Après s’être fait rouler dans la farine par Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP, François Fillon s’aperçoit que Nicolas Sarkozy qui, tout en affirmant le contraire, a bel et bien fait son retour sur le devant de la scène politique, est en train de l’éliminer purement et simplement de la course à l’Elysée. Alors il essaie de contre-attaquer pour surnager. Hier, à la Grande-Motte, devant les militants (fillonistes) de l’UMP, il a carrément fait comprendre qu’il serait candidat à la primaire « quoi qu’il arrive », qu’il était prêt à défier Sarkozy et qu’il ne lui reconnaissait aucun privilège particulier. Pour l’ancien Premier ministre, l’ancien président devra se soumettre, comme tout le monde, au verdict de la primaire ouverte qui désignera le candidat de la droite pour la présidentielle. Mais Fillon fait une erreur fondamentale, à croire que ce vieux routier n’a toujours rien compris à la politique. Il s’est écrié : « Je ne lie pas l’avenir de l’UMP à un homme » et il a ajouté, lui qui se prétend gaulliste : « L’UMP ne peut pas vivre congelée, au garde-à-vous, dans l’attente d’un homme providentiel ». Or, et il le sait parfaitement, sous le Vème République, les partis politiques n’ont jamais existé que grâce à un homme. De Gaulle, bien sûr, mais aussi Chirac ou Sarkozy. Et le PS n’aurait jamais été ce qu’il est devenu sans Mitterrand. Nos institutions, avec l’élection du président de la République au suffrage universel, et la médiatisation pour ne pas dire la peopolisation de notre vie politique, ont remplacé le débat politique d’antan par un simple ralliement à un homme. S’en prendre au mythe de « l’homme providentiel » est évidemment absurde. Tous les Français, et plus encore ceux de droite, attendent depuis des décennies l’« homme providentiel » qui sortirait le pays de toutes les crises et de tous les malheurs qui le font inexorablement sombrer dans l’abîme. D’ailleurs, en annonçant qu’il veut faire l’inventaire des erreurs passées, aller à la rencontre des Français et présenter un programme de reconstruction de la France, que fait-il d’autre que de jouer « les hommes providentiels » ? Il y a, sans doute, dans notre faune politique plusieurs dizaines de lascars qui se croient, en toute bonne foi, des « providentiels potentiels ». Fillon en fait partie. L’ennui pour Fillon c’est qu’il apparait plus que jamais comme l’ancien vizir qui veut remplacer le vieux calife, le fils qui veut tuer le père, le sous-fifre à la retraite qui veut poignarder dans le dos le souverain déchu. Il sait que beaucoup d’électeurs de droite ont été plus que déçus par Sarkozy. Mais il n’a pas compris qu’aux yeux de cet électorat, en restant pendant cinq ans « congelé et au garde-à-vous » à Matignon devant un président qui le considérait comme un « collaborateur » pour ne pas dire un « larbin », il s’est totalement déconsidéré et a lié, pour un bon moment encore, son destin à celui de Sarkozy. Même s’il nous raconte aujourd’hui –c’est-à-dire bien tardivement- qu’il a été souvent en désaccord avec son « chef », le « sous-chef » mettra longtemps à faire oublier que son seul titre de gloire est d’avoir été le Premier ministre… de Sarkozy. En 1981, Chirac avait pu se présenter contre Giscard parce qu’il avait démissionné avec éclat de Matignon, créé une machine de guerre antigiscardienne, le RPR, et battu le candidat de VGE à la mairie de Paris, Michel d’Ornano. Les choses étaient claires mais cela n’avait d’ailleurs pas réussi à Chirac que certains avaient alors accusé de « trahison ». Aujourd’hui, personne ne peut comprendre, mise à part une ambition personnelle un peu déraisonnable, les raisons de la « trahison » de Fillon qui semble reprocher à Sarkozy une droitisation qu’il a parfaitement acceptée sur le coup. Il est évident que beaucoup de Français (de droite) souhaitent aujourd’hui autre chose qu’une simple « restauration » avec un retour, dans les wagons de la crise, de l’ancien souverain qui a laissé trop de mauvais souvenirs encore vivaces. Pour eux, Sarkozy a fait la preuve qu’il était plus catastrophique que providentiel. Mais ceux qui ne veulent plus de Sarkozy ne pourront jamais considérer Fillon comme un recours possible. Ils l’ont trop vu, docile, soumis, respectueux, déférant, dans l’ombre de l’autre. Fillon oublie d’ailleurs que s’il y a une primaire –ouverte ou pas- ce seront les militants de l’UMP qui choisiront le candidat. Or, ils sont très majoritairement « sarkozistes » et on peut faire confiance à Copé dont les rêves se sont désormais réduits à Matignon, pour mettre toute la machine de l’UMP (dès qu’elle sera sortie de ses difficultés) au service de Sarkozy, contre Fillon. Fillon veut être candidat « quoi qu’il arrive ». Mais Zorro est arrivé…

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