Contrairement à ce que pensent et disent certains, avoir une armée n’est pas un luxe inutile. Surtout pour un pays qui croit être encore « une puissance » (si ce n’est une « grande » puissance), qui prétend avoir toujours droit à son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations-Unies et qui entend pouvoir intervenir où bon lui semble, ou presque, pour défendre ses intérêts, venir en aide à ses amis et participer à la vie de la planète.
Naturellement, les plus lucides font remarquer qu’avec sa dette abyssale, ses millions de chômeurs, ses crises économique, sociale et morale, l’effondrement de son influence culturelle, la France n’est plus, depuis belles lurette, une véritable « puissance » et qu’elle a été, depuis longtemps, ravalée au niveau des pays moyens, exsangues, qui se débattent, en vain, au milieu d’une Europe moribonde en face d’une Asie triomphante et de pays dits « émergeants » mais qui ont émergé et qui sont même déjà devenus les maitres du monde de ce XXIème siècle.
On peut, bien sûr, se satisfaire de la médiocrité ambiante et se dire qu’avec un président « normal » il est « normal » que nous continuions à dégringoler et à nous effacer de la carte du monde en devenant une modeste province d’une Europe fédérale régie par une Allemagne intransigeante et des technocrates bruxellois incompétents.
Il n’empêche que l’armée française (ou ce qu’il en reste) peut, avec sa force nucléaire et ses quelques unités d’élite, rappeler, par-ci par-là, que nous existons encore. Nos sous-marins, nos Rafales, le 2ème REP, le 3ème et le 8ème RPIMa nous permettent encore d’avoir, parfois, un petit tabouret autour de la table des Grands. Non pas, certes, pour déclarer la guerre à la Chine ou à la Russie ou défier l’Inde ou le Brésil mais, au moins, pour renverser un dictateur en Libye ou faire reculer quelques bandes de djihadistes au Mali (aussi contestables, d’ailleurs, qu’aient pu être ces deux interventions).
Cette armée nous coûte 31,4 milliards par an. Beaucoup moins que les intérêts de la dette. Cela représente 1,4% de notre PIB, 10% de notre budget. Avec 260.000 hommes, nous avons la première armée, en effectifs, de l’Europe occidentale, la… 13ème du monde. Et nous pouvons « projeter » 30.000 hommes (au grand maximum) en opérations extérieures. Ce n’est pas tout à fait insignifiant.
Tout le monde est d’accord pour constater que tout a changé depuis l’époque où nous pouvions redouter les chars du Pacte de Varsovie et où nous étions relativement rassurés par la protection des Etats-Unis. L’URSS n’existe plus et les Américains ont abandonné l’Europe pour se tourner résolument vers le Pacifique et l’Asie.
Mais attention ! Jamais la situation n’a été aussi inquiétante en Méditerranée avec le triomphe des régimes islamistes en Tunisie, en Libye, en Egypte et sans doute bientôt en Syrie ce qui, du coup, rend notre « mer intérieure » et le Proche-Orient plus « explosifs » que jamais et ce qui, par là-même, menace à la fois nos propres pays, la survie d’Israël et une grande partie de notre approvisionnement en pétrole.
Ajoutons que le succès de ces islamistes de Tunis au Caire et peut-être demain jusqu’à Damas, ne peut que renforcer le terrorisme (qu’il faut bien qualifier d’islamiste) et qui n’était jusqu’à présent financé que par l’Arabie saoudite, le Qatar et quelques autres monarchies du golfe arabo-pétrolier. Et rappelons-nous, surtout, que les Islamistes, qu’ils soient déjà au pouvoir ou qu’ils ne soient encore que des terroristes pourchassés, ont déclaré le djihad à l’Occident et veulent nous abattre.
Il serait donc absurde de dire que nous pouvons baisser la garde. Les bombes des terroristes d’Allah sont plus redoutables que ne l’étaient les chars de Moscou.
Pour une fois, l’indécision de François Hollande semble avoir été bénéfique. Le président de la République-chef des armées n’a pas osé écouter les experts de Bercy qui lui demandaient, au nom de l’austérité, de taper très fort dans le budget de la Défense.
Si l’on en juge par le Livre blanc de la Défense pour 2014-2019 qui a été présenté ce matin, les crédits alloués à nos armées seront « sanctuarisés » autour des 30 milliards d’euros par an, notre arme de dissuasion nucléaire sera sauvegardée et la technologie de pointe de notre industrie militaire développée.
Mais ce gel de nos dépenses militaires entraine une redoutable diminution de nos effectifs. Hollande fait la même erreur que Sarkozy : il demande à nos soldats d’en faire davantage (il les a envoyés au Mali, comme l’autre les avait expédié en Côte d’Ivoire et en Libye) et, en même temps, il réduit leurs moyens d’action.
Sarkozy avait déjà supprimé 54.000 postes. Hollande va en supprimer 24.000 de plus. Ce qui fait qu’entre 2008 et 2020, l’armée française aura perdu 78.000 hommes. Et le nombre de nos hommes « projetables » dans des opérations extérieures passera de 30.000 à 15.000. C’est évidemment limiter considérablement nos possibilités d’intervenir dans des conflits locaux, en Afrique ou ailleurs.
On se demande si, économie pour économie, il n’aurait pas été plus judicieux de réduire le nombre de nos fonctionnaires d’Etat et surtout de nos fonctionnaires territoriaux. Même si nos ronds-de-cuir qui, bien souvent, ne servent pas à grand-chose votent à gauche alors que « la Grande muette », chargée de notre protection, vote plutôt à droite.
En fait, on a l’impression, une fois de plus, que François Hollande ne connait pas bien les dossiers, n’a pas d’idées précises sur la question et surtout ne veut mécontenter personne.
Ce qui fait que, ce soir, les experts comptables de Bercy sont furieux et les militaires désespérés, même s’ils redoutaient pire encore.

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