Le drame de Toulouse et de Montauban était inespéré pour Nicolas Sarkozy.
Ne pouvant évidemment pas se servir du bilan de son quinquennat pour tenter de se faire réélire, le président sortant avait décidé d’interpréter un « remake » de sa campagne de 2007, en reprenant « les deux mamelles » qui lui avaient porté chance : l’insécurité et l’immigration qu’il liait d’ailleurs l’une à l’autre facilement.
Or, il semblait jouer à contre temps. Les deux sujets n’étaient plus à l’ordre du jour. Pire même, Sarkozy choquait une bonne partie de l’opinion en brandissant les épouvantails de la peur aussi bien celle des loubards que celle de l’étranger.
Claude Guéant, qui avait été chargé de lancer l’offensive, était rapidement devenu la risée si ce n’est la bête noire des Français, en ressortant la panoplie des arguments qui sentaient le réchauffé, le karcher et la racaille, le voile intégral, la polygamie et les prières dans la rue. L’idée d’organiser un référendum pour restreindre les droits des étrangers avait fait un flop. Tout comme la surenchère sur Marine Le Pen à propos de la viande halal.
D’une élection présidentielle à l’autre, les Français avaient changé d’inquiétudes. Non pas qu’ils se soient soudain sentis protégés contre toutes les formes de délinquance (l’insécurité n’avait fait que s’accroitre tout au cours du quinquennat) ni qu’ils se soient mis à apprécier l’absence de toute politique d’immigration (les clandestins n’avaient fait qu’augmenter pendant ces cinq mêmes années) mais le chômage, la précarité et la baisse du pouvoir d’achat, voire même la dette du pays étaient devenus leurs toutes premières préoccupations, leurs seules angoisses. Or, c’était là, bien sûr, des sujets redoutables pour Sarkozy.
Mohamed Merah en assassinant trois parachutistes et trois enfants et un enseignant juifs a peut-être brusquement changé la donne. La menace terroriste, le fanatisme religieux et, par là même, le problème de l’immigration sont soudain réapparus à la une de l’actualité du pays. Et pour certains, Sarkozy avait donc eu raison de vouloir nettoyer au karcher de tous leurs loubards toutes nos banlieues pourries, d’interdire le voile intégral et les prières dans la rue, de s’en être pris à la polygamie et à la viande halal.
Toujours sous le coup de l’émotion parfaitement légitime, personne n’a encore eu l’idée de reprocher au président qui termine son mandat de n’avoir rien fait d’autre, pendant ces cinq ans, que des moulinets et des fanfaronnades aussi bien contre l’insécurité que contre l’immigration.
Mais ayant fait de la lutte contre la délinquance, la criminalité, le terrorisme et les clandestins sa « marque de fabrique », l’ancien « premier flic de France » (qu’il est resté) apparaît comme étant l’homme de la situation alors pourtant que les événements ont révélé ce qui pourrait bien être des failles et des dysfonctionnements, puisque nos services de sécurité ne surveillaient pas de près un type qui avait fait des séjours chez les Talibans afghans et que le RAID n’a pas pu s’emparer de lui vivant.
L’avantage que pourrait retrouver Sarkozy c’est que, sur ce plan là, François Hollande, avec sa réputation de brave type spirituel mais mollasson et d’apparatchik un brin poussiéreux, souffre d’un cruel déficit de crédibilité. Quand la patrie est en danger, il vaut mieux avoir plus ou moins la réputation d’être un fasciste que d’être un curieux mélange de Guy Mollet et de Mitterrand.
Seulement la patrie n’est pas en danger. Elle a été bouleversée par les crimes odieux d’un voyou reconverti, à son compte et en solitaire, en guerrier d’Allah pour se venger d’une société qu’il s’était mis à haïr. Mais, dans un mois, le jour du premier tour de scrutin, les Français auront sans doute déjà oublié ce « fait divers » aussi hors du commun soit-il.
Cela dit, il est évident que d’ici là, Sarkozy va tenter de s’affubler de la tenue du chef d’Etat, presque chef de guerre, capable de protéger la France et les Français de tous les dangers. Hollande pourra-t-il faire face ?
Bernadette Chirac qui a toujours été une artiste du coup de pied de l’âne vient d’affirmer que le candidat socialiste n’avait pas « le gabarit d’un chef d’Etat », reprenant pratiquement les aimables propos de Martine Aubry. Toute la question est là : qui a « le gabarit » ?
C’est la première fois qu’on emploie ce mot-là. C’est d’autant plus intéressant que, jusqu’à présent, bien des électeurs pensaient que c’était Sarkozy qui avait prouvé qu’il n’avait pas « le gabarit ».
Mohamed Merah aurait-il donné à Sarkozy « le gabarit » nécessaire ?

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