Nicolas Sarkozy n’a pas été mauvais pour son grand retour dans l’arène (par la petite porte), hier, à la télévision. Or, la partie n’était pas facile pour lui puisqu’il lui fallait répondre, répliquer, riposter, contrattaquer à sa mise en garde-à-vue puis à sa mise en examen pour –excusez du peu- « corruption active », « trafic d’influence actif » et « recel de violation de secret professionnel ».
L’opération était d’autant plus délicate qu’il savait parfaitement qu’une grande majorité de Français estime qu’il est bel et bien (plus ou moins) coupable dans la plupart des affaires dans lesquelles son nom apparait depuis des mois, que ce soit l’affaire Bettencourt (même s’il a bénéficié d’un non-lieu dans ce dossier), l’affaire Karachi, l’affaire Tapie, l’affaire Buisson, l’affaire Kadhafi, l’affaire Bygmalion, etc.
Il a été excellent dans le registre de l’indignation. Il faut dire que même ceux qui n’ont jamais pu le souffrir ne pouvaient que le comprendre. Il venait d’être interrogé par des policiers pendant quinze heures d’horloge puis d’être emmené, dans un véhicule de la police pour ne pas dire dans un panier à salade, devant deux juges d’instruction à… 2 heures du matin. Ce sont là, évidemment, des méthodes que seules les dictatures d’antan se permettaient d’utiliser. Elles sont parfaitement honteuses et déshonorantes pour la police et la justice d’un Etat de droit censé garantir à ses citoyens la présomption d’innocence et le secret de l’instruction, sans même parler des Droits de l’Homme les plus élémentaires.
On ne traite pas ainsi un « suspect » qu’il ait été, ou non, président de la République, et même s’il est soupçonné… d’avoir demandé à son avocat de se renseigner sur l’évolution d’un dossier le concernant. Sarkozy a eu parfaitement raison de rappeler que Jérôme Cahuzac, lui, n’avait pas été mis une seule seconde en garde-à-vue. Qu’on ne nous raconte plus jamais que la police et la justice françaises agissent toujours exactement de la même façon avec tous les justiciables du pays.
On peut regretter qu’il n’ait pas été plus précis lorsqu’il a parlé de « l’instrumentalisation de la justice ». On aurait aimé qu’il aille jusqu’à désigner ceux qui, à ses yeux, ont ordonné, « commandité » cette opération musclée de nos flics et de nos petites juges d’instruction. Il s’est contenté de clouer au pilori l’une de ses deux juges d’instruction, Claire Thépaut, en rappelant qu’elle faisait partie d’un syndicat de magistrats qui n’avait jamais caché la haine qu’il lui portait. Il a eu raison. Les membres du Syndicat de la Magistrature sont totalement discrédités depuis très longtemps et il est totalement inadmissible qu’on leur confie encore des dossiers quand il s’agit de juger des responsables de droite.
Mais « l’instrumentalisation » est tout autre chose. Ce ne sont pas les « petits » juges du syndicat gauchiste qui s’instrumentalisent eux-mêmes. C’est le pouvoir qui seul peut instrumentaliser la justice. Le pouvoir cela veut dire Taubira, Valls et, bien sûr, Hollande lui-même. Sarkozy aurait parfaitement pu dénoncer son successeur à l’Elysée en démontrant que, seul, le chef de l’Etat avait pu donner aux policiers et aux magistrats l’ordre de mettre son prédécesseur en garde-à-vue puis en examen. L’effet aurait été garanti.
Il a été nettement moins bon quand il a essayé de plaider non-coupable. Autant il est excellent dans l’attaque, autant il n’est pas convaincant dans la défense. Sans doute le connait-on trop. Quand il joue les vierges innocentes, on pense immanquablement à la fameuse phrase des ennemis de Nixon : « Achèteriez-vous une voiture d’occasion à ce type ? ». Personne n’achèterait une voiture d’’occasion à Sarkozy.
Mais ce sont, naturellement, les derniers mots de cette étonnante interview que tout le monde retiendra. L’ancien-président-mis-en-examen n’a plus caché que « l’Etat de la France », son « amour pour la France » et « la nuit qu’on venait de lui faire passer » l’obligeaient à revenir. On s’en doutait depuis longtemps, pour être précis depuis… le soir de sa défaite de 2012. Mais cette fois c’est dit.
Il est stupéfiant que François Hollande qui, pendant des années, a eu tout le temps d’observer, d’analyser, d’épier ce curieux animal politique qu’est Sarkozy, n’ait pas compris qu’en le provoquant ainsi il allait réveiller le fauve qui ne s’était, d’ailleurs, assoupi que d’un oeil.
Reste que, selon un sondage BVA pour BFM de ce matin, 65% de Français sont contre un retour de Sarkozy.

Mots-clefs :