Jacques Chirac soutient Alain Juppé dans la course à l’Elysée. Il vient de le confier au Figaro. Ce n’est pas une surprise. Il a toujours adoré Juppé qu’il appelait « le meilleur d’entre nous » et surtout il a toujours souverainement détesté Sarkozy. Les sarkozistes diront que le malheureux Chirac est désormais gâteux. Les juppéistes répondront que cette prise de position publique prouve que l’ancien président a parfois des moments de grande lucidité.

On peut, naturellement, se demander si Chirac a encore la moindre influence dans le pays. D’après tous les sondages, il est plus populaire qu’il ne l’a jamais été quand il était à l’Elysée. Mais chacun connait son état de santé et son goût de contredire Bernadette qui, elle, soutient Sarkozy au-delà du raisonnable. On se souvient qu’en 2012 il avait déjà affirmé qu’il voterait Hollande visiblement pour horipilerson épouse qui, depuis qu’il est cruellement diminué, se permet de plastronner et de parler en son nom, comme pour se venger de décennies de soumission et sans se rendre compte qu’elle est bien souvent ridicule si ce n’est odieuse.

Sarkozy et ses amis devraient cependant se méfier. Les Français ont un peu oublié les douze ans de règne de Chirac qui furent marqués par bien des erreurs et plus encore par l’inaction. Mais ils se souviennent que Chirac était « sympa », « brave type », un peu gaulliste et très rad.-soc., c’est-à-dire pompidolien et donc davantage le successeur d’Henri Queuille comme député de la 3ème circonscription de Corrèze que celui du Général.

Or, les Français sont à la fois nostalgiques de de Gaulle, de la grandeur et de l’indépendance nationales, et foncièrement rad.-soc. S’ils se prétendent tous favorables à toutes les réformes, ils pensent (sans le dire) que le dit-Queuille avait raison quand il déclarait « Il n’y a pas de problème que l’absence de solution ne finisse par régler ».

Ce que beaucoup de nos compatriotes ont toujours reproché à Sarkozy c’est sa brutalité, son allure de petit teigneux arrogant et méprisant, tapant du pied et du poing sur la table sans pour autant faire des étincelles. Un agité méchant. Certes, Chirac a décrété une bien maladroite dissolution mais Sarkozy a trahi le référendum sur la Constitution européenne. Chirac a refusé de suivre les Américains dans leur guerre contre Saddam Hussein et Sarkozy s’est aligné sans pudeur sur Washington et a fait la guerre à Kadhafi.

Une fois de plus, la présidentielle va se jouer « à la tête du client ». Dans une France totalement déboussolée par une épouvantable crise économique, sociale et plus encore morale, les Français choisiront le plus stable, le plus rassurant, le plus apaisant.

Avec l’âge et les difficultés, l’ancien Premier ministre qui se disait « droit dans ses bottes » et qui fut l’homme politique le plus détesté du pays est devenu « un vieux sage », souriant et sûr de lui. Sarkozy est persuadé qu’il se « dégonflera » avant 2017. Il a tort. Juppé sait que 2017 est sa dernière chance. Il la jouera donc jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la primaire de la droite.

Aujourd’hui, d’après un sondage YouGov pour I-télé, 32% des Français sont favorables à un retour de Nicolas Sarkozy ce qui ne fait pas beaucoup mais ils sont 84% parmi les seuls militants de l’UMP ce qui veut dire que si cette primaire est « ouverte » Juppé à ses chances et qu’il n’en plus aucune si elle est fermée. Or, Sarkozy va devenir président de l’UMP et ce sera donc lui qui décidera des modalités de cette primaire.

Coïncidence, ce matin, Sarkozy présente dans le Figaro quelques-unes des grandes idées de son futur programme. Il perd d’emblée plus de 6 millions d’électeurs puisqu’il s’attaque bille en tête aux fonctionnaires (qui, il est vrai, votent majoritairement à gauche). Non seulement il veut en revenir à la loi du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partants à la retraite mais, pire encore, il ose vouloir réformer le statut des fonctionnaires et mettre fin à la garantie de l’emploi à vie en instaurant des contrats de cinq ans. Excellente idée en soi mais qui mettrait évidemment quelques millions de ronds-de-cuir en tout genre dans la rue et paralyserait la France.

Juppé sera sûrement plus prudent en se souvenant de sa tentative, en 1995, de réformer les retraites des statuts particuliers.

Juppé n’a donc pas perdu toutes ses chances et Sarkozy n’a pas encore gagné la partie.

PS On ne l’avait pas remarqué mais Jean-Noël Guérini, le président socialiste du Conseil général des Bouches-du-Rhône qui croule, depuis des années, sous les accusations de corruption vient d’être élu au Sénat et Thomas Thévenoud, l’éphémère ministre socialiste qui ne payait pas ses impôts vient d’entrer à la Commission du Développement durable de l’Assemblée nationale. Preuve que, quand on est un malfrat, il vaut tout de même mieux être socialiste…