Tout le monde en convient, le Pape François est un honnête homme. On pourrait presque dire, si on osait, « un brave type ». Il a ce qu’on appelait autrefois « la foi du charbonnier » chevillée au corps. Sa bénédiction « urbi et orbi » de ce jour de Noël était parfaite… ou presque.
Comme tous ses prédécesseurs, il a lancé un appel à la paix. Mais sur un ton plus émouvant que les autres et en détaillant les choses. Il a évoqué la Syrie, la Centrafrique, le Sud-Soudan, le Nigeria, la Palestine, l’Irak, la Corne de l’Afrique et le Congo. Il est vrai que tout va très mal dans tous ces pays. Rarement un pape avait dû faire une telle énumération de catastrophes, de massacres, de tueries, de guerres civiles ou religieuses. Et encore, il a oublié la Libye, l’Egypte et quelques autres régions du monde.
Le « brave type » a, évidemment, raison. Si la fraternité régnait sur la planète, si tous les hommes se tendaient la main, on pourrait faire une jolie ronde tout autour du monde, comme l’écrivait un poète oublié (Paul Fort).
Mais il y a quelque chose de dérisoire et donc d’insupportable dans ces appels traditionnels à la paix de tous nos souverains pontifes. Tout le monde s’agenouille devant le pape mais tout le monde s’assoit sur ce qu’il peut bien dire.
Le pape a beau en appeler à Dieu, les Sunnites et les Chiites syriens veulent s’entretuer, tout comme les Chrétiens et les Musulmans de Centrafrique, tout comme les tribus du Sud-Soudan, tout comme les Musulmans et les Chrétiens du Nigéria, les Palestiniens et les Israéliens, les Sunnites et les Chiites d’Irak, les peuplades de la Corne de l’Afrique ou du Congo. Ils ont des comptes à régler, de vieilles haines à assouvir, le pouvoir à conquérir. Et d’ailleurs c’est souvent, précisément, à propos de Dieu –il est vrai qu’ils n’ont pas le même- qu’ils s’entredéchirent depuis des siècles.
Mais il y a plus grave et c’est ici qu’on aurait aimé que François aille un peu plus loin.
Tous ces combattants assoiffés de sang et qui commettent les pires atrocités ne sont, en fait, que de vulgaires marionnettes entre les mains de quelques grandes puissances qui, elles, ne pensant qu’au pétrole, qu’’à l’uranium et à toutes les richesses encore enfouies dans les sous-sols de ces pays misérables, sont ravies de les faire s’entretuer jusqu’au dernier pour obtenir, demain, des zones d’influence, des droits d’exploitation, des matières premières à bas prix et des parts juteuses de marché.
Ce ne sont ni les rebelles d’Al Qaïda ni les fidèles d’Assad qui fabriquent des lance-roquettes ou des armes chimiques en Syrie, pas plus que ce ne sont ni les Sélékas ni les anti-Balakas, en Centrafrique, ni les tribus du Sud-Soudan, ni les Islamistes du Nigéria, ni les terroristes palestiniens, ni les nostalgiques de Saddam Hussein en Irak, ni les peuplades de la Corne de l’Afrique ou du Congo qui fabriquent les kalachnikovs, les bazookas, les bombes au phosphore ou les mines antipersonnelles.
Ces armes viennent d’ailleurs, de quelque part, des pays industriels qui ont des usines d’armement. Et ce sont ceux qui fabriquent ces armes et qui les fournissent à profusion à tous les rebelles de la terre pour qu’ils s’entretuent indéfiniment qui sont les vrais responsables, les premiers criminels.
Décrétons un réel embargo sur toutes les armes pour toutes les régions en conflit, interdisons à la Russie, aux Etats-Unis, à l’Europe d’envoyer, quotidiennement, des cargaisons de canons, de fusils et de munitions à tous les rebelles et à tous les pouvoirs installés, empêchons les pays du Golfe de continuer à financer, à coups de milliards de pétrodollars, tous les fanatiques et Dieu pourra imposer la paix et la fraternité dans tous ces pays pourris.
Le pape possède le meilleur des services de renseignements de la planète. Il sait parfaitement d’où proviennent les caisses d’armes, qui paie les bandes de tueurs et les mercenaires.
On aimerait qu’au lieu d’énoncer des vœux aussi pieux qu’inutiles, lui qui n’a personne à ménager, ait un jour le courage de dénoncer publiquement les Samaritains, les marchands du temple et de canons et tous les judas de la terre.
Au lieu de citer les victimes dans une interminable logorrhée et de s’apitoyer sur elles, il ferait mieux de pointer du doigt les véritables assassins. Son message « orbi » aurait sans aucun doute plus d’effets.

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