Selon « Le Monde Magazine » de cette semaine, Nicolas Sarkozy est convaincu qu’il va gagner cette élection présidentielle… « parce que Hollande est nul ».
A Nice, entre deux discours de campagne, le président-candidat a déclaré textuellement à Philippe Ridet, le journaliste du Monde : « Je vais gagner et je vais même te dire pourquoi. Il n’est pas bon et ça commence à se voir. Hollande est nul. Il est nul, tu comprends ? Royal, on peut en dire ce qu’on veut, mais elle avait du charisme ». Et Sarkozy d’ajouter : « Bien sûr, tu gardes ça pour tout » espérant évidemment que sa petite phrase venimeuse serait répétée au plus tôt..
On peut imaginer que Hollande pense, lui aussi, qu’il va l’emporter et, lui aussi, parce que Sarkozy est nul ou du moins parce qu’il a été nul tout au cours de son quinquennat et qu’il est donc « plombé » selon le mot qu’on lui prête.
Or, s’il est toujours bon de croire qu’on va gagner, il est généralement dangereux de sous-estimer son adversaire. En l’occurrence, ici, l’un des deux, au moins, fait inévitablement une grave erreur. L’un des deux est forcément plus nul que l’autre.
En fait, les deux hommes n’évoquent sans doute pas la même « nullité » chez leur adversaire. Pour Sarkozy, Hollande est nul comme candidat et les débuts de sa campagne, floue et hésitante, tendraient à le prouver. Pour Hollande, Sarkozy est nul comme président et ce quinquennat qui s’achève l’a sans doute amplement démontré.
Mais, en principe, les électeurs choisissent un candidat et non pas un président, ce qui, malheureusement, n’est pas du tout la même chose.
Ce sont toujours les « animaux de campagne » qui l’emportent. Chaban, Barre, Balladur auraient, peut-être, été d’excellents présidents. Ils ont été des candidats déplorables et donc ont été balayés. Giscard et Chirac ont mené de très bonnes campagnes en 1974 et en 1995. Ils l’ont emporté mais n’ont pas forcément laissé un souvenir impérissable comme présidents.
A priori, Sarkozy devrait être bien meilleur que Hollande tout au cours de ce petit mois de campagne qui leur reste. Sarkozy a une résistance à toute épreuve, sait battre les estrades et bénéficie encore –même s’il le nie farouchement- de tout l’appareil de l’Etat pour parcourir la France dans tous les sens et rameuter les foules, avec l’aide des préfets, et les médias, avec l’aide de ses amis fortunés. Il a surtout un culot fou de camelot pour raconter n’importe quoi, attirer les chalands et séduire l’électeur. Il l’avait prouvé en 2007.
Hollande, lui, n’a ni le tonus ni le culot de l’autre. Il est, d’ailleurs, convaincu, depuis le début de la pré-campagne, que la victoire va lui tomber toute cuite dans le bec, grâce au rejet dont est victime son adversaire. Il ne cherche pas à gagner car il est persuadé que l’autre va perdre. Et ça lui suffit. Il lui faut donc simplement éviter la moindre erreur, le moindre dérapage et attendre tranquillement dans son fauteuil de pouvoir accéder au trône.
D’où une campagne, en effet, assez nulle, un programme flou et même souvent équivoque, des discours plutôt consensuels qui ne peuvent soulever l’enthousiasme que des militants de base les plus convaincus.
L’un sait qu’il a tout à perdre et donc se démène comme un beau diable. L’autre pense qu’il a déjà tout gagné et ne veut plus bouger une oreille. On a un sortant-candidat qui fait feu de tout bois et un « déjà-président » tapi sur ses estrades.
Mais le candidat qui joue les lapins bondissants, qui sait qu’il est le meilleur en campagne et qui ironise sur la faiblesse de tortue de l’autre, a un cruel handicap. Il n’est pas vierge. Avant d’être candidat, il est le président sortant. Il ne peut donc pas, comme l’autre, « le nul » en campagne, promettre n’importe quoi et, aussi talentueux soit-il en campagne, il se traine « le boulet de son bilan », selon la formule de Fabius.
Un « nul en campagne » contre un « plombé par son bilan », le combat est forcément faussé et le choix va être difficile pour les électeurs. Hollande avait traité Sarkozy de « sale mec », Sarkozy traite Hollande de « nul », ils ont eu tort l’un et l’autre.
Cela dit, « le nul » garde encore une confortable avance sur « le sale mec » et on attend de voir les prochains sondages pour savoir si le drame de Montauban et de Toulouse aura modifié sensiblement le classement.

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