Non, ils ne sont pas morts pour la France
La cérémonie était particulièrement émouvante mais il y avait quelque chose d’atroce dans l’hommage rendu, ce matin, dans la cour des Invalides, aux quatre soldats morts ce week-end en Afghanistan.
Non, contrairement à ce qu’a affirmé François Hollande –mais il pouvait difficilement dire autre chose- ces quatre malheureux qui s’ajoutent à 83 soldats français déjà morts là-bas, ne sont pas morts pour la France. Ils sont morts parce que nos responsables politiques, de droite comme de gauche (Jospin était le Premier ministre de Chirac en 2001) les ont lancés dans une guerre perdue d’avance.
A l’origine, il s’agissait de venger, aux côtés des Américains, les attentats du 11 septembre. Rapidement, la coalition a chassé les Talibans, meilleurs alliés des terroristes islamistes, de Kaboul. Il a fallu des années pour qu’un commando américain abatte Ben Laden. Mais, entretemps, nous avions changé d’objectif. Nous n’étions plus dans les montagnes afghanes pour faire la chasse aux terroristes qui nous menaçaient mais pour apporter à ces tribus moyenâgeuses la démocratie, la liberté d’expression, le progrès. De quoi nous mêlions-nous ?
Avec nos bombardements aériens, nos opérations de blindés, nos coups de poing de commandos, nous voulions qu’ils ne voilent plus leurs femmes (comme elles le sont depuis la nuit des temps), qu’ils envoient leurs fillettes à l’école, qu’ils renoncent à la Charia, qu’ils abandonnent la culture du pavot, qu’ils oublient leurs querelles tribales, qu’ils se mettent à voter… Bref, que, dans leurs vallées perdues au bout du monde et au fond des âges, ils se mettent à vivre comme à Romorantin.
Nous disions que nous voulions les « libérer » mais il ne s’agissait que d’une occupation, dans la plus pure tradition des expéditions coloniales d’antan. Comme au XIXème siècle, nous voulions leur apporter notre civilisation ! Sans nous rendre compte qu’ils n’en veulent pas et qu’ils la détestent.
Pendant onze ans, personne, ni à droite ni à gauche, n’a osé dire que nous n’avions strictement rien à faire là-bas si ce n’est envoyer nos hommes se faire tirer comme des lapins.
Depuis quelque temps, on nous dit qu’au lieu de faire la guerre nous allons participer financièrement et très largement au développement économique de l’Afghanistan. Quand on sait qu’il y a huit millions de Français qui vivent sous la ligne de pauvreté, on peut se demander s’il est vraiment opportun d’envoyer là-bas quelques milliards qui seront aussitôt détournés par des chefs de guerre-rois de la drogue.
Certains affirment qu’il fallait, pour son prestige de grande nation, que la France soit présente, aux côtés de ses alliés, sur ce champ de bataille. L’argument est absurde. D’abord, nous n’avons que 3.500 hommes alors que les Etats-Unis en ont plus de 120.000, ce qui nous rabaisse au niveau de modestes supplétifs. Ensuite, nous n’avons pas participé à la guerre d’Irak et notre prestige de grande nation en a été considérablement grandi dans le monde musulman et ailleurs. Enfin, prendre part, même comme supplétifs, à une guerre perdue d’avance n’a jamais renforcé le prestige d’une nation. Aux yeux des pays musulmans et sans doute de beaucoup de pays du Tiers-monde, l’Occident vient encore de perdre une guerre.
Tous les membres de la coalition reconnaissent, d’ailleurs, leur défaite puisque tous ont décidé de plier bagages, pour ne pas dire de détaler. Hollande a eu la sagesse et l’habileté d’annoncer un départ anticipé des troupes françaises pour marquer notre souveraineté, tout en sortant au plus tôt de ce bourbier.
Ce matin, il affirmait, une nouvelle fois, que les Afghans étaient désormais capables d’assumer leur propre protection. Il n’en croit, bien sûr, pas un mot et sait, comme tout le monde, que ce malheureux pays va plonger davantage encore dans le chaos et que les Talibans auxquels notre présence à redonner toute leur « légitimité » vont très rapidement reprendre le pouvoir. Mais la raison pousse dire que c’est là leur problème.
En rendant hommage à nos quatre soldats, en présence de Sarkozy, Jospin, Villepin et Fillon notamment, Hollande (qui pendant onze ans n’a jamais désavoué cette guerre en Afghanistan) ne faisait qu’assumer l’héritage d’une politique absurde dans laquelle s’étaient fourvoyés tous ses prédécesseurs, de l’UMP comme du PS.
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14 Juin 2012 14:37 1. Flyin'Dutch
C’est une preuve supplémentaire que UMP-PS, c’est bonnet blanc, blanc bonnet. Et pendant ce temps-là, des soldats meurent pour enrichir Halliburton et consorts.
14 Juin 2012 20:30 2. NINI 86
Retrait – Le président Hollande ne fait pas mieux que son prédécesseur.Il avait dit que les troupes d’afghanistan seraient de retour en France fin 2012.
En réalité , ce n’est que le contingent directement combattant qui va être rapatrié au plus tard en fin d’année.
Pourquoi ne pas faire revenir tous les militaires, car il y aura encore des morts.Cette guerre a été un véritable gouffre, sans vrai résultat, avec 83 morts côté français.
15 Juin 2012 13:26 3. bentolila
Entre les matchs de football et les législatives, les résultats vont pleuvoir ce week-end accompagnés de joie ou de larmes, un weekend royal en perspective…
15 Juin 2012 14:37 4. Manureva
Bravo, rien à ajouter, j’aurai écrit la même chose en bien moins bien…
15 Juin 2012 17:10 5. Jean Louis
Lors de la mort du lieutenant Gauvin, major de sa promo à Coët, et de ses cinq camarades le 13 Juillet 2011, j’avais écrit une lettre ouverte à Fillon, que j’ai fait circuler dans nos cercles. Je commençais par « Non Monsieur le Premier Ministre, nos camarades ne sont pas tombés pour la France ». J’ai déjà écrit sur ce blog ce que fut l’action des Services Spéciaux français en Afghanistan depuis l’invasion soviétique en 1979, jusqu’à ce que nos forces soient transformées en supplétives de la bannière étoilée.
Rien à ajouter à votre beau texte. La justice voudrait que la communauté internationale (quelle trouvaille …) fasse le bilan des « bavures » des bombardements et des tirs aveugles des boys du Texas ? Ce que l’on appelle aussi des crimes de guerre. Voir aussi le billet cruel de Patrick Besson dans le Point en vente hier ; lien http://www.lepoint.fr/editos-du-point/patrick-besson/pourquoi-la-france-doit-intervenir-militairement-en-syrie-14-06-2012-1473270_71.php
16 Juin 2012 8:27 6. yanamar
Non, au départ, après le 11 septembre 2001 c’était normal que la France envoie des troupes en renfort des américains qui ont payé chez avec cet attentat. Cela dit, le petit Bush s’en est allé faire une guerre contestable en Irak avec des arguments faux et la complicité Bush-CIA, donc une grosse partie des troupes américaines située en Afghanistan est partie pour l’Irak.
Dès 2007 Sarkozy aurait du rapatrier nos troupes comme avait commencé à la faire Dominique de Villepin.