Tout le monde est d’accord pour dire que les guerres sont abominables et que les soldats qui y ont trouvé la mort, dans un camp comme dans l’autre, ont été les victimes de la folie des hommes.

Cela étant dit, est-ce une bonne idée, pour les dirigeants français, de rendre le même hommage aux Français « morts pour la France » et aux allemands morts pour le Kaiser ? Certes, les uns et les autres ont connu le même enfer des tranchées, les mêmes souffrances, la même mort. Certes, aujourd’hui les « boches » de 14 sont devenus nos meilleurs amis ou du moins nos premiers partenaires dans une Europe pacifiée si ce n’et pacifique. Mais quand on évoque le passé, il faut se souvenir de ce passé et ne pas mentir avec les réalités.

Il y a cent ans, nos « poilus », pris dans un cataclysme épouvantable qui allait détruire la vieille Europe, les empires et même, en grande partie, notre civilisation, ne se sont pas fait tuer pour défendre l’amitié franco-allemande mais pour défendre la terre de France face à l’invasion allemande. Il y a quelque chose de choquant, pour ne pas dire de scandaleux, à confondre aujourd’hui la mémoire de ces Français morts, en effet, pour la France avec celle de ces soldats allemands morts « contre » la France.

L’inauguration aujourd’hui du Grand Mémorial élevé pour honorer la mémoire de 580.000 combattants « de toutes nationalités » morts pendant la Grande guerre n’est rien d’autre qu’une injure faite à la mémoire de nos « poilus » qui, les malheureux, doivent se retourner dans leurs tombes.

Il est vrai qu’on célèbre bien aussi, maintenant et en chœur, les morts de la guerre de 39-45 « toutes nationalités confondues », c’est-à-dire ceux qui se sont battus pour défendre les démocraties et ceux qui, nazis fanatisés par Hitler, voulaient imposer au monde un 3ème Reich qui devait dominer la planète pendant trois millénaires. Les héros de la Résistance et les tortionnaires de la Gestapo.

Il est évident, si nous voulons construire une Europe (des nations) harmonieuse et puissante au milieu d’un monde hostile, qu’il nous faut savoir oublier nos haines passées et comprendre que le pays de Goethe et de Beethoven doit devenir fraternel avec celui de Molière et de Voltaire comme avec celui de Shakespeare. Nous avons une grande culture commune.

Il faut « tourner la page » pour construire l’avenir mais il est absurde de vouloir effacer cette page ou, pire encore, la réécrire. L’Allemagne est, sans doute, désormais notre meilleur allié mais, il y a cent ans et il y a soixante-dix ans, elle était notre pire ennemie.

Les Allemands ne célèbrent pas, en ce 11 novembre 2014, leur défaite de 1918 et on les comprend. Ils n’honorent pas la mémoire de leurs soldats morts dans les tranchées. Est-ce vraiment à nous d’honorer cette mémoire de nos ennemis de jadis en la confondant avec celle des nôtres ?

On nous raconte que ces cérémonies à répétition permettent d’apprendre aux jeunes ce qu’ont été les horreurs de la guerre. Mais si, à force de confondre dans le même hommage les taxis de la Marne et les Uhlans du Kronprinz, les hommes de la 2ème DB de Leclerc et les panzers divisions de Guderian, on oublie de leur dire que les uns se battaient « pour la France » contre les autres qui voulaient l’asservir, ces jeunes ne comprendront plus rien.

On a tort de répéter aux jeunes générations que « ceux de 14 » comme ceux de 40 sont « morts pour rien ». Ils sont morts pour la France, pour la liberté. Pour un idéal sans doute aussi désuet aujourd’hui que les mots « ¨Patrie » ou « honneur » mais qui donnait un sens à leur vie comme à leur mort.

Aujourd’hui, la tyrannie de la pensée unique nous impose de nier toutes les différences, aussi bien entre le passé de la France et celui de l’Allemagne, entre la droite et la gauche, entre les cultures occidentales et les cultures « primitives ». Tout est pareil, tout est banal. Et on en crève.

Depuis que plus personne n’aurait l’idée de « mourir pour la France », c’est la France qui est morte…