Comme toutes les trois semaines depuis des mois, nos commentateurs politiques nous ressortent le scénario du remaniement ministériel.
Tout le monde est d’accord –même à gauche- pour reconnaitre, d’une part, que Jean-Marc Ayrault a depuis longtemps très largement dépassé les limites de son incompétence et, d’autre part, que ce gouvernement est devenu totalement incohérent pour ne pas dire grotesque, entre les ambitions prématurées de Valls et celles démesurées de Montebourg, le sectarisme insupportable de Taubira et celui dérisoire de Hamon et les délires à répétition de Cécile Duflot. On ne sait plus si « Moi-Président 1er » règne sur la cour du roi Ubu ou celle du roi Pétaud. Un peu des deux sans doute.
Certes, notre système qui s’est de plus en plus présidentialisé exige que le chef de l’Etat choisisse un médiocre d’entre les médiocres pour le mettre à Matignon afin qu’il ne lui fasse aucun ombre, quitte à ce qu’il ne puisse plus lui servir de fusible. Certes, le système des primaires oblige le vainqueur à faire une place à ses adversaires d’hier pour sauvegarder un semblant d’unité en effaçant les cicatrices des combats fraternels. Certes, la gauche qui se veut unie, diverse, plurielle ou multiple est contrainte de former des majorités qui ressemblent aux pires auberges espagnoles. Mais tout de même…
Le bilan désastreux de cette équipe de bras cassés après plus d’un an et demi de pouvoir, les chiffres épouvantables de tous les sondages d’opinion qui rejettent sans pitié le président, son Premier ministre et sa majorité, ainsi que l’ambiance délétère qui règne dans le pays et le mine totalement, tout cela voudrait qu’il se passe… « quelque chose ».
Et d’autant plus que tout s’est encore aggravé ces derniers jours. L’affaire de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes vient, une nouvelle fois, d’éclater au visage d’Ayrault, avec les incidents de Nantes. Comme l’a gentiment souligné son ministre de l’Intérieur, l’entêtement du Premier ministre à imposer son vieux rêve de maire de Nantes a provoqué… « une guérilla urbaine » dans sa bonne ville, ce qui, bien sûr, ne peut que lui donner le coup de grâce final. Jusqu’à présent, on lui reprochait d’être un redoutable médiocre, maintenant on l’accuse d’être un imbécile dangereux.
Et en même temps Cécile Duflot qui, elle aussi, doit se démener pour se démarquer et exister, faisant mine d’oublier qu’elle était ministre pour mieux le rester, s’en prend bille en tête au même Ayrault et à son aéroport maudit, après, il est vrai, s’en être déjà pris à Valls à propos des Roms ou des immigrés, voire même à Hollande en personne à propos du nucléaire.
Il faudrait donc, en effet, qu’il se passe « quelque chose »
D’ailleurs, pour peu qu’on ait un peu de mémoire, on s’aperçoit que, depuis qu’il est entré à l’Elysée, François Hollande n’a pas cessé de nous promettre qu’il allait… se passer « quelque chose ». Il allait inverser la courbe du chômage, il allait lancer « un grand pacte de simplification », lancer « une vaste réforme de nos institutions », lancer « une gigantesque réforme fiscale »… Or, il ne s’est jamais rien passé. Il n’a pas réussi à inverser la courbe du chômage qui continue à augmenter et, pour le reste, tous ses pactes de ceci, toutes ses réformes de cela ont sombré dans les sables de l’oubli le plus complet depuis belle lurette.
Aujourd’hui, il nous jure qu’il s’est reconverti en social-démocrate sans nous préciser ce qu’il entend par là au point que certains ont compris qu’il était devenu social-libéral. Et il nous annonce à grands renforts de roulements de tambour « un pacte de responsabilité » qui fait rigoler les uns et indigne les autres. Les premiers se demandent où il trouvera les 50 milliards dont il aura besoin ; les seconds se scandalisent qu’un président dit « de gauche » fasse de tels cadeaux aux patrons puisque personne ne croit une seule seconde à cette histoire de « contreparties ».
En fait, Hollande ne peut plus rien promettre ou annoncer. Il a tout épuisé dans le registre du « demain on rasera gratis ». Et pourtant il lui faut coute que coute « faire quelque chose ». D’où l’idée d’un remaniement ministériel, voire même d’un changement de Premier ministre.
On pensait que ce serait après les claques annoncées qu’il va recevoir lors des municipales et des européennes pour que ce soit Ayrault qui porte le chapeau et que la nouvelle équipe puisse partir d’un bon pied. Mais certains –à commencer par Jacques Attali, grand visiteur des soirées élyséennes- nous affirment que Hollande pourrait bien procéder au changement avant ces deux scrutins, avec l’espoir de sauver un peu les meubles. Pourquoi pas ?
Et on cite déjà le nom des « médiocres » possibles qui se bousculent au portillon. Valls si longtemps grandissime favori semble être pour l’instant hors course. L’affaire Dieudonné lui coûte cher. Restent Bartolone, Sapin, Le Drian. Re-pourquoi pas ?
Pour les ministres, là aussi, Hollande a l’embarras du choix. La difficulté n’est pas de trouver des volontaires pour devenir ministres mais de savoir qui on peut virer du gouvernement. Jamais Hollande n’aura le courage de remercier Valls, Montebourg, Hamon, Duflot ou Taubira, c’est-à-dire ceux qui posent problème.
Mais d’ailleurs le problème n’est pas là. Pas du tout ! Si les Français sont évidemment affligés par la médiocrité du Premier ministre et le « bordel » ambiant qui règne autour de la table du Conseil des ministres, le vrai problème, le seul, l’unique c’est Hollande lui-même.
Et là, rien n’est prévu pour l’instant avant 2017… Alors ce n’est pas en remplaçant Ayrault par Le Drian ou en faisant entrer Rebsamen au gouvernement que le président redorera son blason.

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