Juppé vient de l’avouer ce matin, il sera, selon toute vraisemblance, candidat à la primaire de l’UMP pour la présidentielle de 2017. Et il semble prêt à affronter Sarkozy si celui-ci finit par sortir du bois et accepte de se soumettre à l’examen de passage de cette primaire.
Il y a quelques mois encore, personne n’aurait pu imaginer une seule seconde que celui qui fut « le meilleur d’entre nous » (selon Chirac lui-même), puis « l’homme le plus détesté de France » (au moment des grandes grèves de l’hiver 1995) apparaitrait soudain comme un recours possible de la droite. Mais le suicide collectif des ténors de l’UMP empêtrés, englués dans leurs querelles personnelles et, plus encore, dans une cascade de scandales épouvantables et la valse-hésitation de Sarkozy qui joue l’Arlésienne depuis trop longtemps semble le laisser pour le moment seul en piste.
Les Français ont oublié son règne éphémère et lamentable à Matignon quand il se disait « droit dans ses bottes », la déplorable dissolution, sa condamnation (un peu injuste) et son exil canadien. S’il reste évidemment, une caricature de technocrate, sûr de lui au point de toujours mépriser souverainement la terre entière, il est devenu un vieux sage gaullo-chiraquien, à cheval sur certains principes, qui se refusera toujours à faire la course avec le Front National et assez lucide pour savoir que, pour avoir la moindre chance de l’emporter, la droite doit faire alliance avec le centre.
Curieusement, mais ce n’est sans doute pas un hasard, le matin même où Juppé annonce la couleur, quatre poids légers de l’UMP –Guaino, Wauquiez, Peltier et Rachida Dati- se retrouvent pour publier dans Valeurs Actuelles une sorte de manifeste dans lequel ils déclarent : « Nous refusons le gloubi-boulga dans lequel s’enfonce une partie de la classe politique. Nous voulons une droite qui assume son identité. Nous refusons la voie portée par certains d’une fusion avec le MoDem et l’UDI avant même d’avoir réfléchi à nos idées. C’est la fuite en avant vers une sorte de radical-socialisme où nous achèvrions de nous renier ».
Ces quatre mousquetaires déplumés ne représentent, bien sûr, qu’eux-mêmes, c’est-à-dire pas grand-chose. Mais ils soulèvent là le vrai problème de l’avenir de la droite. A l’issue du quinquennat de François Hollande, la droite aura, évidemment, un boulevard devant elle. Mais, en face d’une gauche en pleine déliquescence et d’un Front National en plein essor, cette droite doit-elle se radicaliser pour contrecarrer Marine Le Pen ou doit-elle se montrer « raisonnable » pour récupérer les voix du centre et celles de tous les déçus du socialisme ?
Ce que les quatre signataires de ce pseudo manifeste ne semblent pas avoir compris c’est qu’aujourd’hui plus personne ne pourra récupérer les 20 ou 25% de voix allant à Marine Le Pen et qu’en se radicalisant, en trottinant derrière le FN, l’UMP ne fera que se déconsidérer davantage encore. Sarkozy avait d’ailleurs perdu en 2012 en tentant de jouer cette carte. Reste alors, en effet, la carte « rad.-soc. », gaullo-centriste, qu’incarnèrent Pompidou et Chirac et que pourrait parfaitement incarner « le vieux » Juppé.
La France en crise politique, économique, sociale et surtout morale pourrait-elle se retrouver dans cette « eau tiède », alors que chacun a compris qu’une véritable révolution s’imposait désormais et qu’il allait falloir faire table rase de nos « moeurs » politiques, économiques et sociales ?
Les Français sont à la fois excédés par le marasme général qui les engloutis et tétanisés par la crise qui les submerge. Ils rêvent d’un gigantesque coup de balai qui balancerait par-dessus bord tous ceux qui sont responsables d’un demi-siècle de dégringolade mais ont peur de l’aventure et s’accrochent viscéralement à ce système qui a causé leur perte tout en assurant leur survie. Contrairement à leur légende, ils ne sont pas révolutionnaires, mais fondamentalement… « rad.-soc. », précisément.
C’est ce qu’a compris Sarkozy, l’homme de toutes les ruptures et de toutes les volte-face, qui, du coup, ne sait plus sur quel pied faire son retour sur la scène. Juppé, lui, n’aura pas à se forcer pour interpréter ce rôle.
Mais que la droite n’ait personne d’autre à se mettre sous la dent qu’un homme qui aura 72 ans en 2017 et qui fut Premier ministre il y a plus de 20 ans a quelque chose de désespérant. Il est vrai que nous avons encore trois ans pour en reparler…

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