L’annonce de la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay et de la suppression de 8.000 emplois chez le constructeur automobile était attendue. Elle n’en fait pas moins l’effet d’une bombe. « Un séisme » se lamentent ceux qui jouaient les autruches depuis des mois, pour ne pas dire des années.
L’opposition est d’une totale mauvaise foi quand elle accuse le gouvernement d’être responsable de la catastrophe sous prétexte qu’il n’aurait pas su baisser les charges des entreprises, inciter à l’innovation et jouer à fond la carte de la compétitivité. Les socialistes viennent d’arriver au pouvoir et la fermeture du site d’Aulnay était prévue depuis l’année dernière alors que Sarkozy et Fillon dirigeaient encore le pays.
En fait, c’est le procès de tout notre système, de tous nos dirigeants politiques, de tous nos responsables économiques, de tous nos syndicats, autant dire de la France elle-même qu’il faudrait faire.
Cela fait des décennies que « nous » avons laissé le pays se déindustrialiser (et notre agriculture se désertifier) préférant jouer la facilité de la carte des services, en oubliant qu’il fallait « produire pour vivre ». Par paresse, nous avons baissé les bras en nous racontant que, face à la mondialisation et aux pays émergeants, nous ne pouvions plus avoir de mines de charbon, de hauts fourneaux, d’usines textiles, de fabriques de chaussures et d’industrie en général. En nous résignant devant ce qui n’était qu’un déclin programmé et mortel, nous n’avons rien trouvé d’autre que d’instaurer les 35 heures, la retraite à 60 ans et l’assistanat généralisé. L’agonie sous morphine.
Jamais personne, chez nous, n’a pris la peine de remarquer que l’industrie allemande continuait à caracoler à la tête des exportateurs et que les Allemands ne se contentaient pas d’un bol de riz par jour (ce que ne font d’ailleurs plus les Chinois), qu’ils devaient, comme nous, acheter leur pétrole en dollars et qu’ils étaient, comme nous, soumis aux aléas de l’euro.
Avec notre autosatisfaction habituelle et dramatique nous continuions à croire qu’il nous restait encore quelques domaines dans lesquels notre génie national savait s’imposer. L’automobile faisait partie, pensions-nous, des restes de notre gloire passée. Nous n’avions pas vu, par exemple, que Peugeot qui avait eu le monopole du marché africain –la fameuse « Pigeot-avait été remplacé par Toyota, que les Renault d’Asie avaient été remplacées par des Coréennes et qu’en France même la DS et la 404 avaient été remplacées bien souvent par des Mercedes.
La faute à qui ? A la droite ? A la gauche ? Au patronat ? A la CGT ? A tout le monde. On ne le dira jamais mais l’effondrement de notre industrie automobile n’est pas (seulement) dû à des charges excessives, à un manque de flexibilité ou à des erreurs de stratégie. Les experts nous affirment, depuis ce matin, que PSA a eu tort de ne pas jouer le haut de gamme et n’a pas su s’attaquer aux nouveaux marchés. Mais la 608 visait le haut de gamme et les Chinois n’en ont pas voulu, préférant rouler en Mercedes. Tout est là.
Si nos usines automobiles vont fermer les unes après les autres c’est pour une seule et unique raison. Les voitures françaises ont maintenant, à travers le monde, la réputation d’être de la camelote. C’est sans doute un peu injuste mais il est vrai qu’elles ne tiennent guère la comparaison, pour la qualité, avec les voitures allemandes et, pour le prix, avec les voitures asiatiques, japonaises ou maintenant coréennes. Nous avons perdu depuis longtemps l’audace qui nous avait fait créer la 2CV, la 4CV, la DS et le sérieux qui avait su imposer la 403.
Et puis, pourquoi ne pas le dire, les marques françaises souffrent de la mauvaise réputation d’un pays qui « ne fout plus rien » et part en vacances quand il n’est pas en grève. On ne nous accorde plus de prestige que pour la haute-couture, les parfums et les bons vins. Ce n’est pas cela qui nous fera vivre.
On se demande ce qu’Arnaud Montebourg, ministre du « redressement productif », va bien pouvoir faire. Interdire les licenciements comme le réclament certains ne serait une bonne idée qu’à la condition de pouvoir contraindre les Français et plus encore les habitants de la planète à acheter des produits français. Ce sera difficile à imposer.
On nous parle de recherche et d’innovation. Encore faudrait-il que nos chercheurs trouvent et la première des innovations serait sûrement d’en revenir à fabriquer des produits de qualité, c’est-à-dire compétitifs. François Hollande nous a promis « le changement ». Mais c’est une révolution qu’il faudrait faire. Celle des esprits.

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