Il les a superbement méprisés pendant cinq ans et ils lui ont « craché à la gueule » pendant ces mêmes cinq années. Et voilà qu’à trois mois de la fin de son mandat, Nicolas Sarkozy invite très gentiment les syndicats à l’Elysée pour leur vendre ses toutes dernières idées et, en clair, leur demander de l’aider un peu à être réélu. On croit rêver.
Le président de la République a-t-il, dans l’affolement, oublié que Bernard Thibault et ses camarades syndicalistes étaient des « gens de gauche », voire même, parfois, les ultimes nostalgiques du PCF d’autrefois et que, de la CGT à la CFDT en passant par FO, cela fait dix ans, presque jour pour jour, que tous ces militants qui aiment tant faire la grève et défiler dans la rue attendent avec impatience « la grande revanche » pour ne pas dire « le Grand soir » et en tous les cas le triomphe d’un socialiste à la tête de l’Etat.
Même s’il leur offre des petits fours et des jus d’orange, ils ne lui feront aucun cadeau. Il ne leur en a d’ailleurs pas faits au cours de son quinquennat. On se souvient de son attitude lors de la réforme des retraites. Alors que tous les syndicats étaient prêts à accepter un allongement de la durée des cotisations, il s’est entêté à vouloir briser le symbole de la retraite à 60 ans. Ils ne l’ont pas oublié. Pas plus qu’ils n’ont oublié certaines phrases particulièrement maladroites du genre : « Aujourd’hui, en France, quand il y a une grève, plus personne ne s’en aperçoit ».
Totalement inconscient, Sarkozy s’imagine peut-être que son charme va opérer. Le raout de demain rappelle les petits déjeuners qu’il a offerts à Villepin. Il le trainait en justice, il voulait l’accrocher à un croc de boucher et, comme cela ne marchait pas, il lui proposait soudain un ministère. La danse du voile et même du ventre n’a pas fonctionné et c’est l’autre qui s’est mis à esquisser les premier pas de la danse du scalp.
Cela va être la même chose demain, en bien pire. Le président va proposer à nos syndicalistes une TVA sociale, c’est-à-dire une hausse des prix dont les classes les plus modestes seront les premières victimes, puis une taxation des transactions financières qu’on peut déjà considérée comme mort-née puisque personne n’en veut, puis il évoquera la règle d’or qu’il ne pourra jamais faire adopter par le Congrès.
Tout en le fusillant du regard, les syndicalistes rigoleront doucement. Le rire des manants si longtemps maltraités auxquels le souverain tend soudain une main de mendiant.
A bout d’arguments, Sarkozy évoquera, sans doute, la crise « sans précédent », l’exigence d’austérité et de rigueur, la nécessité de l’union nationale. Mais, pour eux, il est, avec « ses amis du grand capital », le principal responsable de la crise, l’austérité qu’il prône et qui sera plus cruelle pour « ceux d’en-bas » que pour « ceux d’en-haut » va briser tout espoir de croissance et c’est lui, avec sa politique et certains de ses propos, qui a détruit le peu d’union nationale qui nous restait.
Sarkozy a toujours fait semblant de croire que le clivage droite-gauche et la lutte des classes n’existaient plus. En observant demain leurs regards de haine, il pourrait finir par comprendre que la droitisation de son régime a ranimé le clivage droite-gauche et que l’appauvrissement des uns, nombreux, et l’enrichissement de quelques autres ont réveillé la lutte des classes.
Certains diront que Sarkozy qui ne sait plus quoi faire et auquel on a tant reproché son autoritarisme de potentat solidaire se devait de tenter quelque chose pour démontrer si ce n’est sa bonne foi du moins que les autres se refusaient au dialogue.
On touche là à l’un des problèmes fondamentaux de notre pays et unique en son genre : les liens incestueux qui unissent nos syndicats aux partis politiques (de gauche). Liens auxquels il faut ajouter, un peu paradoxalement, un farouche conservatisme. Les syndicats ne représentent plus que 7% des salariés français et, pire encore, ne recrutent plus que parmi les fonctionnaires, c’est-à-dire des gens attachés viscéralement, depuis plus d’un demi-siècle, au statut de la fonction publique, à sa garantie de l’emploi et à quelques autres petites faveurs. Les fonctionnaires ont bien des qualités mais ils sont fondamentalement et de gauche et conservateurs, par essence même.
Comment imaginer un gouvernement de droite –et a fortiori s’il s’assume comme tel jusqu’à la provocation- obtenant quoi que ce soit de syndicats qui sont « l’avant-garde d’une arrière-garde » arcboutée sur des avantages et un système totalement dépassés par l’histoire et les événements ?
C’est, en grande partie, ce dialogue de sourds entre chiens de faïence qui paralyse notre pays depuis tant d’années. Et Sarkozy n’a fait que l’aggraver considérablement.
On attend avec impatience l’homme de droite (ou du centre) qui saura faire accepter les vraies réformes qui s’imposent par les syndicats, en les caressant s’il le faut dans le sens des poils.
Quoi qu’il en soit, il y a fort à parier que Sarkozy qui pensait « faire un coup » avec son sommet social va encore « se payer un flop ». Ou « un bide » ? Les observateurs hésitent.

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