Tout le monde a naturellement le droit d’être candidat à la présidence de la République. Et d’autant plus que cela fait très longtemps que le ridicule ne tue plus personne dans notre beau pays. Mais tout de même !

Si, contrairement à ce qu’avait affirmé Chirac, Juppé n’est sûrement pas « le meilleur d’entre nous », personne ne l’a jamais considéré comme un imbécile, même si ce brillant sujet a tout raté dans sa carrière politique et notamment son passage à Matignon. Mais au fil des années, en gérant très bien sa bonne ville de Bordeaux, il avait su faire oublier ses erreurs de jeunesse et devenir une espèce de vieux sage de la droite française, jouant parfois les arbitres entre bandes rivales, un peu comme les parrains de la maffia sicilienne.

Et voilà que, toujours « droit dans ses bottes », il annonce froidement, ce matin, sur son blog, qu’il sera candidat à primaire de la droite pour la course à l’Elysée.

Comme Fillon, Copé, Xavier Bertrand, Le Maire, NKM et quelques autres, il est convaincu que Hollande ou tout autre candidat du PS sera éliminé dès le premier tour de la présidentielle, que les Français ne voudront pas renouveler l’expérience Sarkozy et qu’il est donc le meilleur et le seul capable de faire l’unanimité et à la primaire et à la présidentielle pour incarner l’union nationale, l’avenir et battre haut-la-main Marine Le Pen au second tour.

Personne dans son entourage n’a osé lui faire remarquer que, pour une grande majorité des électeurs, et notamment les jeunes, il n’était plus qu’un « has been », ayant été Premier ministre il y a 20 ans, c’est-à-dire au siècle dernier, et n’ayant laissé que deux souvenirs : une des plus longues grèves de la Vème République et une dissolution pour le moins malheureuse.

On dira que les Français ont la mémoire courte. C’est vrai. Ils ont, par exemple, tous oublié que ce malheureux avait été condamné par la justice et contraint à un exil canadien. Mais maintenant et depuis quelque temps déjà, nos compatriotes ne votent plus qu’« à la gueule du client ». Or, Juppé a « une gueule de vieux » avec son visage tout ratatiné de momie ressortie de son sarcophage.

Les sondages le mettent à égalité avec Sarkozy chez les militants de l’UMP et même avant lui chez les sympathisants de droite, grâce aux centristes. Mais la bagarre n’a pas encore commencé, les jeux sont loin d’être faits et les sondages se sont toujours trompés.

En fait, ce qui est dramatique c’est que, ridicule ou pas, Juppé n’a pas tout à fait tort. Pour l’instant, Sarkozy mis à part, il est le seul candidat plausible. Fillon et Copé se sont autodétruits et les autres ont l’air de blancs-becs même si leurs dents (de lait) ont démesurément poussé ces derniers temps. Et c’est bien là tout le problème de la droite française. Elle n’a personne sous la main et en est réduite à faire ses fonds de tiroir.

Alors qu’aujourd’hui même François Hollande nous répète qu’il entend, contre vents et marées et au milieu de la pire des tempêtes, s’obstiner sur la mauvaise voie avec son pacte de responsabilité et de solidarité et que sa grande idée du jour consisterait à « rendre l’impôt plus juste » (sic !), la droite qui     a un boulevard devant elle se cherche toujours l’homme providentiel et comme Soeur Anne, ne voit rien à l’horizon de 2017.

Juppé peut donc croire aujourd’hui qu’il a une (petite) chance d’être élu… par défaut. Parce que les Français ne voudront ni de Hollande, ni de Valls, ni de Sarkozy, ni de Fillon, ni de Copé, ni de Marine Le Pen. Cela ne serait pas glorieux mais cela fait bien longtemps que nos présidents sont, hélas, élus par défaut.