Finalement donc, et comme on pouvait s’y attendre, le candidat du Front National à l’élection partielle de la 3ème circonscription du Lot-et-Garonne, le jeune Etienne Bousquet-Cassagne, a été battu par le candidat de l’UMP, Jean-Louis Costes. 46,24% contre 53,76%. En d’autres circonstances, on pourrait dire que cette défaite est sans appel. Mais là, il s’agit d’une vraie victoire pour le parti de Marine Le Pen. Rappelons-nous la présidentielle de 2002. C’était le premier vrai duel où le FN affrontait l’UMP, après l’élimination au premier tour de Lionel Jospin. A ce premier tour, Chirac n’avait obtenu que 19,88% des voix (5.666.021 bulletins) et Jean-Marie Le Pen avait recueilli 16,86% des suffrages (4.804.772 bulletins). Au second tour, Chirac avait été élu triomphalement avec 82,21% des voix (25.537.894 bulletins) devant Le Pen à 17,79% des voix (5.525.034 bulletins). Ce qui voulait dire que Le Pen n’avait pratiquement pas amélioré son score et que toutes les voix de gauche et du centre qui s’étaient portées sur d’autres candidats au premier tour s’étaient reportées sur Chirac. Ce qu’on appelle « le Front républicain » avait parfaitement fonctionné pour faire barrage au Front National. Mais tout a radicalement changé depuis. Le FN n’est plus simplement « le troisième larron » capable, au mieux, faire battre un candidat du PS ou de l’UMP lors d’un premier tour ou d’une triangulaire. Désormais, il peut (presque) l’emporter « en finale ». Le FN a obtenu deux députés lors des législatives de l’année dernière et les dernières partielles (celle de l’Oise et celle d’hier dans le Lot-et-Garonne) démontrent qu’il est bel et bien entré de plain-pied dans la cour des grands. Dans l’Oise, la candidate frontiste, Florence Italiani, était passée d’un tour à l’autre de 26,58% des voix à 48,59%. Dans le Lot-et-Garonne, Bousquet-Cassagne est passé de 26,69% à 46,24%. Dans un cas comme dans l’autre, de très nombreux électeurs qui avaient voté à gauche, au centre ou même à droite, ont donc voté Front National. Cela veut dire deux choses. D’abord, bien sûr, que le rejet du PS et de l’UMP est plus vif que jamais. Les socialistes au pouvoir déçoivent. Et l’UMP dans l’opposition aussi. C’est le moins qu’on puisse dire. D’un côté, les promesses non tenues, les échecs, les mensonges de François Hollande, de l’autre, la guérilla haineuse des chefaillons, les incohérences du discours, l’absence de programme (sans parler des mauvais souvenirs de l’ère Sarkozy) écoeurent les Français qui en arrivent à souhaiter tout –c’est-à-dire n’importe quoi- plutôt que le PS ou l’UMP qui règnent sur ce pays depuis des décennies et qui l’ont conduit là où il se trouve. Mais cela va beaucoup plus loin. Marine Le Pen ne bénéficie plus seulement du rejet de ce qu’elle appelle « l’UMPS ». Elle attire désormais des sympathisants. Elle a su très habilement changer le discours de son père. Elle ne parle plus seulement de l’immigration et de la sécurité. Elle prône maintenant la sortie de l’Europe et le protectionnisme. Du coup, elle séduit aussi tous ceux qui sont touchés de plein fouet par la crise, qui accusent Bruxelles de tous les maux et qui sont affolés par la mondialisation. Ils sont de plus en plus nombreux. Jean-François Copé vient de déclarer que cette élection du Lot-et-Garonne était « un avertissement sérieux » et François Hollande d’ajouter « Nous aurons à tirer toutes les leçons de ce scrutin ». Ils ont raison l’un et l’autre. Mais cela fait bien longtemps que la droite reçoit ce genre d’avertissement et que la gauche aurait dû tirer les leçons de certains scrutins. Ces gens n’ont toujours pas compris que cela allait très mal en France et que les Français n’en pouvaient plus. Il serait grand temps qu’ils ouvrent les yeux car les avertissements ne vont plus être « sans frais » et les leçons vont devenir des corrections. Le Front National n’est plus l’épouvantail que pouvaient agiter entre les deux tours la gauche et la droite traditionnelle. Si les choses continuent à ce train, Marine Le Pen pourrait faire, en 2017, beaucoup, beaucoup mieux que les 17,79% de son père en 2002. Les Hollande, Fillon et autres Copé devraient le comprendre.

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