Il y a la loi mais il y a aussi la morale
Après nous avoir juré sur tous les tons que François Hollande n’était absolument pas au courant des « dérives » personnelles de son ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, les amis du président de la République nous affirment maintenant qu’il ignorait tout des activités de Jean-Jacques Augier, le trésorier de sa campagne électorale de l’année dernière.
Ce chef de l’Etat (qui a, d’ailleurs, prétendu, lui-même, qu’il ne savait rien ni des turpitudes de Cahuzac ni du business d’Augier) est tout de même étonnant.
Il n’a jamais rien vu, jamais rien entendu, jamais rien appris et toujours tout ignoré. C’est un gros naïf, sourd et aveugle, que les Français ont élu président de la République ! Preuve, sans doute, qu’ils étaient, eux aussi, d’une naïveté, d’une surdité et d’un aveuglement affligeants.
Hollande ne savait pas que la crise était si grave, que l’austérité tuait l’innovation et la consommation donc la croissance, qu’un pays désindustrialisé ne pouvait plus s’offrir un Etat-providence, ni même… que son ministre du Budget était un fraudeur, voire un escroc en col blanc, et que son trésorier faisait du business dans les paradis fiscaux.
A force de plaider l’innocent, il apparait comme un irresponsable absolu.
Qu’il n’ait pas compris la gravité de la crise mondiale, les défis épouvantables que la France avait à relever et qu’il n’ait jamais eu la moindre idée sur ce qu’il fallait faire pour essayer de s’en sortir est une chose. Mais qu’il ne se soit jamais étonné de la fortune et du train de vie de Jérôme Cahuzac est inadmissible, tout comme il est invraisemblable qu’avant de le charger de contrôler la trésorerie de sa campagne, il n’ait jamais demandé à son vieux copain de l’ENA, Jean-Jacques Augier, ce qu’il était devenu et ce qu’il était allé faire en Chine.
On ne nomme pas quelqu’un ministre du Budget ou trésorier de sa campagne sans avoir au moins quelques assurances, voire même sans avoir pris quelques renseignements sur son intégrité et ses relations. Personne, même parmi ses plus sévères adversaires, ne peut croire un seul instant que François Hollande soit d’une telle candeur !
On nous dit aujourd’hui que les deux affaires n’ont rien à voir entre elles. Cahuzac a commis et reconnu des fautes qui relèvent du tribunal. Augier nous affirme qu’il n’a rien fait d’illégal en ouvrant ses comptes aux îles Caïman. On veut bien le croire… jusqu’à preuve du contraire. Mais le problème n’est pas là.
L’affaire Augier –car affaire il y a- ne concerne (pour l’instant) ni le Code pénal ni le Code général des impôts. Mais c’est un problème de… « morale », si tant est que ce mot ait encore une signification dans notre pauvre pays. Et en politique la morale est plus importante que les lois.
François Hollande a fait toute sa campagne en fustigeant l’argent, les riches, la finance et en nous promettant qu’il s’attaquerait aux revenus du capital, aux salaires excessifs, aux parachutes dorés et… aux paradis fiscaux.
Que son propre trésorier ait eu –même en parfaite légalité- des comptes aux îles Caïmans, l’un des plus grands paradis fiscaux de la planète, est donc parfaitement insupportable.
Sur la tribune Hollande jouait les purs, les intègres, les moralistes, les donneurs de leçons, les chevaliers blancs et, derrière le rideau, en coulisses, comptant et recomptant les billets envoyés par les généreux donateurs, il y avait un homme d’affaires, son propre trésorier, qui rigolait en l’entendant, tout en appelant sur son portable Georgetown, capitale des Caïmans, pour savoir si son petit magot avait grossi dans la journée. Un peu plus loin, Cahuzac téléphonait, lui, à Singapour. Qui sait même si les deux aigrefins ne s’échangeaient pas quelques tuyaux avant de retrouver leur candidat, parangon de toutes les vertus, pour aller souper dans un bistrot du coin avec quelques militants socialistes.
Cahuzac n’est peut-être qu’une brebis galeuse, mais Augier démontre que la gauche hollandaise est tout aussi « caviar » que celle de Mitterrand. Cahuzac va, on peut du moins l’espérer, être condamné par la justice, Augier, lui, entraine toute la gauche dans le box des accusés devant le tribunal de l’opinion publique. C’est beaucoup plus grave…
06 Avr 2013 22:04 1. Flyin'Dutch
Chirac a écopé d’une condamnation de deux ans avec sursis, Sarko est mis en examen (mais pourrait s’en tirer indemne)… ne devrions-nous pas avoir honte de nos élites, nous révolter ? Jusqu’à quand en aurons-nous assez de cette clique d’incapables qui en pense qu’à s’en mettre plein les fouilles ?
07 Avr 2013 0:32 2. nico
Après la fille de Mitterrand financé par les Français, personne ne s’étonne que Chirac ait son appart de 400m2 payé par la famille Hariri… Ils sont bien tous pareils !!
Et surtout ne pas parler de transparence, c’est un gros mots pour tous nos politiques, et on comprend bien pourquoi.
07 Avr 2013 7:17 3. ar!stide_lancien
Devant de tels faits, devant l’accumulation de tant de contradictions, devant tant d’insuffisance, devant une telle arrogance, un cri de surprise et de colère vient spontanément aux lèvres : « HOLLAN … DOUILLE » !
07 Avr 2013 8:26 4. infraniouzes
On a ce qu’on mérite. Remontons à l’époque du roué Mitterrand qui détestait l’argent (!), n’avait jamais un ct sur lui mais ne circulait qu’entouré d’amis aux poches bien bourrées. Quelle hypocrisie ! Mais Mitterrand, qui était tout sauf un imbécile, avait compris qu’au dessus des hommes politiques il n’y a rien sauf la Constitution par peuple interposé. Et dans la Constitution, qui y a-t-il pour punir les faisans et les escrocs politiques ? Rien ! Le reste des lois coercitives est voté par ceux-là même à qui elles pourraient s’appliquer…. Alors, pédale douce pour punir les politiciens véreux. Mais terribles châtiments pour le quidam qui aura oublié de verser son tiers provisionnel ou dépassé de 20 km/h la vitesse autorisée…
Ainsi va la vie; les politiciens se servent en premier et prennent soin d’eux…. C’est pour cela qu’ils durent et surtout pas par leurs vertus….
07 Avr 2013 8:30 5. ar!stide_lancien
Face aux scandales et aux abus, François Mitterrand savait faire preuve d’une certaine habileté qui lui permit de « survivre » pendant deux septennat et de conserver une certaine audience internationale!
François Hollande lui n’agit pas et se comporte avec une telle maladresse, un tel culot et un telle inconscience que, moins d’un an après son élection, il est quasi unanimement rejeté !
Parmi ses pairs, les autre chefs d’Etat, il a perdu toute crédibilité …
07 Avr 2013 9:43 6. sdz
Hollande incarne un système sur sa fin même si je pensais auparavant que ce serait Sarkozy qui prendrait 40 années de trahison des « élites » sur la figure. Il est dans la position de Louis Seize et Pétain réunies!
Quant à cette phase de corruption autour l’affaire Cahuzac, il y a juste un an que j’en évoquais les sous-jacents plus généraux… Les dénégations des ministres et Président sont pathétiques (et pathologiques), ne leur serviront à rien. Désormais, comme envisagé il y a des années, sauf appel de Hollande à la société civile (scénario très difficile à imaginer, surtout pour lui) la rue finira par trancher.
07 Avr 2013 9:54 7. Jean Louis
@aristide met l’accent sur un aspect des plus importants : peut on se mettre une minute à la place de nos postes diplomatiques, et de leurs patrons ? Réalise-t-on que nos ambassadeurs et nos diplomates participent à une quantité de réunions dans leurs pays de résidence ? Quelle contenance peuvent ils avoir dans un tel contexte ? La France ? Où sommes nous?
J’ai subi cette expérience cuisante dans l’organisme international où je travaillais, le jour où l’équipe de France de foot a fait grève pendant la coupe du monde en RAS. Crise managée par deux abruties, la Bachelot et sa ramayayade. Entrant dans la réunion hebdomadaire dirigée par un Allemand, et une quinzaine de nationalités autour de la table, nous étions trois petits français face aux sourires narquois du reste de la planète … Très difficile de faire comme s’il ne s’était rien passé. Finalement Mélenchon trouve les mots justes, on a de vrais salauds à la tête du pays, jusqu’au plus haut niveau.
S’il vous plait monsieur le concubin, cessez de vous foutre de nous ! Toute la sphère de l’industrie de la pharma connaissait Cahuzac comme un grand « faiseur »; pas vous ?
Et vous n’aviez pas d’autres amis comme trésorier de votre campagne, que le patron de Têtu, bénéficiaire économique de sociétés écrans aux Caïmans (petite ile chez les Britanniques, faut il le rappeler ? Si les Services Spéciaux britanniques n’ont pas leur nez dans les livres, ils sont bien bêtes … ce qu’ils ne sont pas); vous êtes bien seul monsieur le concubin ! Dans un dîner hier soir, on s’esclaffait car la radio avait annoncé que vous étiez entré dans la préfecture de Tulle par la porte de derrière. C’est une allégorie courante dans les romans d’André Gide, décidément cela ne vous quitte pas …
07 Avr 2013 10:22 8. bentolila
AUDIKA fait des promotions cette semaine. LULU aura ses nouvelles prothèses auditives. Comme cela elle entendra un peu mieux…..
07 Avr 2013 12:36 9. Patrick-Louis Vincent
Certes, Thierry, vous avez raison sur le fonds. Mais attention tout de même à ne pas véhiculer l’image du « tous pourris », même si vous ne le dîtes pas directement.
Je n’ignore pas que, chez les Grecs, la politique fut une branche de la morale. J’entends bien qu’il faut réformer nos institutions (cad en changer) et y introduire davantage d’obligations de transparence sur les sources qui ont alimenté les patrimoines des hommes politiques. Pour une fois, l’on pourrait s’inspirer des méthodes américaines, car, aux US, on ne plaisante pas sur la moralité publique. En revanche, l’on n’a pas la phobie de l’argent, et l’on ne confonds pas la moralité publique avec la richesse des hommes politiques, particularité plutôt reconnue comme une qualité.
D’autre part, je me méfie beaucoup des moralisateurs en politique. L’on se souvient des purs Robespierre et St Just que l’on a opposé au véreux Danton. Les premiers, sûrs de leur vertu, envoyèrent le second à la guillotine, avant d’installer la terreur et ses milliers de morts. Le fait qu’il connurent eux-mêmes le même sort, ne me fait pas oublier que leur vertu fut d’abord sanguinaire. L’on pourrait aussi se souvenir de Savonarole, un autre moralisateur qui, voulant assainir les moeurs libérés de la Renaissance italienne, fit répandre les bûchers sur les places publiques. Il finit certes par où il avait pêché, mais cela ne retira rien du mal qu’il avait fait. L’on pourrait citer bien d’autres moralisateurs, de Cromwell à Pol Pot, en passant par Lénine et Trotsky, sans oublier Hitler, qui voulaient tous assainir, soit les moeurs, soit la vie politique, en purifiant la société de tout ce qui s’éloignait de ce qu’ils jugeaient moral ou vertueux, et remplacer les impurs par un homme nouveau. Aujourd’hui encore, les salafistes et autres whahabites, se réfèrent à toutes les vertus inscrites dans le livre sacré pour asseoir leur pouvoir sur une chape de plomb.
Personnellement, je n’ai aucune envie de voir resurgir les moralisateurs qui ne sont d’ailleurs peut-être pas aussi vertueux qu’ils le disent, mais toujours prêts, au nom de la morale et de la vertu, à purifier la race humaine dans le sang ou par le feu.
Soyons donc vigilants, et ne nous laissons pas entraîner dans des discours moralisateurs à l’encontre de toute une classe politique. Cela commence toujours par des mots. Au début, il y a toujours le verbe. L’idée lancée se nourrit d’elle-même telle un égrégore ou un balancier, grossit et s’étend comme un cancer métastasé qu’un jour l’on ne peut plus éradiquer.