Aussi légitime soit-elle, l’indignation est toujours mauvaise conseillère. L’assassinat de notre compatriote Hervé Gourdel par la filiale algérienne de l’Etat Islamique provoque, évidemment, des réactions unanimes. On ne peut, bien sûr, que condamner cette barbarie. Mais l’émotion est telle, du sommet de l’Etat au dernier petit village de France, que les discours officiels deviennent dangereusement confus et qu’on a l’impression que le pouvoir voudrait profiter de ces terribles circonstances pour justifier une politique qui semble incohérente.

Pourquoi François Hollande a-t-il décidé de faire bombarder par nos Rafales les troupes de l’Etat Islamique au nord de l’Irak et sans doute bientôt maintenant en Syrie ? Pour courir au secours des Chrétiens d’Irak et des autres minorités massacrés par ces Djihadistes ? Pour empêcher ces « fous de Dieu » de s’emparer de Bagdad, puis de Damas, puis du Liban et de la Jordanie et de créer un immense califat dominant tout le Proche-Orient ? Pour soutenir Bachar al Assad après avoir voulu lui déclarer la guerre ? Pour écraser le terrorisme international qui, après l’Afghanistan des Talibans, est en train de se reconstituer dans toute cette région un sanctuaire ? Pour suivre Barack Obama qui se lance (en trainant des pieds) dans une nouvelle croisade au nom de nos valeurs et contre « l’empire du mal », comme aurait dit Bush ? Pour tenter de regagner quelques points dans l’opinion publique française ? Pour, maintenant, venger l’horrible décapitation de ce malheureux Gourdel ? On ne sait pas.

Il est évident que la France n’a rien à voir avec l’éternel conflit qui, depuis quelques siècles, oppose, dans cette partie charnière du monde musulman, les Chiites et les Sunnites. Et si, à la limite, on peut comprendre que les Américains qui sont à l’origine du drame irakien se sentent responsables de l’émergence de ce radicalisme sunnite, la France, elle, avait très sagement refusé de se lancer dans cette aventure.

En fait, Hollande, Valls, Fabius, Le Drian et les autres nous répètent qu’en attaquant l’Etat Islamique nous nous défendons nous-mêmes contre les dangers du terrorisme islamique. En clair, nous bombardons le désert irako-syrien de peur que, demain, des adeptes du califat ne mettent le feu à nos banlieues et ne commettent des attentats dans nos villes.

Or, en même temps, ces mêmes Hollande, Valls et compagnie nous répètent qu’il ne faut surtout pas faire le moindre « amalgame », que ces assassins fous du Proche-Orient (et maintenant du Maghreb) n’ont rien à voir avec « nos » musulmans et que d’ailleurs « nos »musulmans sont les premières victimes de ces djihadistes et les premiers à s’indigner que ces égorgeurs commettent leurs crimes au nom d’Allah.

De deux choses l’une. Ou l’Etat Islamique ne concerne que les pays arabes du Proche-Orient et peut-être maintenant de l’Afrique et nous n’avons pas à nous en mêler, sauf à dire que la France se doit de régler tous les problèmes de la planète. Ou il représente une réelle menace pour nous et l’Occident en général auquel cas il est légitime (et indispensable) que nous nous défendions.

Mais si nous considérons que le califat est une menace pour nous cela signifie que nous faisons ce fameux « amalgame », que nous redoutons qu’une partie de « nos »musulmans ne rejoigne ces extrémistes et que nous admettons que nous assistons bel et bien au début d’un grand « choc de civilisation », d’une véritable « 3ème guerre mondiale » qui opposera, tout au cours de ce XXIème siècle qui a commencé, l’Islam renaissant à l’Occident démissionnaire.

En clair, en nous embringuant dans cette guerre qui, avant longtemps, nous obligera évidemment à envoyer des troupes au sol (quoiqu’on nous dise aujourd’hui), va-t-on envoyer nos soldats mourir pour Mossoul ou pour le 9.3 ?

L’assassinat d’Hervé Gourdel prouve à l’évidence que des Musulmans qui n’ont rien à voir avec le conflit qui oppose dans le nord de l’Irak les Sunnites aux Chiites veulent maintenant tuer des Français. Non seulement parce que nous intervenons en Irak mais aussi et surtout parce qu’ils nous ont déclaré la guerre.