Voleurs de poules et truands en limousine
Brice Hortefeux vient encore de le rappeler à Grenoble. Le gouvernement, sous l’impulsion du président de la République, va lancer « une guerre » sans merci contre tous les délinquants. La police et la justice vont recevoir des instructions (et des moyens) pour traquer et châtier sans pitié tous ceux qui bafouent les lois de la République et pourrissent notre Etat de droit. Et il faudra qu’il y ait des résultats. On va faire du chiffre !
Bravo ! Tout le monde ne peut qu’applaudir à une telle volonté. La protection des personnes et des biens est le premier des devoirs régaliens d’un Etat. Or, il est évident que cela fait des années que l’Etat en question n’assume plus ce devoir et que l’insécurité empire de mois en mois. Les Français n’en peuvent plus.
Certains s’étonnent qu’il ait fallu avoir à déplorer les incidents de Grenoble et du Loir-et-Cher pour que le chef de l’Etat (en charge, à titre personnel, de ces problèmes depuis 2002) se décide à prendre ainsi le taureau par les cornes. Ils ont un peu raison. D’autres croient voir dans cette déclaration de guerre à la délinquance une véritable déclaration de candidature pour 2012. Ils ont sûrement raison. D’autres encore s’inquiètent des dérives et des bavures qu’une telle politique sécuritaire risque de provoquer. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser etc..
Ce qu’il faut, bien sûr, c’est que cette guerre soit menée contre « tous » les malfrats, « tous » les voyous, « tous » les truands, « toutes » les racailles.
Le président a eu tort d’évoquer certaines catégories de la population, les Gens du voyage, les naturalisés de fraîche date, les jeunes des banlieues. Il n’y a pas que chez ces gens-là qu’on trouve des délinquants. Il ne faut oublier, épargner personne. La traque doit être générale.
S’attaquer aux voleurs de poules, d’autoradios ou de cartes bleues, c’est très bien. Mais ce n’est, évidemment, pas suffisant. C’est de l’amateurisme, du bricolage, de l’artisanat. Or, la situation est telle qu’il faut que notre politique sécuritaire devienne industrielle.
Il faut avoir le courage de s’en prendre aux gangs, aux grands réseaux, aux maffias. Non seulement à ceux qui détroussent les vieilles dames aux coins des rues ou qui traficotent un peu de drogue dans les halls des HLM pourries, mais aussi à ceux qui pillent l’Etat et dévalisent les caisses de la République.
Voler une mobylette est inadmissible mais piquer dans les caisses de la région, détourner les fonds du département, voire, sous prétexte qu’on est membre du gouvernement, couvrir de l’évasion fiscale ou faciliter des détournements d’héritage est bien pire encore.
Allez ! Pour tous, la garde-à-vue, la fouille au corps ! Menottés au radiateur et quelques paires de claques ! Quand on met en garde-à-vue plus de 700.000 personnes par an, dont certains pour une simple infraction au code de la route, il ne faut pas se gêner. Au trou, les héros des « affaires » ! Ils finiront bien par avouer. Cà leur rafraîchira la mémoire.
Et la présomption d’innocence ? Non mais vous rigolez ! Pourquoi ne pas évoquer l’immunité parlementaire. D’ailleurs, la garde à vue et même la mise en examen n’ont jamais compromis la présomption d’innocence.
On nous avait promis une « République irréprochable ». Encore des balivernes. Mais, en attendant, nous pourrions tout de même avoir une République exemplaire, c’est-à-dire avec des responsables, au plus haut niveau, parfaitement irréprochables.
On vient de mettre au trou pendant quelques heures quatre petits gamins de la banlieue de Grenoble. On imagine que les heures qu’ils ont ainsi passées n’ont pas été particulièrement plaisantes pour eux. Or, ils étaient totalement innocents. Il a fallu les relâcher et sans doute sans un mot d’excuse. Et pendant ce temps-là, Eric Woerth, est parti en vacances. Et qui plus est, avec sa femme.
Or, Woerth est –au moins- coupable d’avoir accepté que l’épouse du ministre du Budget qu’il était devienne, comme par enchantement, gestionnaire de la plus grosse fortune de France. C’est tout de même plus grave que de barboter un CD à l’étalage d’un grand magasin.
On poursuit –et on a raison- les voyous qui rackettent les patrons de bistrots et même les collégiens. Mais c’était quoi le « Premier cercle » qu’avait créé le trésorier de l’UMP-ministre du budget si ce n’est, précisément, une organisation de racket auprès des grandes fortunes du pays pour trouver des fonds pour la campagne présidentielle de Sarkozy ?
On ne pourra mener une vraie politique de lutte contre la délinquance que le jour où les gamins de nos banlieues verront que la police et la justice ont la même intransigeance envers les plus hauts personnages de l’Etat qu’envers eux. La même sévérité pour les voleurs de poules que pour les truands en limousine.
Quand on prône l’irréprochable, il faut commencer par l’exemplarité.
Mots-clefs : délinquance, Hortefeux, Sarkozy, Woerth
06 Août 2010 18:29 1. boxepopuli
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07 Août 2010 8:13 2. dugas
« Mais c’était quoi le « Premier cercle » qu’avait créé le trésorier de l’UMP-ministre du budget si ce n’est, précisément, une organisation de racket auprès des grandes fortunes du pays pour trouver des fonds pour la campagne présidentielle de Sarkozy ? »
Et je dirais alors : le jour où ce genre de phrases se retrouvera à la une des journaux (et non pas du modeste bien que succulent blog de Mr Desjardins), alors on verra peut être le bout du tunnel dans ce pays.
Mr Desjardins, vous ne pourriez pas avec quelques uns de vos confrères encore honnêtes et sains d’esprit (comme vous) faire en sorte que l’on explique au bon peuple qu’un autre chemin existe ? Mais à la une des journaux ou des télés, histoire que ça touche tout le monde. Sur que ça interesserait pas mal de monde.
07 Août 2010 9:41 3. Houzi
Certains disent que nous vivons actuellement dans la pire des dictatures : une dictature »molle » dans le sens où la contrainte que nos esprits subissent, ne se fait ni par la menace physique ni par une quelconque autre peur. Non, on nous caresse dans le sens du poil, on nous domestique par les plaisirs superficiels de la consommation et en matière d’information, par le sport et le fait divers qui envahissent le 20h00.
Tels les moutons, nous sommes graduellement tondus avec la technique du petit pas, le tout arrosé par une campagne de media bien pensante : la contre-réforme (j’appelle ainsi toute régression sociale)des retraites se fait sur plusieurs décennies pour aboutir graduellement à un résultat qui aurait fait exploser la rue s’il nous avait été imposé d’un bloc.
On appelle ça aussi le procédé du vélo. On met quelqu’un sur un vélo et on l’invite à pédaler en l’assurant que ce n’est que sur quelques mètres. Et puis, une fois installé sur le vélo, on le laisse pédaler à perpète. Exemple : les innombrables impôts et taxes « provisoires »… qui ont duré.
Aurait-on imaginé dans les années soixante-dix, pouvoir imposer ou même suggérer à des ouvriers des baisses de salaire ou une augmentation de leur temps de travail au prétexte de sauver la boite de leur patron ? On nous a fait perdre notre fierté de citoyens pour le plus grand bonheur d’une caste qui n’a que mépris pour ce qu’est devenue notre vie.
Et pour nous faire avaler la pillule, il y a cette presse actuelle.Il existait jusqu’à peu, des groupes de presse dont c’était le métier. Aujourd’hui, c’est un bétonneur (Bouygues à TF1) un avionneur (Dassault au FIGARO), et d’autres industriels qui ont pris le contrôle de l’information, encadrée en outre par les annonceurs publicitaires qui ont eu aussi un droit de regard sur ce qui est donné comme « information » au citoyen lambda. D’ailleurs, nous ne sommes plus considérés comme des citoyens mais comme des consommateurs, immergés non plus dans une république mais dans un Etat d’épiciers.
08 Août 2010 11:59 4. sisyphe92
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