La presse de ce matin fait, bien sûr, ses gros titres sur ce qu’il faut désormais appeler « l’affaire Varin ». Chacun semble découvrir avec effroi que les grands patrons touchent plus, beaucoup plus que les ouvriers de base et crie au scandale. Cette naïveté est confondante.
Le problème ici est tout autre. Ce qui est choquant c’est que Philippe Varin n’est précisément pas un « grand » patron mais… « un gros mauvais ».
Un patron qui est incapable d’innover, de proposer des modèles de voitures répondant aux désirs de la clientèle, qui perd des marchés sur tous les continents, qui met son entreprise au bord de la faillite et est donc obligé de fermer des usines et de jeter à la rue ses salariés est, évidemment, « un nul » qui ne mérite ni son salaire pharamineux ni la moindre retraite dorée sur tranche. Tout est là.
Dans n’importe quel pays « capitaliste » -on pense aux Etats-Unis, par exemple- Varin aurait été viré sans ménagement depuis longtemps. Il n’aurait d’ailleurs même pas été engagé. Les actionnaires ou leurs représentants qui l’ont nommé à ce poste clé portent, et eux seuls, une très lourde responsabilité. Il est vrai qu’en France on aime bien « les gros mauvais ». Jean-Marie Messier, Alain Minc ou Jacques Attali, pour n’en citer que quelques-uns, qui ont toujours tout raté ont fait et font encore figures d’icônes de la pensée économique française.
On ne sait pas combien touchent les patrons de Mercedes, de Volkswagen, de BMW ou d’Audi mais quand on voyage un peu à travers le monde, on ne serait pas outré qu’ils aient des salaires dépassant toute décence car ils savent, eux, diriger de main de maitre leur entreprise.
Certains nous disent, en rappelant que Renault n’est pas dans une situation beaucoup plus florissante, que ce n’est pas Varin qui est responsable des malheurs de Peugeot mais « le système français », avec son poids des charges, sa législation du travail et la toute puissance des syndicats, qui a cassé toute l’industrie française en anéantissant notre compétitivité. L’argument ne tient pas. D’ailleurs, les voitures allemandes sont beaucoup plus chères que les nôtres ce qui ne les empêchent pas de se vendre sur tous les continents.
Le deuxième scandale dans cette affaire Varin est la mauvaise foi des syndicats qui ont dénoncé la chose et la médiocrité de la presse qui a repris leurs arguments sans même essayer de vérifier un peu les chiffres. Tout le monde nous parle de 21 millions que Varin aurait pu toucher. Or, si Peugeot a bien « provisionné » 21 millions pour la retraite dorée de Varin, Varin lui-même n’aurait, en fait, touché « que » 7,750 millions, en annuités, sur 25 ans, le reste revenant… à l’Etat. Quand on parle du salaire ou de la retraite que touche quelqu’un on n’y ajoute jamais les charges que paie l’entreprise. Nos journalistes devraient faire attention à ce qu’ils écrivent. Il est d’ailleurs aberrant que quand un salarié –fut-il patron- touche 7, 50 millions cela en coûte 21 à son entreprise.
Le troisième scandale est pire encore. Le président de la République en personne et un bon nombre de ses ministres se sont permis de commenter cette affaire, oubliant totalement que Peugeot était une entreprise « privée », gérant comme elle l’entendait -et mal en l’occurrence- ses affaires. Que l’Etat ait dû un peu la renflouer n’y change rien.
Les socialistes ne veulent toujours comprendre qu’une entreprise privée est, par définition, libre de ses mouvements. Ce matin, plusieurs députés PS vont jusqu’à demander une loi pour limiter les salaires des patrons du privé en rappelant qu’une telle loi a déjà été prise pour limiter les salaires des dirigeants des entreprises publiques. Autant dire qu’ils rêvent de nationaliser nos entreprises privées, rêve qu’avait d’ailleurs déjà caressé Arnaud Montebourg à propos d’Arcelor-Mittal et, justement, d’Aulnay-sous-Bois.
Cette « affaire Varin » est donc terriblement révélatrice. Elle démontre à la fois à quel point notre capitalisme peut devenir incompétent, embourbé qu’il est dans ses copinages de castes et sa frilosité, voire sa médiocrité et à quel point nos socialistes sont incurables en s’imaginant encore et toujours que l’Etat peut gérer l’économie avec ses technocrates, ses ronds de cuir et ses textes liberticides.
La France se meurt parce qu’elle réunit tous les vices du pire des capitalismes et toutes les tares du sectarisme socialiste d’antan. Des patrons incompétents et des dirigeants qui croient encore au grand soir et aux aubes prometteuses avec des nationalisations…

Mots-clefs :