Nous sommes maintenant bel et bien en pleine campagne présidentielle. Tous les protagonistes sont entrés dans l’arène. Le gladiateur vedette est enfin sorti de l’ombre et fonce tête baissée vers ses adversaires et notamment vers celui qui semble être le favori du public. Il a l’air fatigué mais on nous dit qu’outre son glaive un peu rouillé (anti chômeurs) et son filet troué attrape-tout (et notamment les gogos d’extrême-droite) il a de nouvelles armes sous sa tunique.
Ce qui est étonnant c’est que, dans les tribunes, les bookmakers-sondeurs n’ont perçu aucun frémissement depuis son apparition en plein soleil. Il est toujours donné largement battu pour la première mi-temps (avec 25% contre 32% au Batave) et écrabouillé pour la seconde (41% contre 59%). Rien n’a bougé.
Rien n’a bougé d’ailleurs non plus pour les petits qui sautillent dans le sable (Marine Le Pen 16%, Bayrou 11%, Mélenchon 9%, Eva Joly 3%, Villepin 1,5%).
On en viendrait presque à se demander si les jeux ne sont pas déjà faits. La star a beau sortir de son chapeau de nouveaux trucs (le recours aux référendums, la remise en cause des droits des chômeurs ou des étrangers, une dose de proportionnelle, l’éloge du « peuple », la critique des corps intermédiaires, etc.) rien n’y fait. La plèbe continue à baisser son pouce. « Sortez le sortant ». Et l’autre est assez malin pour ne pas bouger d’un poil, ne pas riposter. Il continue à se balader dans l’arène et très largement en tête des sondages en faisant mine d’ignorer son ennemi.
L’un promet « Une France forte » mais elle s’est affaiblie considérablement au cours des cinq dernières années ce qui rend ses fanfaronnades ridicules. L’autre promet « Le changement maintenant » ce qui ne veut rien dire, même s’il ajoute qu’il veut « ré-enchanter le rêve » ce qui ne mange pas de pain.
En fait, pour l’instant, nous n’assistons pas à un duel équitable où les deux combattants ferrailleraient avec des idées neuves, des programmes consistants, des promesses crédibles. Le spectacle se limite aux gesticulations un peu dérisoires d’un tenant du titre déjà déchu qui tente de se sauver de la noyade en donnant des coups d’épée dans l’eau et en agitant ses petits bras.
Il lui reste soixante jours pour sortir la tête de l’eau. Sa seule chance ? Que l’autre soit soudain pris d’un malaise, de vertiges et que le public s’aperçoive que, malgré son faux-nez de social-démocrate, il est socialiste et que dans sa loge l’attendent pour fêter son triomphe Martine Aubry, Michel Sapin, Pierre Moscovici, Manuel Valls, Arnaud Montebourg et quelques autres qui se lèchent déjà les babines à l’idée de se partager les dépouilles du souverain renversé.
Jusqu’à présent la foule n’avait qu’une seule idée : chasser celui qui, à force d’erreurs, d’échecs, de reniements, de valses hésitations et de trahisons, est devenu un usurpateur. Mais la foule est souvent versatile et elle peut aussi parfois ouvrir les yeux et s’apercevoir que, si « le changement maintenant » permettrait de chasser celui dont on ne veut plus, il pourrait aussi ouvrir la porte à un autre qui pourrait être pire encore.
Il est toujours difficile de « choisir entre la peste et le choléra » car on a souvent peur de « tomber de Charybde en Scylla »…
Pour l’instant, la foule ne voit que la peste et que Charybde. Mais, en moins de deux mois, elle pourrait découvrir le choléra et Scylla. Le choix deviendrait alors plus difficile à faire.

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