Ni Obama ni Hollande ne font trembler le tsar
Demain, au cours d’un référendum bien contestable, les habitants de la Crimée vont, sans guère de doute, décider de faire sécession et de quitter l’Ukraine avec l’intention évidente de devenir (ou redevenir) rapidement russes.
Les règles internationales interdisent qu’on remette en cause les frontières et l’intégrité des pays. Mais les règles de la démocratie veulent que les peuples aient le droit de disposer d’eux-mêmes et de décider de leur avenir. D’ailleurs, les exemples récents de la Tchécoslovaquie qui a éclaté en deux et du Kossovo qui a fait sécession d’avec la Serbie prouvent que chacun peut s’asseoir allègrement sur toutes ces règles.
Il est incontestable que la Crimée a toujours été fondamentalement russe (ainsi d’ailleurs qu’une bonne partie de l’est de l’Ukraine) et que l’Ukraine elle-même est un pays créé de bric et de broc aux hasards d’une histoire compliquée et d’une géographien incertaine.
Mais aujourd’hui le problème de l’Ukraine dépasse de beaucoup les rêves des russophones, les peurs des ukrainophones, les angoisses des Tatares et les rivalités séculaires entre orthodoxes et catholiques.
Il s’agit, en fait et tout simplement, d’un nouvel épisode du vieux conflit entre l’Est et l’Ouest comme aux pires temps de la guerre froide. Nous l’avions déjà vu avec la Géorgie mais nous n’avions pas voulu le reconnaitre et nous le voyons depuis des mois avec la Syrie en continuant à fermer les yeux.
Et tout ce qu’on nous raconte sur les pseudos nazis de la place de Maidan, les popes de Sébastopol, les rebelles d’Ossetie du sud, les islamistes d’Alep ou les laïcs de Damas n’a strictement aucune importance.
Restons simples. Les Occidentaux –c’est-à-dire une Europe inexistante et une Amérique sur le repli- s’imaginaient que la décomposition de ce qu’on appelait jadis l’URSS allait leur permettre de récupérer sans problème des pans entiers de l’ex-empire soviétique et que les anciennes « colonies » de Staline allaient basculer d’elles-mêmes vers l’Ouest, attirées si ce n’est pas le rêve démocratique du moins par celui du dollar et du Coca-Cola.
L’Occident n’avait pas compris qu’après les épisodes Gorbatchev et Eltsine un vrai tsar, aussi ambitieux que Pierre-le-Grand ou le « petit père des peuples », était monté sur le trône de Moscou et que cet ancien grand manitou du KGB qui avait fait enterrer solennellement les derniers Romanov avait bien l’intention de reconquérir les terres perdues pour redonner à la Sainte Russie toute sa grandeur passée.
Poutine a récupéré un bon tiers de la Géorgie sous le regard incrédule de Sarkozy et a remis sur le droit chemin Tbilissi qui lorgnait un peu trop vers l’Otan. Il a permis à son fidèle vassal Assad de se maintenir au pouvoir à Damas malgré le soutien diplomatique et militaire que l’Occident apportait à des rebelles qui s’étaient insurgés soi-disant au nom de la démocratie mais, en fait, au nom de l’Islam. En Ukraine c’est la même chose.
Comme les dirigeants de Tbilissi qui, au nom de la démocratie, se proclamaient européens, comme les rebelles d’Alep qui, au nom de la même démocratie, voulaient renverser l’homme de Moscou à Damas, la foule de Kiev voulait, toujours au nom de la démocratie, rejoindre l’Europe. En fait, la démocratie avait bon dos. En Géorgie, en Syrie et en Ukraine, des nationalistes parfois extrémistes ou des islamistes radicaux rêvaient de renverser l’ordre établi qui consistait à faire de leur pays, depuis des décennies, des vassaux respectueusement soumis à Moscou.
On apprendra sans doute un jour le rôle qu’a joué la CIA dans ces trois pays. En tous les cas, on apprend aujourd’hui que la volonté des peuples si tant est qu’elle se soit réellement prononcée dans ces cas-là, compte pour beurre en face des réalités de l’équilibre de la planète.
Jamais les « grande » Russie n’abandonnera son empire, c’est-à-dire ses « marches », ni ses « comptoirs » lointains. Jamais l’Occident ne courra au secours de ces peuples qui, pour une raison ou une autre, voulaient se libérer des griffes de l’ours russe.
Tout simplement parce que contrairement à ce qu’on nous a raconté l’équilibre de la terreur s’est rétabli. Certes, les troupes du Pacte de Varsovie n’existent plus et personne ne redoute une troisième guerre mondiale. Mais les chars de Poutine ont envahi la Géorgie, les armes de Poutine arrivent en masse en Syrie, les troupes de Poutine occupent la Crimée et les menaces dérisoires d’Obama ou de Hollande ne font pas trembler le tsar.
Il va sans doute falloir que nos grands stratèges s’aperçoivent que l’histoire ne s’est pas terminée avec la chute du Mur de Berlin et qu’elle bégaie…
Mots-clefs : Ukraine
15 Mar 2014 15:33 1. Hélène Richard-Favre
Cher Monsieur,
J’ai lu votre analyse avec intérêt.
J’observe néanmoins quelques appréciations douteuses au sujet de la guerre qui a opposé la Géorgie à la Russie en 2008.
Un rapport circonstancié commandé par l’UE avait été rendu fin septembre 2009 par une commission d’enquête mise en place pour étudier qui avait ouvert les hostilités en 2008, des Géorgiens ou des Russes.
Vous n’êtes sans doute pas sans en connaître le résultat. La Géorgie a bel et bien attaqué en premier. Dans ce cas, pourquoi mettre l’accent sur les chars russes?
http://www.swissinfo.ch/fre/politique_suisse/La_Georgie_a_en_grande_partie_provoque_son_malheur.html?cid=167042#comments167042
Merci et bien à vous
15 Mar 2014 16:15 2. abenaton
Je vois bien que c’est une idée stable chez notre cher Thierry : Poutine est un ex-KGB! Comme papa Bush était l’ex-chef de la CIA, non ? Ce qui ne fait de l’un un cryptocommuniste pas plus que de l’autre un membre du Ku Klux Klan !
Je viens de relire l’article Wikipédia sur le referendum d’autodétermination en Nouvelle Calédonie en 1988. N’y voyez-vous donc rien de semblable à ce qui va se passer demain en Crimée ? France, une et indivisible dit la Constitution ! Sauf quand çà arrange ! Vous, français, vous avez voté cette fois là ?
Je sais que je vais encore en faire braire quelques uns en racontant ma vie privée. Tant pis !
Ma belle-mère est née en Crimée, a vécu à Jdanov/Marioupol sur le bord de la mer d’Azov (à l’est donc) avant de se marier à Tchernivtsi, près de LVOV (à l’ouest donc). Sa langue de toujours est le russe.
Quand elle s’est établie dans l’ouest, elle a fait l’objet de ségrégation extrême de la part des « nationalistes » parce que russophone. C’est de plus en plus vrai !
Alors, si elle pouvait voter demain, quoique vivant dans l’ouest, OUI, elle voterait pour le rapprochement avec la Russie (pas avec l’URSS, Thierry !).
Et oui, le peuple des faibles aime les gouvernants forts.
Pour tout vous dire, je me sens membre d’un peuple faible. J’aimerais un chef fort, moi aussi !
Suis-je pour autant un abominable fasciste selon le commun « reductio ad hitlerum » ?
Soljenitsyne, utilisé un temps par l’occident, pour moucher l’URSS fut abandonné quand il affirma être russe profond et détester la civilisation de consommation occidentale !
Que Monsieur Obama et sa troupe utilise une basse démagogie anticommuniste dépassée qui s’appuie sur l’ignorance générale de ce qu’est la Russie d’aujourd’hui ne nous oblige pas à la suivre !
15 Mar 2014 17:04 3. laurentdup
Le referendum est contestable, tout autant que le coup d’état US en Ukraine.
Ce qui me fait dire qu’en France nous devrions faire preuve de réelle diplomatie .
ttp://latourdebabelworldpress.com/2014/03/07/ukraine-pour-loccident-la-guerre-froide-na-jamais-pas-pris-fin/
Le point de vue d’un ancien Ambassadeur Français.ajoutez le h
15 Mar 2014 17:18 4. Hélène Richard-Favre
Laurentdup, C’est bel et bien ce sentiment d’impunité qui habite l’Occident bien pensant qui démontre combien l’idéologie qui le sous-tend n’a plus besoin de s’identifier, elle va de soi.
http://voix.blog.tdg.ch/archive/2014/03/15/crimee-sans-chatiment.html
16 Mar 2014 5:37 5. Jean Louis
Impossible de parler de l’interventionnisme permanent des US en Europe depuis la fin de la guerre froide, sans rassembler tout ce qu’a écrit Zbigniew Brzezinski depuis cette époque. Fondateur de la Trilatérale, Council on Foreign Relations tout y est. J’écoutais la Nougayrède de l’Immonde. Une fidèle copie, la voix de son maître de ce qui se décide à Washington. Les agents américains que sont les Kouchner, Juppé, Védrine et Fabius n’ont pour seule utilité que de relayer la stratégie du Stars and Stripes. On ne parle évidemment pas de Hollande. Comme a été décrété et diffusé à l’envi que le referendum en Crimée serait « illégal ».
Ce qu’ils appellent les règles internationales, bougent au gré des intérêts des États Unis d’Amérique. On lit chez Brzezinski toute la morgue de cette fédération de marchands des bords du Potomac, comme s’il allait de soi qu’ils viennent mettre leurs gros ordinateurs dans les affaires européennes. Avec une violence effarante dans le propos.
Kerry parle au nom de l’Europe et c’est ce qu’on appelle l’Occident … Est il nécessaire de faire la liste des relais de propagande américains en Europe ?
La politique eurasienne de la Russie de convient pas à Washington.
Depuis trois mois la plupart des aspects de la crise ont été rapportés dans de nombreux commentaires. Il me semble cependant qu’a été oublié le droit exorbitant que s’autorise la bannière étoilée au travers de ce que l’on appelle les sanctions internationales. Oublions l’habillage organisé par l’administration fantoche de Bruxelles. Ce qui vient d’être entrepris contre le milliardaire ukrainien Dmitro Firtach est exemplaire. Arrestation en Autriche en pleine rue, à la demande des Américains, qui espèrent obtenir son extradition. Bien entendu l’intéressé ignorait absolument qu’il était pourchassé par le FBI. Satisfaction non dissimulée de la Nougayrède-du-Monde. Je rêve pour ma part que les Russes fassent de même contre n’importe quel financier américain de passage à Moscou. C’est la même mésaventure dont ont été victimes un certain nombre de hauts dignitaires français dans le dossier pétrole contre nourriture.
Que l’on regarde de près la mécanique qui est mise en place par Washington, et ses différentes feuilles de vigne. Les femen n’en ont pas besoin, mais l’OTAN remplit remarquablement sa fonction. Ici aussi à la grande satisfaction de la Nougayrède. Ce qu’en disait De Gaulle « Organisation imposée à l’Alliance Atlantique et qui n’est que la subordination militaire et politique de l’Europe occidentale aux États-Unis d’Amérique ». Poutine rejette cet imperium. Peut on le lui reprocher ? La France, mon beau pays, a disparu …
17 Mar 2014 12:53 6. cincinatus
la paille et la poutre:rappellons le référendum de Mayotte condamné par l ‘ONU la conquète de Chypre par les Turcs(silence total de l’Otan) et l installation de maffieux trafiquants d organes au Kosovo Elle est belle la morale de l Otan
17 Mar 2014 13:08 7. Hélène Richard-Favre
Cincinatus, et oui mais lorsqu’on découvre passer d’un plateau de télévision à un autre*, cet ancien ministre des affaires étrangères aux analyses percutantes si elles en sont, il ne reste plus que les yeux pour pleurer un Occident bien pauvre en références.
Sur ce sujet, une video déposée en commentaire montre ce ministre bien moins à l’aise que sur le plateau du journaliste qui l’invite:
http://voix.blog.tdg.ch/archive/2014/03/16/darius-rochebin-pardonnez-moi.html
* http://voix.blog.tdg.ch/archive/2014/02/25/ue-mode-d-emploi.html