées par des pouvoirs en place et même qu’elles décrètent des sanctions économiques contre les régimes qui malmènent par trop des Droits de l’Homme, mais c’est la première fois dans l’histoire contemporaine qu’un Etat, la France en l’occurrence, a soutenu officiellement des rebelles, leur a fourni des armes, des conseillers, un appui aérien (et sans doute terrestre) et a reconnu leur gouvernement provisoire avec échange d’ambassadeurs.
Une coalition internationale est intervenue en Afghanistan pour chasser les Talibans, accusés d’être les soutiens du terrorisme islamiste, une autre a attaqué l’Irak pour renverser Saddam Hussein, soupçonné (à tort) d’avoir des armes de destruction massive, mais, dans un cas comme dans l’autre, les pays « assaillants », les Etats-Unis et leurs alliés, entendaient se protéger contre des ennemis potentiels et ne prétendaient pas soutenir des opposants au nom de la démocratie.
Jusqu’à présent, quand les grandes capitales voulaient aider des rebellions pour renverser un régime qui leur déplaisait, elles le faisaient secrètement. Ce sont les hommes de main de la CIA qui ont clandestinement armé et encadré les anticastristes de Cuba, les Contras du Nicaragua, les hommes de Sawimbi en Angola, les Talibans (première version) contre les occupants soviétiques d’Afghanistan. Sans parler de nos « barbouzes », faisant et défaisant les régimes africains.
Sarkozy, lui, n’a pas hésité à violer ostensiblement toutes les règles internationales et à pratiquer le « droit d’ingérence », cher à Kouchner, comme jamais personne n’avait osé le faire.
Rappelons que l’ONU avait autorisé une opération visant à « protéger les populations civiles » massacrées par l’armée de Khadafy et avait bien précisé qu’il ne pouvait pas s’agir d’une opération visant à renverser le régime libyen.
Si tout le monde était d’accord depuis longtemps pour reconnaitre que Khadafy était un fou furieux (et dangereux), personne n’avait oublié que Sarkozy l’avait reçu à Paris avec les petits plats dans les grands et sa tente de bédouin, tout comme il avait accueilli en héros Assad lors d’un 14 juillet. Sarkozy n’a pas toujours su choisir ses amis et, même vainqueur à Tripoli, il peut difficilement aujourd’hui se présenter en défenseur des Droits de l’Homme.
De plus, que Khadafy soit contestable et contesté ne donne pas pour autant, et quoi qu’en pense Bernard-Henry Levy, la moindre légitimité à ce Conseil National de Transition autoproclamé et auquel nos Rafales offrent aujourd’hui le pouvoir. Qui sont ces gens dont certains étaient, hier encore, de très proches collaborateurs de Khadafy et parmi lesquels on trouve aussi bien des monarchistes nostalgiques du roi Idriss (renversé par Khadafy en 1969) que des Islamistes purs et durs ?
Il faut toujours se méfier de l’enthousiasme des foules quand un dictateur est renversé. Ce n’est pas toujours la voie ouverte à la démocratie. On se souvient de la joie avec laquelle les Iraniens (et l’Occident) avaient accueilli le départ du Chah. Quelques semaines plus tard, on découvrait que le régime instauré par l’ayatollah Khomeiny était bien pire encore que ce qu’avait pu être celui du « Roi des Rois ». Tout le monde a applaudi à la chute de Saddam Hussein. Aujourd’hui, l’Irak a éclaté en trois régions, le Kurdistan, la zone sunnite, la zone chiite, et n’est plus qu’un champ de ruines et qu’un torrent de sang dans lequel se multiplient quotidiennement des attentats particulièrement meurtriers.
La fameux « printemps arabe » de cette année était prometteur. On s’aperçoit que rien n’est joué, ni en Tunisie, ni en Egypte, et que tout peut encore basculer dans le pire des sens.
L’autosatisfaction affichée par l’Elysée va sans doute devoir se calmer rapidement, quand on va découvrir les dégâts « collatéraux » provoqués par nos bombardements, quand on va s’apercevoir que la Libye a éclaté entre Tripolitaine et Cyrénaïque, que la guerre des tribus fait rage et qu’au sein de ce CNT il n’y a pas que des démocrates.
Les Français se demandaient ce que nous étions allés faire dans cette galère, certains avaient l’impression que Sarkozy jouait les supplétifs des Américains et les mercenaires des intérêts pétroliers. Il n’est pas dit que les lendemains de la « victoire » les persuadent que Sarkozy a eu raison.
23 Août 2011 14:24 1. Patrick-Louis Vincent
« les Français ont été scandalisés par la violence de la répression qu’avait lancée « le fou de Tripoli » contre ses opposants »
Moi, je n’ai pas entendu cela autour de moi. Je crois plutôt que les gens s’en fichaient. Bien sûr, c’était très différent dans les médias qui se faisaient le porte-parole du gouvernement français et de son « ministre » en sous-mains, BHL, que l’on a pu entendre, encore hier, sur France 2,dire que c’était une victoire de la démocratie.
Aujourd’hui, tous ceux qui s’informent, en dehors des médias officiels, savent que le soi-disant massacre des insurgés par Khadafi, fut une mascarade orchestrée par la CIA, un panneau tendu pour convaincre l’ONU de donner son feu vert à une intervention de l’OTAN, donc des Américains et de ses valets, dont le but ultime était de faire main basse sur le pétrole lybien, et surtout empêcher Khadafi de vendre son pétrole en euros en lieu et place du dollar. Vous remarquerez que tous ceux qui s’en prennent à la suprématie du dollar (Saddam Hussein, Khadafi, DSK)ont, un jour ou l’autre, de gros ennuis.
Les raisons qui ont poussé les Américains à faire main basse sur la Lybie sont exactement les mêmes que celles qui ont poussé les Américains à envahir l’Irak. Seuls les moyens pour y parvenir ont été changés (Obama n’est pas Bush, même s’il défend les mêmes intérêts).
Aujourd’hui, c’est quasiment chose faite. Les Américains sont en Lybie, et ont un allié en Côte d’Ivoire. La conquête de l’Afrique se poursuit, avec ses immenses richesses minières.
Qu’est ce que Sarkozy va retirer comme avantage de cette exaction ? Probablement pas grand chose. Qu’est-ce qu’un vassal peut attendre de son suzerain ? Peut-être de reculer de quelques mois la perte du AAA de la France!
Pour moi, Français, je retiens que notre président, en lançant des bombes à uranium appauvri sur les populations qu’il prétendait défendre, et en tuant les petits-enfants de Khadafi, c’est rendu coupable de crimes de guerre qui mériteraient le Tribunal International de La Haye (idem pour ses ministres des Affaires Etrangères, officiel ou officieux, Juppé et BHL)
23 Août 2011 20:38 2. Alain Bellemere
Sarkozy comptait bien sur l’élimination du dictateur Kadhafi pour se refaire une virginité. Personne n’a en effet oublié le culot du campeur recevant en grandes pompes sous son marabout installé sur les pelouses interdites au public et faisant préparer son fricheti sur un barbecue géant non loin de la Seine. L’idée de déloger » le Guide » revient maintenant à Sarkozy qui misait sa prise de guerre sur 4 jours, relancés en 6 mois, le temps de détruire une à une des villes avant de gagner Tripoli. Le maître d’oeuvre BHL qui a tenu à aller sur place pour juger de la situation et tenir Sarkozy au courant à saluer l’initiative du Président comme un détonateur pour faire exploser les mauvais sondages. Mais que ne nenni, Sarkozy peut bien vouloir le bien d’un peuple opprimé, mais en s’investissant, il n’a fourni que des avions porteurs de bombes, chaque pays embarqué vers le ciel avait une tâche spécifique. Malheureusement , les bombes au sol ont tué des innocents, quadriller un secteur précis était très aléatoire. Sarkozy n’a pas gagné cette révolution, malgré le coût prohibitif engagé pour sauver un peuple composé de tribus et d’islamistes, la fin du despote s’apprête à se réaliser enfin, mais la victoire doit revenir uniquement aux combattants rebelles qui les premiers avaient pris des armes dépassés pour se libérer avec leur sang versé.
24 Août 2011 11:37 3. Patrick-Louis Vincent
Nous verrons ce qui va se passer à présent en Lybie. Mais j’ai bien peur que le nouveau régime soit bien pire que le précédant.
D’abord une précision ; ce ne sont pas les rebelles qui ont pris Tripoli. Leur incompétence dans les affaires militaires a été largement démontrée. Ce sont les services spéciaux américains, français, britanniques et italiens, constamment renforcés depuis début juillet, soutenus par l’aviation de l’OTAN, qui se sont chargé de l’opération. Il n’y a pas de révolution en Lybie, mais un coup d’état, ourdi par l’étranger.
Ensuite, le gouvernement auto proclamé, dit de transition, est composé d’anciens monarchistes, renversés il y a 42 ans par Khadafi, d’anciens du régime de Khadafi, dont son ministre de la Justice, responsable de tortures, et enfin d’islamistes djihadistes, proches du Hamas. Une vraie bombe à retardement !
L’on a dit beaucoup de choses fausses sur le régime de Khadafi. Bien sûr c’était un dictateur, complètement mégalomane, donc imprévisible. Mais le niveau de vie dans le pays était, de loin, le plus élevé de tout l’Afrique du Nord. Le pays était moderne, les routes très bien entretenues, l’école entièrement gratuite pour tous, y compris pour les jeunes filles, les soins entièrement gratuits également pour tous, dans des hôpitaux qui n’ont rien à envier aux hôpitaux occidentaux. Khadafi a largement débordé les frontières lybiennes pour faire construire des hôpitaux à l’étranger.
Je ne dis pas cela pour dédouaner Khadafi de ses exactions, mais pour rééquilibrer les choses. La vérité n’est pas manichéenne. Aujourd’hui, une grande partie de ce que Khadafi a construit a été détruit par les forces armées occidentales. C’est un gâchis monumental.
Maintenant, les regards se tournent vers la Syrie. Autre dictature, autre pays où le niveau élevé d’éducation et de soins. L’occident se trouve un nouveau diable. Mais le morceau sera plus coriace que la famélique armée lybienne, d’autant que la Syrie a un allié de poids avec l’Iran. Mais il y a un point commun entre la Lybie et la Syrie. Les régimes de ces deux pays datent de la guerre froide. Chacun des deux régimes a eu le soutien logistique et financier de l’ex-URSS. C’est impardonnable aux yeux du pouvoir américain. Les comptes se règlent comme la vengeance : à froid. Le temps ne compte pas. Le fruit est cueilli quand il est mûr. Il est temps pour les Américains d’abattre les régimes qui ont soutenu leurs ennemis d’hier.
24 Août 2011 12:15 4. bertgil
Patrick louis vincent
Je suis d’accord avec vos commentaires.
Je voudrais ajouter que la résolution de l’ONU a été obtenu avec l’abstention de la Russie et de la Chine et donc de leur complicité.