Avec la nomination de Manuel Valls à Matignon et ce mini remaniement, François Hollande a vraisemblablement tiré sa dernière cartouche. Personne n’imagine qu’il puisse nommer un nouveau Premier ministre et procéder à un nouveau remaniement avant la fin de son quinquennat, même s’il reprend, comme c’est plus que prévisible, de nouvelles claques lors des élections européennes, sénatoriales et régionales. Sauf drame épouvantable, il est condamné à faire équipe avec Valls jusqu’à la présidentielle de 2017. Et le drame épouvantable ne pourrait que le contraindre à dissoudre l’Assemblée.
On peut d’ailleurs s’étonner que le président n’ait pas souhaité garder Jean-Marc Ayrault encore deux mois de plus, jusqu’aux européennes, pour que ce Premier ministre usé jusqu’à la corde assume cette deuxième défaite programmée, avant d’être jeté. A croire que, machiavéliquement, Hollande désire « plomber » Valls dès ses premiers pas en lui faisant prendre en plein visage une première dégelée.
Ce matin, tout le monde fait mine d’imaginer que Hollande pourrait prendre un nouveau départ et remonter sur son bourricot. On veut laisser à Valls sa chance de réussir le pari fou de son maitre. C’est-à-dire mettre en œuvre à la fois le Pacte de responsabilité et le Pacte de solidarité annoncés par Hollande, tout et son contraire, baisser les impôts des entreprises et des particuliers pour relancer la compétitivité (par l’innovation et les investissements) et la consommation, tout en réduisant les déficits et en assurant une plus grande justice sociale.
On nous dit que ce nouveau gouvernement qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’ancien est un gouvernement « de combat ». Mais on voit mal pourquoi et comment Sapin et Montebourg seraient soudain devenus des « combattants » en passant de l’Emploi aux Finances et du Développement productif à l’Economie et pourquoi et comment Rebsamen, à l’Emploi, pourrait brusquement, mieux que Sapin pendant ces deux dernières années, terrasser le chômage.
Valls est sûrement plus dynamique, plus volontariste, plus spectaculaire que ce pauvre (et lamentable) Ayrault. Formé par Rocard et Jospin mais rappelant surtout… Sarkozy, il va, évidemment, multiplier les coups en tous genres, les coups de menton, les coups de poing sur la table, les coups de balai, les coups de théâtre, les coups de pub et même les coups fourrés. C’est comme cela qu’il a réussi, alors que la délinquance et les problèmes d’immigration s’aggravaient considérablement, à faire croire à l’opinion qu’il était un grand ministre de l’Intérieur, un « tigre », digne successeur de Clemenceau qu’il évoque à tout bout de champ.
Mais on peut plus facilement jongler et donc tricher avec les chiffres place Beauvau que rue de Varenne.
En fait, Valls a aujourd’hui le choix.
Ou il se prend pour un Président du Conseil de la IVème République et, comme Chaban avec Pompidou, ignore superbement le président de la République, joue sa propre carte, bafoue le socialisme, lance sa pseudo Nouvelle société, abroge les 35 heures, la retraite à 60 ans et la moitié du Code du Travail et alors se fait, comme Chaban, virer rapidement.
Ou, comme Fillon avec Sarkozy, il avale toutes les couleuvres, sombre avec son patron mais se dit que, si 2017 est perdu, il aura ses chances pour 2022.
En lui mettant dans les pattes sa vieille garde de grognards, les Sapin, Cazeneuve, Le Foll, Rebsamen et autres Le Drian, Hollande l’empêche, bien sûr, de faire le mariole.
En fait, personne ne l’a remarqué mais, à l’exception notable de Martine Aubry, on a aujourd’hui au pouvoir tous les frères ennemis de la primaire de 2011: Hollande qui l’avait emporté avec 39,17% des voix, Montebourg (17,19%), Ségolène Royal (6,95%) et Valls (5,63%). On peut même ajouter Fabius qui avait été candidat à la primaire de 2006 contre Ségolène et DSK. Tous ces gens se sont farouchement opposés, souverainement détestés, en présentant chacun des visions radicalement différentes, parfois contradictoires du socialisme.
Quand Hollande nous parle d’une équipe « soudée et cohérente », on se souvient des querelles de chiffonniers auxquelles nous avions eu droit à l’époque. Comment imaginer qu’ils puissent aujourd’hui mener une politique cohérente avec le programme incohérent que leur impose le président et dans un gouvernement qui ressemble plus que jamais –et sans même faire allusion aux origines du Premier ministre- à une auberge… espagnole.

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