Nicolas Sarkozy est sorti de son silence pour reprocher à François Hollande de rester les bras ballants devant ce qui se passe actuellement en Syrie et lui conseiller d’envoyer là-bas nos Rafales. On en reste pantois.
L’ancien président de la République s’est entretenu avec Abdel Basset Sayda, le président du Conseil National Syrien, la principale force d’opposition au régime de Bachar al Assad et les deux hommes ont publié un communiqué commun stupéfiant (de la part du Français) dans lequel ils appellent « à une action rapide de la communauté internationale pour éviter les massacres », allant même jusqu’à souligner « les grandes similitudes avec la crise libyenne ».
Pendant la campagne présidentielle, Sarkozy avait promis qu’on n’entendrait plus parler de lui s’il était battu. Une promesse de plus qu’il n’aura donc pas su tenir. Mais le plus grave est ailleurs.
Que veut dire « une action rapide de la communauté internationale » ? Une action diplomatique ? Cela fait des mois que la France, les Etats-Unis et un bon nombre de pays tentent, à l’ONU et ailleurs, de trouver une solution politique qui permettrait de mettre un terme à la guerre civile qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts en Syrie en ménageant une porte de sortie pour Assad. Les vetos de Moscou et de Pékin bloquent toutes ces démarches et on sait parfaitement que ni les Russes ni les Chinois n’abandonneront jamais Assad qui reste leur dernier « ami » dans cette région stratégique. Ajoutons qu’ils sont d’ailleurs plus lucides que nous en face du danger islamiste que représentent ces rebelles avec leurs faux nez de démocrates.
L’« action rapide de la communauté internationale » ne pourrait alors être que militaire. En évoquant des « similitudes » avec la Libye, le communiqué Sarkozy-Sayda le laisse bien comprendre.
L’ancien président de la République est donc, aujourd’hui encore, content de la politique qu’il a menée en Libye. Certes Kadhafi a pu être abattu (pour ne pas dire assassiné) et personne ne regrettera ce dictateur fou. Mais on ne nous a toujours pas dit combien de morts et de dégâts considérables avait causé notre intervention (qui a dépassé de beaucoup le mandat de l’ONU), mais on fait mine de ne pas s’apercevoir que la Charia a été instaurée en Libye, mais on ne veut pas voir que le pays a éclaté entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine et personne n’ose reconnaitre que si une bonne partie du Mali, du Niger et de la Mauritanie sont maintenant entre les mains des hommes de l’AQMI, la « filiale » sahélienne d’Al Qaïda, c’est parce que les armes de Kadhafi sont parties dans le désert.
Quoi que puisse en penser Bernard-Henri Lévy, son grand inspirateur, la guerre que nous avons menée en Libye a été une catastrophe dont nous allons rapidement payer, au prix fort, les conséquences.
Dire qu’il y a des « similitudes » entre la Libye et la Syrie est évidemment une absurdité même si, dans les deux cas, un dictateur fait tirer à l’arme lourde sur ses rebelles, même si, dans les deux pays, les rebelles en question reçoivent de l’argent et des armes de Washington par l’intermédiaire de l’Arabie saoudite et du Qatar et même si Nicolas Sarkozy a reçu à Paris avec tous les honneurs aussi bien Kadhafi qu’Assad. Pour le reste, il n’y a rien de commun entre la Libye de Kadhafi et la Syrie d’Assad.
La Libye n’est qu’un désert (bourré de pétrole) peuplé de quelques tribus. La Syrie est « le cœur du monde arabe », la « sœur » historique de l’Egypte, l’ennemie traditionnelle de l’Irak, la puissance dominante du Liban.
Envoyer nos Rafales bombarder Damas, Alep, Homs ou Lattaquié ce serait, évidemment, faire exploser tout le baril de poudre du Proche-Orient, obliger Moscou et Pékin à intervenir et aggraver considérablement le fossé qui sépare l’Occident du monde arabo-musulman. Autant dire que ce serait de la folie furieuse.
Que devant les querelles internes et le vide abyssal de l’opposition d’aujourd’hui, Sarkozy ait envie de revenir sur scène est presque compréhensible. Mais, avant de tirer ainsi au canon, du Cap Nègre sur le fort de Brégançon, il devrait tirer les leçons de ses erreurs passées, consulter des gens qui connaissent un peu la Syrie et ne pas jouer les irresponsables en réendossant ses vieux oripeaux de va-t-en guerre à bon marché.

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