François Hollande a passé les deux premières années de son quinquennat à nous annoncer, à nous affirmer, à nous répéter, à nous jurer sur tous les tons qu’il allait inverser la courbe du chômage. Il nous a donc abusés, menti, trahis, roulés dans la farine pendant vingt-quatre mois. Et nous lui avons fait savoir, à l’occasion des élections municipales, que nous n’étions pas contents, du tout. Sous les sifflets et les quolibets du public, le jongleur maladroit doit donc, maintenant, au plus tôt, changer de numéro.
Dans la grande malle qui lui sert de boite à outils, si ce n’est à idées, il range le problème du chômage et les accessoires qui allaient avec et nous sort un nouveau truc : la réforme de nos structures administratives. Nous sommes priés d’oublier le chômage et les cinq millions et demi de chômeurs puisque l’artiste a totalement raté son numéro et nous voilà contraints d’écouter son nouveau boniment et d’assister au nouveau spectacle : « Oyez, braves gens, oyez, je vais, sous vos yeux émerveillés, réaliser un tour qu’aucun de mes prédécesseurs n’a jamais osé tenter, un tour extraordinaire, un tour fabuleux. Je vais faire disparaitre par magie les départements et la moitié des régions. Et je vais donc sauver la France. Vous pouvez vous préparer à m’applaudir ».
Il y a fort à parier que pendant les prochains mois, François Hollande va nous tanner avec cette réforme de notre mille-feuille administratif alors que le chômage, les déficits et la dette ne feront qu’augmenter, que les Français continueront à voir leur niveau de vie s’effondrer et que Manuel Valls aura les mains dans le cambouis, la tête dans le guidon et les yeux rivés sur l’échéance de 2017.
Tout le monde est d’accord pour reconnaitre que les départements, créés par la Révolution quand on se déplaçait à cheval, sont d’une autre époque et que les régions, taillées à la va-vite par Michel Debré, sont à adapter à l’heure de l’Europe, pour ne pas dire de la mondialisation.
Chacun sait aussi que la fameuse décentralisation a été une catastrophe épouvantable avec ses centaines de milliers de fonctionnaires territoriaux supplémentaires qui ne servent à rien et ses petits potentats locaux souvent analphabètes et aux dépenses pharaoniques. Il est donc évident qu’il faudrait tout remettre à plat, envoyer travailler dans les champs un demi-million de ronds-de-cuir aussi folkloriques que nuisibles et pendre haut et court tous les petits tyranneaux de préfecture qui se sont fait construire des palais de marbre somptueux, des centres de congrès inutiles et des piscines olympiques, tout en tapant, souvent, eux-mêmes dans la caisse.
Cela dit, soyons honnêtes. Les Français ont aujourd’hui d’autres soucis infiniment plus préoccupants en tête. Le chômage, bien sûr, qui va encore s’aggraver avec toutes ces usines dont on annonce la fermeture, les impôts qui vont encore augmenter et qui sont devenus totalement insupportables, la dégradation de tous les services publics –l’Ecole, les hôpitaux, etc.- qui s’accélère les angoissent beaucoup plus que de savoir si nous allons passer de vingt-deux régions à onze ou dix et si la Loire-Atlantique va, ou on, être rattachée à la Bretagne comme ce serait logique.
Avec la naïveté confondante d’un homme qui ne sait plus où donner de la tête ni à quel saint se vouer, Hollande s’imagine qu’il va lui être plus facile de supprimer d’un trait de plume les départements et la moitié des régions que de s’attaquer au problème du chômage et il croit que les Français pourraient soudain lui savoir gré d’avoir, enfin, réussi quelque chose en faisant, pour une fois, preuve d’un minimum de volonté.
Or, non seulement une écrasante majorité de nos compatriotes se fout complètement d’une telle réforme (qui pue d’ailleurs le charcutage électoraliste) mais ensuite et surtout il est évident que Hollande sera tout aussi incapable de mener à bien ce redécoupage du pays qu’il a été incapable de s’attaquer au drame de notre désindustrialisation et de la perte de compétitivité de toute notre économie.
Pour faire cette révolution, Hollande devrait, en effet, d’abord, terrasser « la noblesse » de pacotille qui règne et se goberge depuis des années dans toutes nos provinces (et qui est bien souvent socialiste), ensuite, briser « le clergé » de la fonction territoriale (lui aussi socialiste), et, enfin, mater « le tiers-état », c’est-à-dire le « bon peuple » qui est viscéralement attaché à sa bourgade, à son village, à son département, si ce n’est à sa région.
Autant dire que cette grande réforme aura, sans aucun doute, le même destin que le pacte de responsabilité, le pacte de solidarité ou le pacte de simplification qu’il a déjà essayé de nous vendre sous le manteau.
La réforme territoriale est un serpent de mer. En prétendant, aujourd’hui, vouloir l’attraper par la queue, le capitaine de pédalo, au milieu de l’océan déchainé, va une nouvelle fois se ridiculiser.

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