Ce qui serait amusant serait que, totalement écoeuré par les sondages –et donc les Français- et par ses échecs –et donc lui-même- Nicolas Sarkozy nous annonce, un beau matin, qu’après avoir mûrement réfléchi il a décidé de ne pas se représenter et qu’il entend désormais passer le reste de sa vie à faire du fric et la java.
Tous les experts nous diraient, le soir même, qu’ils s’y attendaient, qu’ils l’avaient prévu et même que la chose était évidente depuis déjà longtemps et qu’il suffisait de voir la mine décomposée de président en fin de mandat et au bout du rouleau pour comprendre qu’il avait enfin réalisé que ce boulot n’était pas fait pour lui.
Mais l’annonce provoquerait tout de même un beau charivari dans le landernau politique.
D’abord, bien sûr, à l’UMP. Fillon et Copé se jetteraient aussitôt l’un contre l’autre, poignards sortis et toutes dents dehors, chacun estimant qu’il a toute la légitimité pour assumer la relève au pied levé, l’un parce qu’il est le Premier ministre (d’un gouvernement qui a tout raté pendant cinq ans), l’autre parce qu’il est le patron du parti de la majorité (même si le parti en question n’a sans doute plus la majorité dans le pays).
Mais un certain nombre d’autres lascars montreraient immédiatement le bout de leur nez et le gigantisme de leurs ambitions. Juppé, bien sûr, au nom de son expérience dont les Français n’ont pas gardé forcément un si bon souvenir, Baroin, au nom de sa jeunesse et du chiraquisme d’antan, Le Maire, Wauquiez, Nathalie Kosciusko-Morizet, d’autres encore.
On s’apercevrait alors que le sarkozisme n’a jamais existé autrement que par une série de postures successives et contradictoires et que l’UMP n’a jamais été qu’un conglomérat d’ambitions dans lequel se retrouvaient pêle-mêle des centristes, des gaullistes, des giscardiens, des chiraquiens et des gens qui auraient sans doute été plus à l’aise à l’extrême-droite, tous transformés en courtisans alléchés par les relents du pouvoir.
Mais le forfait inattendu de Sarkozy provoquerait aussi un cataclysme à gauche. Qu’on le veuille ou non, si François Hollande caracole depuis des mois en tête de tous les sondages ce n’est ni parce que les Français lui reconnaissent l’envergure évidente d’un homme d’Etat capable d’affronter toutes les tempêtes ni parce que son programme les a enthousiasmés en leur donnant l’espoir d’un avenir meilleur.
Sur les 57% des électeurs qui se disent décidés à voter Hollande au second tour, un grand nombre d’entre eux le feront simplement parce qu’ils ne supportent plus Sarkozy. Sarkozy disparu, Hollande perd tout son charme et se retrouve tout penaud avec des promesses plus floues les unes que les autres et auxquelles personne ne croit un seul instant.
Naturellement, seuls quelques fous furieux osent imaginer que Sarkozy puisse renoncer à se présenter. Il n’est pas encore candidat mais il est en campagne depuis des mois, aux frais de la République puisque ses innombrables déplacements, meetings et réunions de toutes sortes ne seront pas comptabilisés dans ses frais de campagne tant qu’il ne se sera pas déclaré.
Mais ce scénario de pure fiction révèle tout de même les dangers de cette élection présidentielle. Pour la première fois, on a, d’un côté, un camp totalement incohérent avec sa droite humaniste, sa droite populaire et son président zigzag, et, de l’autre côté, un camp dont le seul fonds de commerce réside dans l’anti-sarkozisme.
Jamais nous n’aurons autant voté « à la gueule du client ». Ce n’est sûrement pas comme ça qu’on choisit un capitaine pour sauver un navire d’un naufrage programmé.

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