François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve redoutent que la guerre qui a recommencé entre Israël et le Hamas, à Gaza, n’ait des répercussions en France même. On a d’ailleurs vu, dimanche dernier, une manifestation pro-palestinienne en plein Paris dégénérer en affrontements violents entre quelques-uns de ces pro-palestiniens et des extrémistes juifs au moment où les premiers tentaient d’envahir deux synagogues proches de la Bastille. De nouvelles manifestations pro-palestiniennes prévues ce week-end viennent d’ailleurs d’être interdites par la préfecture et notamment celle qui devait aller de Barbès à l’Opéra.
Si on peut le regretter, personne ne s’étonnera que les Français juifs se sentent particulièrement concernés par tout ce qui se passe en Israël et personne ne s’étonnera non plus que les Français musulmans éprouvent, eux aussi, une totale solidarité à l’égard de leurs coreligionnaires du Proche-Orient.
Même si nos commentateurs habituels ne veulent pas le reconnaitre, les guerres du Proche-Orient sont, avant tout, des guerres de religions opposant Juifs et Musulmans. Leur « importation » chez nous, à l’heure où l’Islam se réveille dans nos banlieues, est donc inévitable et redoutable.
Pendant longtemps, les adversaires d’Israël se disaient « antisionistes », attitude parfaitement acceptable puisque chacun a, en effet, le droit de contester le principe même d’un Etat basé sur la religion (ou la race) et de critiquer telle ou telle politique menée par le gouvernement de cet Etat. Même si ces « antisionistes » qui s’en prenaient à l’Etat d’Israël et à la politique menée par le gouvernement de Jérusalem, ne trouvaient rien à redire à l’existence du Pakistan (« le pays des justes », créé pour les Musulmans de l’ancien empire des Indes), à celle des monarchies de la péninsule arabique qui sont, toutes, basées sur l’Islam et aux politiques menées par ces dictatures plus ou moins théocratiques.
Mais cet « antisionisme » a, depuis quelque temps, totalement basculé dans un « antisémitisme » qui s’affiche de plus en plus ouvertement. Les manifestants qui, dimanche dernier, à Paris et dans plusieurs villes de province, protestaient contre les bombardements israéliens de Gaza ne criaient pas « A bas Israël » ce qui aurait, éventuellement, pu être acceptable, mais « A bas les juifs » ce qui est, évidemment, intolérable.
Pourquoi ce « basculement » ? Parce que chacun s’est radicalisé. A l’origine, les Sionistes n’étaient pas des religieux. Ils voulaient créer en « Terre sainte » un état socialiste, si ce n’est collectiviste, refuge pour tous les Juifs du monde persécutés en raison de leur race. Théodore Herzl, le père du Sionisme, avait lancé son idée après avoir assisté, en tant que journaliste autrichien (et laïc), au procès du capitaine Dreyfus.
L’idéal des kibboutzim a disparu depuis longtemps et les religieux d’Israël (qui s’étaient farouchement opposés au Sionisme) jouent maintenant un rôle essentiel à la Knesset.
Mais c’est surtout de l’autre côté qu’on s’est radicalisé. Les « antisionistes » étaient des intellectuels de gauche, parfois juifs eux-mêmes, qui avaient été anticolonialistes et qui étaient souvent adeptes de la culture arabe. Ils ont été remplacés par des Musulmans extrémistes qui n’existaient pas encore il y a quelques années et qui ne prônent plus la création d’un Etat palestinien avec un partage des terres, comme le faisaient les « antisionistes », mais le Djihad c’est-à-dire la guerre contre tous les mécréants, à commencer par les Juifs.
Au lieu de s’attaquer à l’ambassade d’Israël pour protester contre les raids israéliens sur Gaza, les manifestants de l’autre jour s’en sont pris à deux synagogues parisiennes d’autant plus étrangères à la situation de Gaza qu’elles ne sont fréquentées que par les juifs orthodoxes de ce vieux quartier juif de la capitale.
Les organisations juives de France affirment depuis longtemps que l’antisémitisme a ressurgi dangereusement dans notre pays. On ne les croyait pas. L’antisémitisme « bourgeois » des antidreyfusards de jadis a, heureusement, disparu au lendemain de la guerre (et de la Shoa). Mais on s’aperçoit qu’un nouvel antisémitisme est apparu, autrement plus dangereux encore puisqu’il est porté, dans nos quartiers de « non-droit », par des hordes de jeunes « paumés », déracinés, sans culture, sans avenir et qui ont trouvé une raison d’être en s’engageant à corps perdu dans l’islamisme le plus radical.
Faute de pouvoir aller combattre en Syrie, en Irak et surtout à Gaza, ces jeunes s’en prennent « aux premiers Juifs qui leur tombent sous la main », les Juifs de France.
Il appartient évidemment aux autorités de tout faire pour empêcher ce nouvel antisémitisme de déferler sur la France. La chose va être difficile puisqu’il ne faut pas confondre les six ou sept millions de Musulmans de France avec ces marginaux de plus en plus nombreux qui crient « Mort aux Juifs ».
François Hollande n’a visiblement rien compris au problème. Il était particulièrement maladroit de déclarer cette semaine « La France n’est l’amie ni d’Israël ni de la Palestine » ce qui ne pouvait que heurter les uns et les autres. La France se doit d’être l’amie et d’Israël, pour garantir à l’Etat juif des « frontières sûres et reconnues », et des Palestiniens, pour qu’ils aient, un jour, eux aussi, un Etat.
Nous allons aussi payer notre inconscience à l’égard de l’Islam. A force de répéter, contre toute évidence, que l’Islam peut parfaitement s’assimiler à notre civilisation, à notre culture, à notre société, qu’il peut accepter la démocratie et qu’on voit naitre un « Islam de France », nous avons fermé les yeux sur la naissance, au cœur même de notre pays, de cet Islam radical qui, à travers la planète, nous a déclaré la guerre.
On peut –et on doit- protester contre les bombardements disproportionnés de l’armée israélienne contre Gaza, on peut tout faire pour tenter d’imposer des négociations qui conduiraient à une solution juste et durable de cet interminable conflit israélo-palestinien, mais, dans l’immédiat, on ne peut pas tolérer que des Français crient « Mort aux Juifs » dans les rues de Paris. Il y va de l’honneur de la France.

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