Personne ne reprochera à Nicolas Sarkozy d’avoir lancé sa véritable campagne électorale, hier à Marseille, en affirmant qu’il aimait la France. On veut d’ailleurs croire que tous les candidats en lice aujourd’hui, de Marine Le Pen à Poutou, aiment la France.
Mais il a eu tort de proclamer que les partisans des 35 heures, de la retraite à 60 ans, du droit de vote des étrangers, des énergies renouvelables, des corps intermédiaires et du mariage des homosexuels n’aimaient pas la France.
Certes, en campagne électorale, on peut dire n’importe quoi et personne ne s’en prive. Mais qu’un président de la République cherchant à se faire réélire prétende que les gauchistes, les communistes, les socialistes, les écologistes, les centristes et les sympathisants du Front National sont de mauvais Français qui n’aiment pas leur pays est absurde et dangereux.
Absurde parce que si le candidat de l’UMP peut parfaitement reprocher aux programmes de tous ses adversaires d’être flous, incohérents, dangereux ou même irresponsables, il peut difficilement accuser ses concurrents d’être les représentants de « l’anti-France », de faire le jeu de l’ennemi et de vouloir l’effondrement du pays.
D’ailleurs, on ne peut pas dire qu’en s’alignant sans pudeur derrière les Etats-Unis puis en s’inclinant pitoyablement devant tous les diktats de l’Allemagne et en imposant aux Français une marche forcée vers l’Europe fédérale dont ils ne veulent pas, Sarkozy ait, tout au cours de ce quinquennat, incarné un amour immodéré de la France, de son indépendance, de sa grandeur.
Certains diront qu’il a tenté de sauver les meubles au milieu de la tempête en jouant au bonneteau avec la finance internationale, le FMI, Bruxelles, l’euro, la BCE et Angela Merkel, mais personne n’osera prétendre qu’il a su brandir le drapeau tricolore pour imposer ou même simplement faire entendre la voix de la France.
Nombreux sont ceux qui estiment même qu’il a, en cinq ans, considérablement affaibli la France et son image. Sans parler de ceux qui n’ont pas hésité à lui reprocher d’avoir « souillé le drapeau français d’une tache de la honte » quand, pour des raisons purement électoralistes, il a voulu oublier que la France était le pays de toutes les libertés, des Droits de l’homme et une terre d’asile.
Sarkozy aime sans doute la France mais son amour a semblé bien souvent timoré et, en tous les cas, la France qu’il aime n’est vraisemblablement pas la France qu’aime la grande majorité des Français.
Mais vouloir ainsi annexer le drapeau français et récuser à tous les autres leur patriotisme n’est pas seulement idiot. C’est aussi dangereux.
D’abord, dangereux pour le candidat qu’il est. A moins qu’il soit convaincu d’être réélu dès le premier tour, comment peut-il espérer récupérer, entre les deux tours, les voix des Français qui auront choisi, au premier tour, Marine Le Pen, Bayrou, Villepin ou Dupont-Aignan après les avoir traités de mauvais Français ?
Mais, ensuite, plus grave, c’est totalement irresponsable de diviser encore davantage les Français, entre les bons et les mauvais, en fonction de leurs choix politiques. Sarkozy aura été le président de toutes les divisions : entre les riches et les pauvres, entre les salariés du privé et les fonctionnaires, entre les Français de souche et les Français de fraîche date. Non seulement cela a choqué nombre de nos concitoyens mais cela a laissé des traces profondes.
Accuser maintenant ceux qui défendent (même à tort parfois) des avantages acquis ou des traditions d’hospitalité d’être de mauvais Français c’est évidemment briser davantage encore l’unité nationale, plus indispensable aujourd’hui que jamais pour tenter de faire face à la crise.
On savait que cette campagne serait dure. Sarkozy est prêt à tout pour s’accrocher à son trône, Hollande est prêt à tout pour que les socialistes puissent, après dix-sept ans d’absence, entrer de nouveau à l’Elysée. Mais en accusant ses adversaires de ne pas aimer la France, le président sortant a fait une faute non seulement politique mais aussi morale.
Comme disent les braves gens, il y a peu de chance qu’il l’emporte au paradis.

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