Hollande veut-il se défausser sur des lampistes?
Mis à part quelques professionnels du genre, les « gens de droite » n’osent pas encore tirer à boulets rouges sur ce gouvernement de gauche qui commence à s’installer. Le bilan des dix dernières années est trop mauvais pour qu’ils puissent déjà ironiser sur les rodomontades de François Hollande et de ses amis. Chacun espérant, bien sûr, pour le pays que les choses finiront par s’arranger, on veut laisser leur chance à ces nouveaux venus, même si on ne croit guère en leurs promesses.
Pour l’instant, Hollande et Ayrault se sont contentés d’amuser la galerie avec quelques broutilles, l’augmentation de l’allocation scolaire de rentrée, celle du SMIC (2%, en fait 0,6%), le blocage des loyers, la limitation de l’augmentation du prix du gaz. Ils ont aussi réaffirmé plusieurs promesses de la campagne, le mariage des homosexuels, le vote des étrangers, la modification des rythmes scolaires et, plus sérieusement, l’embauche de 60.000 nouveaux fonctionnaires dans l’Education Nationale et la mise en place des contrats de génération auxquels personne ne comprend rien.
On ne voit pas encore comment la nouvelle équipe compte vraiment s’attaquer aux deux problèmes-clés du pays : le chômage qui ne fait qu’augmenter et la dette qui, elle aussi, ne fait que s’aggraver. Matraquer les riches et les grandes entreprises ne facilitera pas la croissance qui, seule, peut permettre de créer des emplois et de combler les déficits.
On a envie de rappeler à ces débutants les deux fameuses phrases de Pompidou : « Trop d’impôts tue l’impôt » et « Le problème du partage serait grandement facilité si on avait davantage à partager ».
En fait, la véritable innovation de ce nouveau régime semble bien être la méthode. Le président de la République recherche le consensus. Il va donc organiser des conférences, des tables rondes, des colloques, des symposiums, des débats au cours desquels, autour de ministres tout sourire, les syndicats, le patronat, les représentants des forces vives, les acteurs de la société, les associations de ceci et de cela débattront de tous les problèmes que l’Etat et tous les gouvernements successifs ont été totalement incapables de résoudre.
Dans un premier temps, c’est politiquement assez malin. En ressortant l’idée chère à Ségolène Royal de la politique « participative », le gouvernement se veut plus démocrate que les Helvètes eux-mêmes et refile le bébé aux éternels râleurs en leur demandant de se dépatouiller eux-mêmes. En clair, le gouvernement se défausse et personne ne pourra lui reprocher d’avoir ainsi donné la parole « au peuple ».
François Hollande voudrait même que ce principe de la palabre généralisée et préalable à toute décision importante soit inscrit dans la Constitution. Il oublie que notre texte fondateur affirme déjà que le pouvoir « appartient au peuple et à ses représentants ». Donner aux syndicats qui ne représentent que 7% des salariés français (et encore pratiquement uniquement des fonctionnaires) une telle importance est évidemment une avancée considérable dans la course à la démagogie.
Mais si la démagogie est, bien sûr, payante, un temps, sur le plan électoral, elle a son revers.
Tout le monde se réjouit aujourd’hui de la « Conférence sociale » qui se tient depuis hier au Conseil économique, social et même environnemental. De Laurence Parisot à Bernard Thibault, en passant par François Chérèque et Jean-Claude Mailly, c’est « Embrassons-nous, Folleville ». Mais qui peut croire un seul instant que la patronne des patrons et les représentants de la CGT, de la CFDT et de FO pourront se mettre d’accord sur un seul des sujets brûlants à aborder ?
Elle refuse toute augmentation des impôts, ils ne veulent pas entendre parler d’une baisse des dépenses, elle veut retarder davantage encore l’âge de la retraite, ils veulent la ramener pour tous à 60 ans, elle veut de la « flexibilité » pour les entreprises, ils veulent l’interdiction des licenciements, etc.
Chacun est d’ailleurs dans son rôle et leur rôle n’est pas d’être affectueux avec les uns ou les autres mais de défendre, bec et ongle, les intérêts de leurs mandants, pour ne pas dire de leur « classe ». A moins que l’un des deux ne trahisse sa cause et les siens, jamais Laurence Parisot et Bernard Thibault ne pourront se mettre d’accord sur quoi que ce soit, même pour faire plaisir au gentil Hollande, au sérieux Ayrault, à l’aimable Sapin ou à Montebourg-le-charmeur.
Hollande se donne un an pour tirer toutes les conclusions de ces discussions. C’est doublement absurde. D’abord, parce que, sauf s’il n’est vraiment qu’un capitaine de pédalo, il sait parfaitement que ces tables rondes ne feront que tourner… en rond jusqu’au clash final inévitable. Ensuite, parce que la situation du pays ne permet pas de donner ainsi « du temps au temps » alors qu’on annonce partout de nouvelles fermetures d’usines et de nombreux plans de licenciements.
Le temps n’est pas aux palabres inutiles. Un président qui a tous les pouvoirs ne peut pas éternellement se défausser sur les lampistes et doit prendre ses décisions lui-même, même si elles risquent de décevoir ses électeurs en leur ouvrant les yeux sur les réalités.
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10 Juil 2012 13:25 1. bentolila
C’est bientôt le 14 juillet. Le marché n’a pas attendu pour le feu d’artifice….
10 Juil 2012 14:46 2. yanamar
C’est vrai, les « je », les « y’a qu’à », les « je vais vous le dire » du grand démagogue (minuscule par la taille et le compétence) ça nous manque….surtout pour nous avoir planté 600 milliards de dettes en même pas cinq ans, même ça Hollande, même pas cap d’en faire autant. Tant que les pouvoirs s’adresseront aux contribuables pour rembourser leurs conneries…ça ne finira jamais et en plus on voudrait qu’Hollande règle le problème en trois mois, allons allons !!
10 Juil 2012 15:07 3. Jean Louis
A retenir votre identification pertinente du « principe de la palabre généralisée ». Nous sommes toujours dans la même veine. Et j’ajouterais, peu importe que le verbiage soit compréhensible. Parlez vous le sabir moscovicien ? Lu hier dans Les Echos “ … dans le cadre de la conférence qui se tient lundi et mardi, la question de la compétitivité sera soulevée. L’ensemble des paramètres sera examiné. Si des mesures consensuelles sont possibles, elles seront envisagées …”.
Ne me dites pas que ce discours entrainant ne répond pas à l’urgence de réindustrialiser notre pays !
10 Juil 2012 15:13 4. Aristidelancien
Si Hollande tenaît sa promesse d’inscrire le dialogue social dans la Constitution, on irait vers le régime des Soviets et donc du parti unique comme l’URSS en 1917 et dans la constitution de 1923 !
10 Juil 2012 15:20 5. Jean Louis
Et j’ajoute la nouvelle du jour : la piste de l’augmentation de la CSG. Un lien vers le très dévoué quotidien du soir http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/07/09/cout-du-travail-csg-contre-tva-sociale-quelles-differences_1730899_823448.html
Les mêmes ont violemment rejeté le système de cette très mal nommée TVA sociale, et je me souviens d’avoir entendu couiner mme Guigou (débat contre Woerth) sur l’horrible injustice d’une TVA appliquée à tous donc injuste (question quasi philosophique et sans fin). Mais une sacrée contorsion tarabiscotée pour essayer de nous démontrer que la CSG est beaucoup plus égalitaire, et que donc il ne faut pas se géner. Si les socialistes le disent c’est forcément vrai …
11 Juil 2012 8:03 6. infraniouzes
Ces réunions, tables rondes et autres conférences, n’ont qu’un seul but; tenir pendant 5 ans et faire croire qu’on travaille dur alors qu’en réalité on se vautre dans les allées dorées du pouvoir et qu’on se goberge à qui mieux – mieux.
Dans 5 ans, il sera alors temps de sortir le catalogue des promesses intenables, le florilège des bons mots de campagne, la litanie des « cépamoicélautre ».
Tout la question est; ça va nous coûter combien ?
11 Juil 2012 9:23 7. Jean Louis
Et donc restons un moment sur la principale nouvelle ce matin, à l’issue de cette réunion, la tentative de transfert des charges sociales du travail vers un autre impôt du nom de CSG. Il va être très important de décortiquer les flux financiers autour de cette décision, en évacuant de toute urgence toute la logorrhée politicarde destinée à rendre la mesure incompréhensible ; en clair la novlangue Ayrault, Moscovici, Cahuzac, Sapin. Je retiens deux sources pour l’instant et dans l’immédiat : une émission radio BFM business « les experts », et le blog de Françoise Fressoz dans le Monde hier soir. Les premiers attirent l’attention sur les doutes de la baisse du coût du travail, seul sujet obsessionnel des entreprises, la seconde nous pond un papier merveilleux où l’on se frotte les yeux : « une réforme structurelle … dont l’objectif, consensuel, est d’améliorer la compétitivité du pays … c’est la première fois en France que les partenaires sociaux, à l’issue d’un sommet social, reconnaissent qu’il y a un problème de coût du travail … »
Vous avez bien lu. Et elle conclut que Hollande ayant éludé la question pendant la campagne , ce non-dit fragilise d’emblée la réforme, qu’elle nomme « la CSG , l’impôt caché de François Hollande ».
Après quelques contorsions on cherche le but : il s’agit de trouver de l’argent en élargissant l’assiette sans beaucoup de considération pour la compétitivité. Comment ont-ils osé pousser des cris de putois quand il s’est agi de faire des transferts de TVA, mécanisme autrement plus astucieux que la hache qui vient de tomber. Ah ! c’est vrai TVA injuste car elle touche indistinctement tous les consommateurs, doxa socialiste. Alors qu’ici le salaire net va baisser, et emplafonner l’épargne des retraités. Sacré Solférino !
11 Juil 2012 11:43 8. Aristidelancien
Mitterrand: « il faut donner du temps au temps »
Hollande: « il faut donner du temps à ceux qui n’ont rien à proposer »
11 Juil 2012 12:28 9. Jean Louis
@Aristidelancien
Gagné ! vous avez été entendu: le Canard Enchainé de ce matin persiffle dans son style sur « le dialogue social dans la Constitution ». Un croquis de moi-président drapé dans une toge de magistrat romain, portant la Table de la Loi, et la légende « … et l’année prochaine j’y inscris l’extinction du paupérisme … ». Elu le 6 Mai, moins de dix semaines plus tard, plus personne n’est dupe.
11 Juil 2012 13:16 10. bentolila
L’Euro aurait bien besoin d’un coup d’EPO….
nous sommes un jour bénie de la Saint BENOIT
11 Juil 2012 17:24 11. Alain
La question fondamentale reste : le gouvernement a-t-il le pouvoir de nous sortir de là ? Autrement dit : les élections servent-elles à quelque chose ? Et donc les députés, les sénateurs et le gouvernement, etc… ?
Questions redoutables qui mettent en jeu la démocratie, dont on a vraiment le sentiment qu’elle est devenue un rite sans valeur et sans portée.
11 Juil 2012 19:20 12. Flyin'Dutch
Pour ceux qui ne savent pas encore, l’alternance UMPS ne sert qu’à gagner du temps.
12 Juil 2012 17:34 13. sdz
Curieux comme ces deux problèmes-clé que vous mentionnez ont été abordés frontalement par l’IRC, depuis des années… La représentativité des « élites » est aujourd’hui plus que faible!
Hors souveraineté monétaire, hors quotas d’importation, point de salut.
13 Juil 2012 17:20 14. NINI 86
Dépenses publiques:je constate avec regret que notre nouveau gouvernement semble rechercher la réduction du déficit par l’augmentation des impôts, en oubliant le volet »réduction des dépenses publiques »On peut exprimer un certain mécontentement lorsque l’on entend que cette année on veut seulement geler ces fameuses dépenses publiques!Pourtant, il y a beaucoup à faire sur ce volet.Il ne serait pas normal que l’on réduise pas les dépenses de fonctionnement de toutes les institutions,( ministères, parlement, collectivités,organismes publics et parapublics), financement des partis,des campagnes électorales,etc..Pour beaucoup d’organismes,devenus inutiles au fil du temps,il serait temps tout simplement les supprimer.Bien sûr, la tâche sera difficile car ces « fromages » de la République sont des …réserves pour VIP de tous bords,mais puisque le président et le gouvernement veulent marquer leur mandature par le rétablissement d’une justice pour tous,il faudra que cette belle ambition se concrétise par des mesures allant dans ce sens.Trop souvent,j’entends dire que les sacrifices devront être équitablement répartis, alors j’attends que cela ne se réduise pas seulement aux contribuables.