En principe, ça commence toujours très bien. Mis à part Nicolas Sarkozy qui avait débuté son quinquennat en accumulant les gaffes (la soirée au Fouquet’s, la croisière sur le yacht de Bolloré et, plus grave encore, son premier gouvernement d’« ouverture » à gauche, avec Kouchner et consorts) tous nos présidents ont réussi leurs premiers pas ce qui leur a, généralement, donné un état de grâce plus ou moins éphémère dont ils n’ont d’ailleurs pas tous su profiter.
Il faut reconnaitre que le 7ème président de la République a plutôt bien réussi, aujourd’hui, son entrée à l’Elysée. Digne, sombre, chaleureux et souriant même sous les trombes de pluie, son physique rondouillard de sénateur de la 3ème République rappelait davantage Vincent Auriol, voire Georges Pompidou, que François Mitterrand. Après le « petit » Sarkozy tout en nerfs, ce bon gros faisait plaisir à voir. Reste, bien sûr, à savoir s’il a du muscle.
Son premier discours, dans la salle de fêtes de l’Elysée, était, à l’oreille, un vrai plaisir. Nous allions passer, pour la deuxième fois, de la nuit la plus sombre à la lumière la plus éclatante, comme aurait pu dire Jack Lang (qu’on cherchait en vain dans l’assistance). Après un quinquennat d’injustices, de défiance, de combines et d’échecs, nous allions connaitre la justice, la confiance, un Etat impartial et, bien sûr, le succès. Les jeunes, l’éducation, la recherche allaient avoir leur place, la première. La France, terre des Droits de l’Homme et du citoyen, allait retrouver toute sa grandeur et les Français toute leur fierté. Hollande avait l’air de bonne foi et même plein de bonne volonté.
Même si personne ne se fait la moindre illusion, il est encore trop tôt pour lui faire des procès d’intention. Nous avons cinq ans devant nous pour lui tirer dessus à vue. D’ailleurs pourquoi ne pas rêver quelques jours en nous berçant justement d’illusions ?
Hollande a une chance. Il va pouvoir faire systématiquement le contraire de son prédécesseur. Ce sera aussi une chance pour nous. Il ne va pas vouloir tout décider, tout régenter, tout imposer. Il ne va pas ignorer, mépriser les corps intermédiaires. Non seulement ce n’est sans doute pas dans sa nature de normand, ancien apparatchik amateur de concertation et de consensus mais il a vu où l’autoritarisme égocentrique de Sarkozy conduisait. Il va « la jouer simple et modeste », ce sera là le plus grand des changements.
« Naturalisé » corrézien, il est sans doute, au fil des années, devenu, comme l’était devenu Chirac, un héritier d’Henri Queuille, le grand homme du département qui avait l’habitude de dire « Il n’y a pas de problème que l’absence de solution ne finisse par résoudre ». Comme, à Ussel, Chirac avait un peu oublié de Gaulle pour devenir rad.-soc., Hollande, à Tulle, a, peut-être, fini par oublier Jaurès, Blum et Mitterrand pour devenir, lui aussi, rad.-soc.
La nomination prévisible, prévue et consensuelle de Jean-Marc Ayrault à Matignon pourrait presque le confirmer. Ce n’est pas ce maire de Nantes, si propre sur lui, qui va faire la révolution, affoler les marchés ni déchainer les passions. Il est là simplement pour gagner les législatives en rassurant les foules. Ancien professeur d’allemand, il pourra aussi servir de traducteur à Hollande dans ses face-à-face qui s’annoncent houleux avec Angela Merkel.
Le grand moment de la journée n’a été ni la passation des pouvoirs à l’Elysée, ni la remontée des Champs Elysée, ni les hommages à Jules Ferry et à Marie Curie, ni même la larme à l’œil de Delanoë à l’Hôtel de Ville mais bien la rencontre à Berlin avec la Chancelière allemande. Le « gentil garçon » n’était plus seulement au pied du mur, il entrait dans la cage aux lions.
Pour l’Instant, Angela Merkel et François Hollande s’observent. Comme deux fauves avant de s’entredévorer. Mais, en fait, ils ne peuvent que jouer au chat et à la souris. Le tout est de savoir qui sera le chat. Si c’est Hollande la souris –et on le saura très vite- le quinquennat aura rapidement du plomb dans l’aile. Hollande a déclaré cet après-midi que l’Europe et même le monde regardait la France. C’est peut-être vrai. Mais ce sont surtout les Français qui vont regarder leur nouveau président. Or, il leur a tout de même promis beaucoup de choses…

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