Plus de cumul des mandats et un peu de proportionnelle. Comme on pouvait s’y attendre, les propositions de Lionel Jospin et de sa commission caressent l’opinion dans le sens du poil.
Cela fait des années qu’on nous raconte qu’il est scandaleux que certains élus soient à la fois maire et député ou sénateur et président d’un conseil général et qu’on nous affirme qu’il est monstrueux qu’un parti politique ayant obtenu 10, 15 ou même 20% des voix à la présidentielle ne soit pas représenté au Parlement.
Or, ces deux questions mériteraient tout de même un peu de réflexion.
Le mot « cumulard » est évidemment antipathique. Mais, d’abord, ce sont les électeurs, et eux seuls, qui choisissent d’envoyer éventuellement le même homme à la mairie et à l’Assemblée. Personne ne les y oblige. Si les Français ne voulaient vraiment plus de « cumulards », ils n’auraient qu’à le faire savoir par leurs votes.
Ensuite et surtout, on nous a dit sur tous les tons, pendant des années, qu’un parlementaire qui n’avait pas une véritable implantation locale, qui ne rencontrait pas ses électeurs chaque semaine dans sa circonscription, au marché ou dans sa mairie, était coupé des réalités. On peut difficilement faire des lois ou discuter du budget sans connaitre « le terrain ».
Tous nos ténors politiques, ou presque, étaient aussi des maires. Chaban à Bordeaux, Lecanuet à Rouen, Mauroy à Lille, Defferre à Marseille, Chirac à Paris, Barre à Lyon, sans parler de Hollande à Tulle ou d’Ayrault à Nantes. Etaient-ils des « cumulards » pour autant ? Certes, ils avaient leur « fief » et se comportaient parfois en potentats locaux mais cela leur permettait de connaitre personnellement les problèmes du chômage, de la désindustrialisation, du logement, les écoles, mieux que s’ils n’en avaient eu connaissance que par la lecture de la presse ou de quelques dossiers.
On se plaint d’avoir trop d’énarques et de fonctionnaires au Parlement. En fermant la porte de notre pouvoir législatif aux élus locaux, souvent issus de la société civile, on risque fort de n’avoir plus comme parlementaires que des technocrates lesquels n’ont jamais, jusqu’à présent, démontré qu’ils étaient « en phase » avec « le peuple ».
La chasse aux cumulards est un sport à la mode mais elle n’est pas forcément un progrès pour la démocratie
La proportionnelle est, évidemment, séduisante… sur le papier. Il n’est pas normal, par exemple, que le Front National qui obtient entre 15 et 18% à la présidentielle n’ait aujourd’hui que deux députés. Mais, en pratique, cette proportionnelle est redoutable.
D’abord, parce qu’on ne peut pas mener une politique « à la proportionnelle », avec 8% du programme de l’extrême-gauche, 18% du programme du Front National, etc. La IVème République avec ses majorités de circonstance et contre-nature l’a démontré.
Ensuite, la proportionnelle nationale redonnerait les pleins pouvoirs aux partis qui désigneraient leurs apparatchiks et les électeurs ne connaitraient pas « leur » député.
Jospin propose que 10% des députés soient élus à la proportionnelle. Il est toujours très mauvais que dans une même assemblée, tous ne soient pas élus selon les mêmes règles et par le même électorat.
Bref, ces chamboulements qu’on nous promet mériteraient sans aucun doute un vrai débat et pourquoi pas un référendum. Hollande devrait d’ailleurs se souvenir que tous ceux qui ont voulu tripatouiller le code électoral ont perdu les élections et que la démagogie ne fait pas toujours avancer la démocratie.

Mots-clefs : , ,