Le toréador, l’hétérosexuel, le citoyen, l’agonisant
On peut ne pas aimer les corridas et approuver malgré tout la dernière décision du Conseil Constitutionnel.
Les « Sages » viennent de rejeter le recours qu’avaient présenté deux associations hostiles aux corridas et qui s’indignaient que les textes réprimant les « actes de cruauté commis contre les animaux » ne soient pas appliqués, en ce qui concerne les courses de taureaux, dans le sud de la France.
En évoquant le critère de « tradition locale ininterrompue », le Conseil Constitutionnel a estimé qu’il n’était « pas anticonstitutionnel de prévoir des différences de traitement entre les régions à tradition tauromachique et les autres ».
Que la plus haute juridiction du pays reconnaisse qu’il y a des « traditions locales ininterrompue » et souhaite qu’elles soient respectées est particulièrement intéressant et dépasse de beaucoup le cadre des arènes tauromachiques et même celui des combats de coqs aux Antilles.
Il y a, en effet, beaucoup d’autres « traditions locales (ou même nationales) ininterrompues » depuis quelques siècles que certains aujourd’hui voudraient mettre à mal. On peut citer, au hasard, le mariage entre un homme et une femme, le droit de vote réservé aux citoyens, l’obligation de soigner les malades même agonisants.
Chacun reconnaitra que ces trois « traditions » qui font partie des fondements de notre société sont autrement plus importantes que la tauromachie et on attend donc avec impatience la réaction qu’auront les « Sages » du Palais Royal quand le gouvernement leur présentera ses projets de loi sur le mariage des homosexuels, le droit de vote pour les étrangers et l’euthanasie, trois textes qui seront de toute évidence en contradiction totale avec nos « traditions ininterrompues ».
On dira que notre société évolue, que les traditions sont faites pour être abolies, que l’homophobie, la xénophobie et l’acharnement thérapeutique sont déjà interdits par la loi et qu’aujourd’hui oser émettre des réserves sur ces chamboulements que voudraient nos imposer nos nouveaux maîtres n’est rien d’autre qu’être fondamentalement réactionnaire.
Mais il n’est pas nécessaire d’être homophobe, xénophobe ou attaché au Serment d’Hippocrate pour s’indigner de ces projets. Il suffit d’être respectueux de la langue française et vouloir conserver leur sens aux mots.
Le mariage est, qu’on le veuille ou non, l’union d’un homme et d’une femme. Un couple homosexuel est « différent » d’un couple hétérosexuel. Pendant longtemps, au nom de la fameuse « liberté », les homosexuels ont revendiqué leur « droit à la différence ». On le leur a accordé. Et on a eu raison. Aujourd’hui, au nom de la toute aussi fameuse « égalité », ils ne veulent plus qu’il y ait la moindre « différence » entre eux et les autres. Or, quelle que soit notre bonne volonté, cette différence (qu’on respecte) existe toujours. On leur souhaite donc d’être très heureux, si ce n’est d’avoir beaucoup d’enfants, mais qu’ils ne nous disent pas maintenant qu’ils sont « pareils » que les autres en tout point. Et respectons le sens des mots.
Le droit de vote a, lui aussi, un sens très précis dans notre belle langue. C’est un droit, pour ne pas dire un devoir, accordé aux citoyens et à eux seuls. On peut considérer cela comme une de nos traditions. Au moins à l’égale de la tauromachie dans le sud. Les étrangers sont évidemment très respectables et doivent être accueillis avec tous les égards qui leur sont dus, mais ils n’ont évidemment pas le droit de décider de l’avenir de notre pays qui, par définition, n’est pas le leur. Ceux qui voudraient absolument participer à nos scrutins peuvent toujours acquérir la nationalité française, distribuée maintenant dans des pochettes surprises, et devenir ainsi nos concitoyens. Respectons le sens des mots.
Enfin, les médecins de notre pays avaient, eux aussi, une tradition qui était de lutter contre la mort des malades. Le Petit Larousse est d’ailleurs formel : « Médine : science qui a pour objet la conservation ou le rétablissement de la santé ». Et notre dictionnaire est très précis : « Meurtrier : qui commet l’action de tuer volontairement un homme », « Euthanasie : doctrine selon laquelle il est licite d’abréger la vie d’un malade incurable ». Les mots ont un sens.
Un pays qui marche sur la tête est un pays qui a perdu le sens des mots et dont les dirigeants peuvent donc dire n’importe quoi sans choquer, outrer, scandaliser personne.
Nous en sommes là. Pendant longtemps, on a joué sur les mots. Les plans de licenciements étaient des « plans sociaux », voire des « plans de restructuration », les chômeurs des « salariés à la recherche d’un emploi », quand la Bourse baissait on parlait de « prises de bénéfices ». Désormais, on ne joue plus sur les mots, on les trahit. Et personne ne dit rien.
Et en les malmenant de la sorte, on détruit pierre à pierre tout ce qui fut notre société, nos « traditions », autant dire notre civilisation.
Les vieux Sages du Conseil constitutionnel viennent de sauver la corrida au nom du respect de la tradition. Auront-ils le courage de sauver le mariage, le droit de vote et le droit de vivre (même dans les pires conditions) au nom du respect de nos traditions et plus encore des « valeurs » (même si le mot est désormais proscrit) de notre République ?
Ils ont sauvé le toréador, sauveront-ils l’hétérosexuel, le citoyen, l’agonisant ?
Mots-clefs : droit de vote, Euthanasie, mariage
21 Sep 2012 20:36 1. bubulle
excellent article cher ami
maintenant voyons bien que dans l’état de dégénerescence qui est le notre, la démocratie ne veut plus dire grand chose puisque les puissances d’argent ont acheté la plupart des politiciens et que les petits citoyens que nous sommes n’avons aucun pouvoir réel
à quand une mobilisation du troupeau pour réclamer le droit au référendum d’initiative populaire, l’obligation de passer par le peuple pour pouvoir modifier la constitution ?
les français semblent n’en avoir plus rien à foutre de rien, tout en déblatérant comme des chameaux au bistro du coin
ils n’ont que ce qu’ils méritent et ça ne va pas s’arranger
tant pis pour eux s’ils n’ont plus rien dans le froc
bonne continuation
22 Sep 2012 8:11 2. infraniouzes
Je vous livre cette réflexion de Lucie Delarue-Madrus: » Ecrire proprement sa langue est une des formes du patriotisme ».
A écouter et lire certains politiciens ou certains empereurs du PAF on comprend mieux pourquoi tout fout le camp en France.
22 Sep 2012 8:57 3. Patrick-Louis Vincent
Avec de tels arguments se référant à la tradition, l’on ne fait guère avancer les moeurs. Je vous rappelle que la coutume voulait que l’on torturât les gens pour extorquer des aveux. Cela se pratiquait depuis la nuit des temps. Idem pour la peine de mort. Faudrait-il pour autant rétablir la torture dans les commissariats et redresser des bûchers sur la place publique ?
Le Conseil Constitutionnel, tout comme vous, a eu le tord d’évoquer la coutume pour justifier son choix. En fait, il a botté en touche pour ne pas mettre à mal une économie locale déjà chancelante. Mais cela n’est pas un argument constitutionnel.
Personnellement, je ne suis pas partisan de la corrida avec mise à mort. Mais, son interdiction, si elle devait avoir lieu, doit être le fait du Parlement et non du Conseil Constitutionnel. Compte tenu du clientélisme qui est devenue la règle démocratique, son interdiction n’est pas pour demain. Je rappelle que la mise à mort, dans les arènes françaises, était interdite autrefois. La mise à mort était une spécificité espagnole et que l’interdiction, en France, a été levée (je ne me souviens plus à quelle date). L’on peut donc revenir à la loi qui prévalait dans mon enfance. Les corridas existaient dans le sud, notamment à Nîmes, mais la mise à mort était simulée.
J’ajoute que si l’on devait interdire la corrida pour actes de cruauté envers les animaux, il faudrait alors aussi interdire l’exécution des animaux selon les rites religieux, qui, eux aussi, sont cruels puisque les animaux ne sont pas étourdis. Il faut donc interdire le hallal et le cacher, encore deux coutumes locales, mais pas de chez nous, qu’il faudra bien, un jour, faire évoluer.
22 Sep 2012 9:31 4. drazig
Excellent billet de bout en bout.Je suis un fan des corridas et me souviens des /corridas de ma jeunesse et notamment des toreros Dominguin et Ordonez. La corrida consiste à « corriger » le taureau arrivant tout fou dans l’arêne et bientôt grace au toreador rendu obéissant au jeu de cape du matador, le tout accompagné par un folklore rutilant. Pour tuer le taureau on utilise une épée et on l’achève avec un poignard le descabillo dans le cervelet, ce qui abrège sa souffrance (si souffrance il y a). En tous les cas il souffre moins que le bétail tué par égorgement. Pour les « bonnes âmes », il arrive qu’un torero se fasse tuer.
22 Sep 2012 10:22 5. Patrick-Louis Vincent
Je voulais répondre aux autres questions soulevées par Thierry, malheureusement, j’ai le message suivant lorsque je veux soumettre mon commentaire :
Hmmm, your comment seems a bit spammy. We’re not real big on spam around here.
Please go back and try again.
Ce n’est pas la première fois que j’ai ce type de message. Je ne comprends pas pourquoi certains messages passent et d’autres pas.
22 Sep 2012 21:48 6. Marianne
Excellent commentaire P-L Vincent..
Je suis du sud et n’ai jamais aimé la corrida. je trouve qu’il est des traditions barbares, d’un autre âge, que nous n’avons pas à maintenir.
La chasse à courre en G-B , autre pratique barbare était aussi une tradition ancestrale; n’a-t-elle pas été abolie sous la pression de Bruxelles , me semble-t-il ?et sous les applaudissements de la France , en tout cas des Français…non pas parce que c’était une pratique indigne envers les animaux mais parce que cette pratique était celle d’une certaine classe aristocratique..et les aristocrates, pour les Français, c’est à la lanterne
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drazig : »ce qui abrège sa souffrance (si souffrance il y a). »
Evidemment tout le monde sait que ça le chatouille et que ça lui fait du bien ! D’ailleurs il en mort de rire !
23 Sep 2012 13:47 7. bentolila
non LULU tu ne vas pas faire corrida. A la saint Medard il devrait pleuvoir des cordes.