Il y a onze ans, nous intervenions, à la demande et sous les ordres des Etats-Unis, avec nos Alliés, en Afghanistan pour venger les attentats du 11 septembre.
Rapidement, nous avons chassé les Talibans, soutien indiscutable d’Al Qaïda, du pouvoir à Kaboul mais il a fallu des années pour qu’un commando américain abattent Ben Laden dans sa cachette. Depuis, les 130.000 hommes de l’Alliance (dont 3.600 Français) pourchassent dans les vallées afghanes les « terroristes » avec l’ambition d’instaurer une démocratie respectueuse de nos valeurs dans ce pays totalement arriéré.
Si la mort de Ben Laden semble, pour l’instant, avoir porté un coup très dur au terrorisme islamiste (mis à part dans le Sahel où l’AQMI, filiale d’Al Qaïda, contrôle des immensités désertiques et prend des Occidentaux en otages), nous avons, de toute évidence, perdu la guerre que nous menons à travers l’Afghanistan contre les fanatiques islamistes.
Notre présence, en tant qu’étrangers et infidèles, a réussi, en provoquant un réflexe nationaliste, à unifier, contre nous, toutes les tribus, toutes les ethnies, toutes les vallées de ce pays féodal où les chefs de guerre se sont toujours entre-déchirés en permanence jusqu’au jour où des étrangers ont voulu mettre les pieds dans le pays, les Anglais au XIXème siècle, les Soviétiques à la fin du XXème, ce qui a, à chaque fois, provoqué l’union sacrée de tous ces peuples, si différents les uns des autres mais qui naissent, tous, une arme à la main.
Nous prétendions être des « libérateurs », en fait, nous n’étions que des « envahisseurs » et nous ne menions rien d’autre qu’une guerre coloniale en tentant d’imposer notre démocratie à l’occidentale à des tribus qui ont toujours voulu, et bien avant le triomphe des Talibans, que la Charia soit strictement appliquée, que leurs femmes soient voilées et qu’ils puissent cultiver le pavot comme ils l’entendaient.
Cette guerre était perdue d’avance et notre soutien au régime fantoche et corrompu jusqu’à la moelle d’Amin Karzaï était évidemment absurde.
Le problème des « bourbiers » est de savoir comment en sortir plus ou moins la tête haute. Washington, Paris et les autres ont repris les mensonges habituels : « Nous avons rempli notre mission… la plupart des régions sont maintenant sécurisées… nous pouvons désormais confier le pays aux troupes afghanes que nous avons formées et que nous allons continuer à aider, etc… »
Personne, bien sûr, n’en croit un traitre mot. Dans tous les états-majors, on sait parfaitement que, dès le lendemain du départ des Alliés, les Talibans et tous ceux qui les ont rejoints au cours de ces dernières années liquideront Karzaï et sa petite clique, s’installeront à Kaboul et réinstaureront, sans doute au milieu de la liesse populaire, une dictature islamiste.
L’Iran et maintenant la Tunisie, la Libye et même l’Egypte devraient faire comprendre à l’Occident qu’il y a, de par le monde, des pays où les peuples n’aspirent par forcément à vivre à l’occidentale, à respecter ce que nous appelons les Droits de l’Homme, la parité homme-femme, l’égalité des chances, la liberté individuelle, la démocratie.
François Hollande est aujourd’hui en Afghanistan pour expliquer à nos soldats les raisons de notre retrait. Au-delà des paroles convenues (« Vous avez fait un travail considérable, tout à l’honneur de la France, ce travail est maintenant terminé, vos 83 camarades qui sont morts dans cette mission ne sont pas mort pour rien », etc.) on comprenait bien que le nouveau président se demandait encore ce que nous étions venus faire dans cette galère.
Certains reprochent à Hollande de se désolidariser de nos Alliés en anticipant notre départ d’une année. Mais il s’y était engagé tout au cours de sa campagne et cela fait partie de ce qu’il appelle la « souveraineté » de la France. On peut en discuter.
Ce « capitaine de pédalo », selon l’un, ce « naze » selon l’autre, ce bon petit gros qui veut être un président « normal » au point de prendre le train pour aller à un sommet européen (ce qui n’est pas tout à fait « normal ») sait parfaitement qu’il ne pourra pas respecter tous les engagements qu’il a pris devant les Français. Alors, il sort une carte un peu désuète et surtout inattendue de la part d’un président de gauche : la souveraineté nationale. C’est, évidemment, en période électorale, une arme efficace contre la droite et contre l’extrême-droite qu’il prend ainsi par surprise et à contre-pied.
Hollande veut rompre avec son prédécesseur et n’être à la traine ni de Washington, dans cette affaire afghane, ni de Berlin, dans la gestion de la crise européenne. Il « trahit », comme d’autres l’ont déjà fait, la solidarité des Alliés dans la lutte contre les Talibans, il veut renégocier les textes imposés par Angela Merkel sur l’austérité.
En se désolidarisant (un peu) de Washington, il surprend agréablement un certain nombre de pays du Tiers-monde, en défiant Berlin, il devient l’avocat, c’est-à-dire le chef de file des pays européens du Sud.
Mais a-t-il les moyens de s’offrir ce luxe qu’est la souveraineté ?

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