Rassurant, incohérent et habile
Ce premier gouvernement du quinquennat de François Hollande est à la fois rassurant, incohérent et habile.
D’abord rassurant. On nous avait annoncé Martine Aubry. Elle n’est pas là. Certains nous disent que la haine personnelle qui oppose, depuis des années, la fille de Jacques Delors et Hollande, l’un des fils spirituels du même Delors, laissait prévoir cette élimination de la Première secrétaire du PS. Mais, en fait, cela dépasse de beaucoup ces querelles familiales. En préférant le « gentil » Jean-Marc Ayrault à la « redoutable » Dame des 35 heures, Hollande entend bien affirmer qu’il n’a pas l’intention de faire la révolution. Du coup, Martine Aubry a estimé que, dans cette « configuration » (c’est son mot), elle n’avait plus sa place et elle a refusé tous les lots de consolation qu’on lui offrait au gouvernement. Elle ne se présentera même pas lors des législatives pour ne pas avoir à mener campagne en faveur d’un gouvernement –et d’une politique- qu’elle désapprouve et qui visiblement lui soulève le coeur. Elle va aller bouder dans sa mairie de Lille. Mais on peut lui faire confiance pour devenir une farouche « ennemie de l’intérieur » qui ne ménagera pas la dérive centriste dont elle accuse déjà Hollande.
Ne pensant actuellement qu’à gagner les législatives pour avoir une large majorité à l’Assemblée, Hollande a, bien sûr, eu raison d’écarter son « aile dure ». Il préfère séduire les amis de Bayrou plutôt que ceux de Mélenchon.
Mais ce nouveau gouvernement apparait aussi, à bien des égards, comme incohérent.
Aux Affaires Etrangères, Laurent Fabius, un des ténors du « non » lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne. A l’Economie et aux Finances, Pierre Moscovici, un spécialiste… des affaires européennes. Au Travail, Michel Sapin, un… économiste. A l’Industrie, rebaptisée en « Redressement productif », Arnaud Montebourg, l’homme de… la « déglobalisation ». A l’Ecologie, Nicole Bricq, une virtuose des… finances publiques, alors que l’écologiste de service, Cécile Duflot, se retrouve à… l’Egalité des territoires, nouveau ministère dont on se demande à quoi il va bien pouvoir servir si ce n’est à caser ainsi « la verte ».
Cela dit, la nomination la plus surprenante c’est, bien sûr, celle de Christiane Taubira à la Justice. On dira que la Guyanaise, ancienne candidate à l’Elysée qui, avec 600.000 voix, avait (avec Chevènement) fait éliminer Jospin en 2002, incarne à la fois la parité et la diversité, deux « qualités » désormais bien utiles pour assumer les plus hautes fonctions de la République. Mais Christiane Taubira n’est pas seulement une femme de couleur, c’est une redoutable pétroleuse, adepte de la repentance dès qu’il s’agit de l’Histoire de France qu’elle limite généralement au drame de l’esclavage et qui flirte bien souvent avec un racisme anti-blanc. Les magistrats n’ont décidément pas de chance. Nicolas Sarkozy avait déjà, en 2007, nommé place Vendôme, une femme issue de l’immigration, Rachida Dati. Cela n’avait pas été un succès. On attend avec impatience les premières maladresses de ce nouveau et surprenant Garde des Sceaux.
Incohérent ce nouveau gouvernement mais finalement bien habile. François Hollande est, sans doute, « normal » mais il est surtout roublard.
En mettant Fabius, l’homme du « non » de 2005, au Quai d’Orsay, il fait comprendre à l’Europe que la France n’a pas l’intention de dire « oui » à tous les diktats de Bruxelles et surtout de Berlin. En mettant un spécialiste des Affaires européennes, Moscovici, à l’Economie, il rappelle que désormais notre économie et nos finances dépendent de l’Europe. En mettant Sapin, l’économiste, au Travail, il fait savoir aux syndicats que tout dépendra des équilibres budgétaires. En mettant Montebourg, le chantre de la démondialisation, au Redressement productif, il annonce clairement que la France pourrait bien plus ou moins fermer ses frontières. En ne donnant pas l’Ecologie à Duflot et en la reléguant dans un ministère bidon, il remet à leur place les écologistes qui s’imaginaient que les 2,31% obtenus par Eva Joly allaient leur permettre de s’imposer.
Pour le reste, on veut croire que Peillon, à l’Education, Marisol Touraine, aux Affaires sociales, Valls, à l’Intérieur, Le Drian, à la Défense, et même la bien jeune Aurélie Fillipetti, à la Culture, ont eu assez de temps, pendant leurs longues années d’opposition, pour étudier leurs dossiers et pourront se mettre vite au travail.
Tous semblent avoir mis beaucoup d’eau dans leur vin rouge. 2012 n’a rien à voir avec 1981. Tout cela a même un petit côté SFIO d’antan. Martine Aubry éliminée, on se retrouve presque avec Guy Mollet ! C’est à la fois rassurant et bien inquiétant…
17 Mai 2012 11:39 1. Flyin'Dutch
C’est juste un pré-gouvernement, un amuse-gueule en attendant celui d’après les législatives.
17 Mai 2012 15:09 2. Aristidelancien
« Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille »
Le lien entre tous ces ministres ?
Le sectarisme égalitaire
17 Mai 2012 17:40 3. Patrick-Louis Vincent
« Hollande entend bien affirmer qu’il n’a pas l’intention de faire la révolution »
Je pense exactement l’inverse. Martine Aubry, c’était la référence au passé, à 1981, aux 35h. Hollande a parfaitement compris que l’époque a changé, et que, face au risque systémique, il devra faire oeuvre de créativité, et d’initiative politique. Pour cela, il avait besoin d’un Premier Ministre qui partage les mêmes idées que lui. Personnellement, je m’attends à des initiatives ambitieuses, notamment sur le plan européen (s’il ne le faisait pas, il faillirait). Peut-être en allant vers davantage de fédéralisme dans l’UE. Ce qui constituerait une petite révolution puisque ces prédécesseurs y étaient opposés.
La nomination de Fabius au ministère des Affaires Etrangères n’est pas incohérente. Fabius est un ancien Premier Ministre ; c’est l’homme d’expérience dont a besoin Hollande qui n’en n’a guère. Fabius a combattu la Constitution Européenne, parce qu’il ne la trouvait pas démocratique, ce en quoi il avait parfaitement raison. Mais Fabius est un Européen convaincu et un fédéraliste. Il sera très utile à Hollande si celui-ci veut prendre des initiatives en ce sens.
La nomination de Moscovici à l’Economie et aux Finances n’a rien non plus d’incohérent puisque cet homme a un DEA d’économie.
En revanche, la nomination de Taubira à la Justice est une erreur. Je crains les débordements de langage de cette femme qui n’aime pas la France. La justice devrait aller à sens unique. Taubira sera un danger pour la paix civile. Cette erreur de casting pourrait bien devenir une faute.
Quant aux ministères « bidons », j’en vois au moins trois. Celui de l’Egalité Territoriale, Thierry en a parlé. Autrefois il existait un ministère dit de l’Aménagement du Territoire, qui avait un sens. Olivier Guichard fut son meilleur serviteur. Ce ministère avait pour fonction d’équiper les provinces d’infrastructures (routes, autoroutes, aeroports)afin de les rapprocher économiquement. Mais passer de l’aménagement à l’égalité des territoires, qu’est-ce que cela veut dire ? Comment faire de la Creuze l’égal des Hauts de Seine ? Les transferts d’impôts existent déjà. A moins que, comme Alphonse Allais, veuille-t-elle mettre Paris à la campagne.
Le ministère de l’économie sociale et solidaire, donné à Benoît Hamon, un soutien de Martine Aubry. Il fallait bien le mettre quelque part, celui-là, pour respecter le quota des courants. Etant à la gauche du parti socialiste, attendons-nous à une floraison de coopératives comme au bon vieux temps de l’auto-gestion. A mon avis, ce ministère n’est pas fait pour durer.
Le troisième ministère bidon est celui de la Réussite Educative. Il fallait y penser. Nous avons déjà un ministère de l’Education, un autre de la Culture et un de la Jeunesse. Trois ministères qui doivent, en principe, contribuer à la réussite éducative de nos chères têtes blondes ou brunes. Et bien, ça ne suffit pas ! Il faut un ministère de la réussite, laissant entendre que les autres, jusqu’à présent, n’étaient que des ministères de l’échec éducatif (ce qui est vrai, au demeurant). L’on a mis à ce poste une Guadeloupéenne qui a déjà cette fonction à la mairie de Paris. Voici ce que dit la mairie de Paris de cette fonction :
– impulser et coordonner les parcours réussite éducative
– accompagner les acteurs de la réussite éducative
– développer le partenariat, la mise en réseau et l’implication des partenaires
– évaluer les parcours et participer à l’évaluation des ressources et du dispositif de la réussite éducative.
Ouf ! Vous avez compris ? Tant mieux. Moi pas. Impulser, coordonner, accompagner, évaluer…tout cela ne relève-t-il pas de la fonction des académies, pilotées par le ministère de l’Education Nationale ? Avait-on besoin d’un ministère avec ses fonctionnaires et un budget pour les payer ?
17 Mai 2012 19:57 4. zapt
« Nicolas Sarkozy avait déjà, en 2007, nommé place Vendôme, une femme issue de l’immigration, Rachida Dati. »
Sous-entendre que Taubira est « issue de l’immigration »…