Angela Merkel vient de le répéter, elle ne veut pas d’« une croissance à crédit ». Autant dire qu’elle dit déjà « non », et avec une pointe de mépris, au nouveau président français avant même qu’il ne soit investi. Forte et fière des succès économiques de son pays, elle en a assez de faire payer par l’Allemagne le laxisme des pays « Club Med », des cigales du Sud qui ont dépensé sans compter et jusqu’à la faillite. La « Prussienne » veut mettre tout le monde au régime sec. Austérité, austérité. Et tant pis si les Grecs ne sont pas contents. Après avoir chanté pendant tant d’années au son de leurs bouzoukis, ils n’ont plus qu’à danser le sirtaki.
François Hollande pense, lui, que l’austérité à haute dose tue tout espoir de croissance et que sans un minimum de croissance c’est la mort programmée pour tout le monde. Il a sans doute raison. Il veut donc renégocier les traités qu’avait, en fait, imposés la chancelière de fer.
Pour l’instant, les dirigeants européens lui donnent tort et, comme Angela Merkel, font mine de croire que les velléités du nouveau président français n’étaient qu’une posture de candidat en campagne et que, maintenant qu’il va devoir se coltiner aux réalités du pouvoir, il va bien être obligé de devenir « raisonnable ».
Or, non seulement Hollande est réellement convaincu qu’il faut remettre la croissance au coeur du dispositif mais, en plus, il joue là toute sa crédibilité.
Pendant des mois, il a reproché à Nicolas Sarkozy d’avoir toujours tout cédé à la chancelière et d’avoir laissé l’Allemagne imposer sa loi à l’Europe toute entière. Il sait aussi qu’on l’a accusé lui-même – à commencer par certains de ses « amis »- de n’avoir aucune autorité et de ne jamais savoir dire « non » à personne.
En refusant de faire entériner les traités d’austérité tant qu’on n’y aura pas ajouté un volet sur la croissance, il prouvera qu’il sait dire « non », qu’il est fidèle à son programme et, en refusant de s’incliner devant les diktats de Berlin, il deviendra brusquement une sorte de héros à travers l’Europe des peuples (du Sud) qui sont au bord de l’insurrection devant les conditions draconiennes qu’on leur impose.
Angela Merkel n’a jamais cédé sur rien. Elle a toujours méprisé Sarkozy qu’elle comparait à Louis de Funès et a toujours ricané des coups de menton et des effets de manche du Français. Va-t-elle comprendre que le nouvel arrivé, tout mollasson qu’on le dit, joue là son quinquennat
puisque, s’il capitule devant l’Allemande dès le début de son mandat, il est mort ?
On dit qu’il est désarmé face à la chancelière, aux réalités et aux exigences de la finance. Ce n’est pas vrai. D’abord, il a la légitimité que vient de lui donner son élection. Ensuite, le drame que vit aujourd’hui la Grèce lui donne raison. Enfin et surtout, la France, aussi méprisée soit-elle par Angela Merkel, est évidemment indispensable à l’Europe. Sans Paris, les 27 n’existent plus.
Si Hollande a le courage d’aller jusqu’au clash, c’est Merkel qui perdra la partie. Il a là une chance de faire ses preuves. En a-t-il l’envergure ?

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