Les guignols, les chiffonniers et la maffia
Le spectacle continue ! On nous avait annoncé la (très courte) victoire de Copé. Fillon semblait l’avoir acceptée tout en émettant des doutes sur les conditions du vote et surtout du dépouillement. On s’est alors aperçu que la commission de contrôle avait « oublié » trois territoires d’outre-mer ce qui donnait la victoire (encore plus courte) à Fillon. Copé ne voulant rien entendre conseilla à Fillon de s’adresser à la commission des recours. Celle-ci étant visiblement « copéiste », Fillon n’en voulut pas et menaça d’aller en justice. On a alors cru que, devant les dégâts que provoquait cette bataille de chiffonniers, les chiffonniers en question allaient s’en remettre à un « juge de paix » comme les gangs de truands qu’on voit parfois dans les films policiers. Mais Fillon ayant cru devoir rappeler ce matin qu’un parti politique n’était pas « la maffia », Copé a sauté sur l’occasion et ne veut plus de l’arbitrage de Juppé. On attend, naturellement, la suite de ce feuilleton qui ridiculise totalement l’UMP après l’avoir cassée en deux.
Ici même, nous avions évoqué « le suicide de l’UMP » et « la victoire à la Pyrrhus » de Copé. Avec ces pantalonnades, on en arrive à Guignol.
Il faut dire, à la défense des protagonistes, que la situation est invraisemblablement compliquée. Confondant sympathisants et militants encartés, on nous avait prédit une large victoire de Fillon. Or, les militants, qui seuls votaient, sont équitablement répartis. 50/50. Ce qui veut dire qu’une moitié des adhérents souhaite une UMP « de bon aloi » pour que la droite et le centre aient une chance de gagner la présidentielle de 2017 et que l’autre moitié veut une UMP « de combat » (« à la FN ») pour en découdre avec les socialistes pendant tout le quinquennat.
La cassure est fondamentale car il s’agit de redéfinir le menu de cette « auberge espagnole » qu’est l’UMP depuis sa création.
A cela s’ajoute la haine absolue mêlée de mépris qui a toujours opposé Fillon et Copé. Elle est assez classique chez les fauves de notre faune politique. C’est Mitterrand-Rocard, Martine Aubry-Ségolène Royal, voire Martine Aubry-François Hollande ou, si on préfère, Chirac-Balladur ou Chirac-Sarkozy. La vieille histoire des deux crocodiles dans le même marigot.
Cela dit, le recours à Juppé est tout de même stupéfiant. Les commentateurs ont salué cet appel au « vieux sage de Bordeaux », fondateur de l’UMP. Or, on peut se demander quelle légitimité a aujourd’hui celui que Chirac avait appelé « le meilleur d’entre nous ».
Il est, sans conteste, l’homme politique de droite qui a connu le plus d’échecs. Premier ministre « droit sans ses bottes », il a provoqué, en 1995, les plus grandes grèves de l’histoire de la Vème République et les manifestations de rue parmi les plus nombreuses. Partisan de la dissolution en 1997, il a conduit la droite à une déroute électorale sans guère de précédent. Condamné par la justice, il s’est exilé au Canada avec « la tentation de Venise ». Revenu, il a reconquis la mairie de Bordeaux (et tout le monde s’accorde pour reconnaitre qu’il est un excellent maire), mais il a été battu lamentablement aux législatives ce qui l’a contraint à quitter le premier gouvernement de Sarkozy-Fillon à peine constitué.
Retiré sur son Aventin girondin, il n’hésitait pas à critiquer les dérives droitières de Sarkozy. Jusqu’au jour où, à la surprise de tous ses amis, l’appât du pouvoir lui a fait accepter de revenir au gouvernement pour redorer un peu le blason gaulliste de Sarkozy. D’abord ministre de la Défense puis des Affaires étrangères. Au Quai d’Orsay, il a avalé goulument toutes les couleuvres que lui faisait ingurgiter le président, tolérant même, pour l’affaire libyenne, de laisser sa place à Bernard-Henry Lévy.
On avouera qu’avec un tel « CV », ce « vieux » Juppé n’est sans doute pas le mieux placé pour jouer les arbitres suprêmes au-dessus d’une mêlée dans laquelle il a toujours pataugé. Et d’autant plus que si Fillon a été le premier à évoquer son nom pour mieux récuser la commission des recours, Copé qui était « juppéiste » dans sa jeunesse sait parfaitement qu’aujourd’hui le maire de Bordeaux qui s’indigne de toute dérive droitière est devenu « filloniste ».
En parlant de « maffia » Fillon fait évidemment de la provocation. Ceux qui ont de la mémoire se souviennent que quand Chirac, Premier ministre de Giscard, s’était emparé « à la hussarde » du mouvement gaulliste, certains avaient parlé de « hold-up » et l’avait qualifié de « gangster ». Il y a des traditions qui ont la vie dure.
On attend maintenant la suite des événements. Tout le monde a compris que les deux candidats-ennemis sont « dans un mouchoir de poche » (mais en 1974, Giscard avait été élu président devant Mitterrand avec 50,81%), que ce sont les DOM-TOM qui donnent la victoire à Fillon (comme ils l’avaient donnée à Giscard) et que Copé va, sans aucun « complexe », s’accrocher à sa victoire à la Pyrrhus, ignorant sans doute que ce lointain cousin d’Alexandre, après avoir fait empoisonner son oncle Néoptolème pour régner sur l’Epire, mourut assassiné dans une rue à Argos.
Il ne reste plus que quatre ans et demi à la droite pour se mettre en ordre de bataille, se choisir un chef, définir un programme et se préparer à affronter Hollande en 2017…
23 Nov 2012 14:27 1. ar!stide_lancien
La Droite qu’elle soit Légitimiste, Orléaniste ou Bonapartiste, selon la classification traditionnelle de René Rémond,
a toujours besoin d’un chef qui incarne le monarque, pour faire son unité.
La Gauche fait son unité, au cri de « Pas d’ennemi à Gauche », sur une idéologie.
Quand donc les Français, dont beaucoup ne sont ni foncièrement à Droite ni emballés par les phantasmes délirants de la Gauche, parviendront ils à une unité suffisante autour de la France ?
Le temps presse car bientôt ils seront minoritaires dans leur propre patrie et dominés par un islamisme qui progresse à la faveur de nos divisions. Mais il faudrait pour éviter ce risque un peu de bon sens et de respectabilité chez les politiciens des deux bords, plus préoccupés de leur propre carrière que de notre avenir .
23 Nov 2012 14:33 2. bentolila
Non LULU sur la place de Bruxelles les mannequins ne pissent pas
23 Nov 2012 14:56 3. Alain
Ceci n’est pas « Les Guignols ». C’est trop facile. Le fond de la chose ne prête pas à rire. Le fond de l’affaire c’est que tous ces gens là sont viscéralement attachés à leurs privilèges et aujourd’hui, on voit en plein jour, ce qu’il se passe et s’est toujours passé dans l’ombre. Notre démocratie, notre fameuse démocratie, on voit aujourd’hui dans quelle tenue, elle se présente réellement. Pourtant, nous donnons des leçons de gouvernance, de démocratie et de beauté aux autres.
Ces gens là ont géré la France depuis des décennies et aspirent à la diriger de nouveau, mais au fond, ce sont des magouilleurs, des putschistes, des affairistes en costume et se pavanant partout avec la complaisance voire la connivence d’une presse inféodée et alliée.
23 Nov 2012 15:00 4. Alain
@ar!stide_lancien
« bientôt ils seront minoritaires dans leur propre patrie et dominés par un islamisme qui progresse à la faveur de nos divisions. »
Il ne manquait plus que ça.
23 Nov 2012 15:01 5. drazig
@aristide_lancien
Bravo. J’aurais aimé écrire votre papier.
23 Nov 2012 15:15 6. laurentdup
Quand on pense que l’UMP est en autre une machine à fabriquer et à élire des parlementaires et qu’ils ne sont pas foutus de pondre des statuts ainsi qu’un règlement intérieur qui soient clairs nets et précis pour leur propre parti…
23 Nov 2012 16:09 7. infraniouzes
Des coups tordus il y en a toujours eu dans tous les partis mais cela se passait à huis clos et la presse ne se contentait que de ce qui filtrait, une fois la messe dite.
Aujourd’hui, on veut la jouer à l’américaine, sous les sunlights et devant les caméras. C’est à celui qui aura les dents les plus blanches mais le sourire le plus carnassier. Comme la frénésie de parler en public l’emporte sur la raison, nos petits guignols se prennent les pieds dans le tapis et font bourde sur bourde. L’UMP et ses spasmes me fait penser à une parturiente prête à mettre au monde mais on ne sait si: ce sera un beau bébé, un avorton, ou pire, une fausse couche ou carrément un avortement.
Remarquons en passant qu’on n’ose à peine parler d’un troisième homme (ou femme) pour mettre fin à ce carnaval…. L’UMP manquerait-elle d’homme (ou de femme) digne de ce nom ?
23 Nov 2012 16:47 8. Alain
@infraniouzes
Si, si, l’UMP a un homme digne de ce nom. Il s’appelle Nicolas Sarkozy. Il garde toutes ces chances, car le juge Gentil aurait confondu Bettencourt (la milliardaire) et Betancourt (l’ex-otage), selon son avocat. Le même dit que le statut de Témoin assisté affublé à l’ex-président montre qu’il ne peut plus être mis en examen. Le ridicule ne tue pas dans ce pays, heureusement!
23 Nov 2012 16:48 9. Flyin'Dutch
Je ne croyais pas que l’UMP disparaîtrait dans des conditions aussi grotesques. Merci à Fillon et surtout à Copé, il y a bien longtemps que les politiques ne m’avaient pas tant faire rire.
23 Nov 2012 18:50 10. bentolila
non lulu tu n’as pas copé, demande à Jean-François te t’aider
23 Nov 2012 19:59 11. diego
Je pense qu’il faut une droite de combat face à une gauche hégémonique et de combat, face a des médias acquis à la gauche et faisant de la désinformation, entretenant le bon peuple dans le politiquement correct.Et non pas celle que vous appelez » de bon aloi » qui est la droite mou du genoux. Or pseudo droitisation de Copé est une posture éléctorale et en réalité il est d’accord sur tout avec Fillon.
Franchement moi qui vis à l’étranger,quand je viens en France, je suis épaté de voir que les français gobent tout ce que leur racontent les médias, à l’époque d’internet…
23 Nov 2012 21:07 12. Alain
Le président de la commission nationale des recours, Yanick Paternotte (Copéiste) attend en effet son jugement le 13 décembre dans une affaire d’abus de faiblesse pour laquelle le parquet de Nanterre a requis sa condamnation à deux ans de prison avec sursis, 50 000 € d’amende et une peine d’inéligibilité. Lui et son épouse Sylvie ont comparu, le 9 novembre, après avoir bénéficié en 2004 de la donation de Lucienne Kielar, une vieille dame de 91 ans, concernant les 3/10e de la Feuilleraie, une propriété située sur la butte des Châtaigniers à Sannois.
Le Parisien