Comment un Premier ministre annonce-t-il au brave peuple qu’il a compris qu’il était totalement incapable de faire face à la situation et qu’il capitulait en rase campagne ? En déclarant solennellement : « Je ne serai pas le Premier ministre d’un tournant de l’austérité parce que la politique que nous avons engagée au début du quinquennat aurait été un échec ». C’est exactement ce que vient de faire Jean-Marc Ayrault, toute honte bue.
En langage politique, c’est-à-dire en mentant effrontément, cela signifie : toutes nos belles promesses de campagne n’étaient que du pipeau, nous allons maintenant plonger dans la pire des austérités et abandonner le peu que nous avons fait jusqu’à présent qui nous conduirait évidemment encore plus vite droit dans le mur.
Les Français ont l’habitude de ces « tournants » sur l’aile qu’effectuent leurs dirigeants après leur avoir raconté n’importe quoi et avoir fait semblant de pratiquer un peu de valse-hésitation. Mitterrand a fait son tournant, Chirac aussi et le quinquennat tout en zigzags de Sarkozy n’a été qu’une suite de virages en épingle à cheveux.
Autrefois, la politique consistait à essayer de « rendre possible le souhaitable ». Aujourd’hui et depuis longtemps déjà, elle se limite à faire rêver les électeurs pour être élu, puis, une fois au pouvoir, à reconnaitre qu’on est totalement impuissant en face des réalités et à faire comme les autres, augmenter les impôts tout en aggravant les déficits.
En nous affirmant qu’il ne serait pas l’homme de l’austérité, Ayrault a d’ailleurs avoué qu’une hausse de la CSG était « une piste ». Ce qui veut dire, bien sûr, qu’il va l’emprunter avant longtemps. Jospin prétendait être « un austère qui se marre », Hollande et Ayrault vont pratiquer une austérité qui n’aura rien de rigolo.
Mais aux menteries habituelles, il faut toujours ajouter l’incantation. Notre Premier ministre n’y a pas manqué. « On va y arriver », « La France va s’en sortir », s’est-il écrié. Pour qui nous prend-il ?
Nous pourrions faire une anthologie de ce genre de rodomontades. Il ne manquait « pas un bouton de guêtre à nos soldats » avant Sedan, nous allions gagner la guerre « parce que nous étions les plus forts » en 40, plus récemment, nous apercevions « le bout du tunnel » et les signaux passaient au vert.
François Hollande répète qu’il a d’abord « un devoir de vérité envers les Français » et reconnait que nous avons affaire à une crise d’« une gravité exceptionnelle ». Alors pourquoi nous raconter des blagues ?
Il faut qu’il trouve, ailleurs que sous les sabots d’un cheval, 33 milliards pour boucler le budget 2013, notre croissance est et continuera à être nulle, on vient de dépasser le cap des 3 millions de chômeurs (en catégorie A, on oublie pudiquement les autres catégories), les plans de licenciement s’accumulent, les immatriculations de voitures neuves ont baissé de 11,4% en un an, etc., etc., et le Premier ministre nous jure que l’austérité n’est pas à l’ordre du jour et que nous allons nous en sortir.
Pourquoi ne pas nous dire la vérité ? C’est-à-dire que nous allons connaitre des années épouvantables, entrer en récession, être matraqués d’impôts, atteindre les 15% de chômeurs et que le gouvernement va être obligé de renoncer à toutes ses promesses, qu’il ne pourra pas faire embaucher 150.000 jeunes chômeurs, 60.000 enseignants, construire 500.000 logements, etc.
Ce n’est pas avec des balivernes qu’on peut mobiliser une population. Paul Reynaud avait promis la victoire, il a eu la pire des défaites. Churchill avait promis « du sang et des larmes », il a gagné la guerre.
Mais l’embonpoint mis à part, Hollande ressemble, hélas, beaucoup plus à Reynaud qu’à Churchill.

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