Eric Cantona, l’ancien joueur de football qui tente depuis quelque temps de se reconvertir dans le cinéma, voudrait se lancer dans la campagne présidentielle. Il cherche les fameuses 500 signatures. Il sait qu’il a peu de chances de les trouver et n’a d’ailleurs pas l’intention d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au premier tour. Il veut simplement témoigner.
A première vue, cette démarche est parfaitement ridicule et rappelle qu’à chaque élection ou presque nous avons eu un farfelu de service qui est monté sur les tréteaux, en début de la campagne, histoire de bénéficier un instant des feux de la rampe.
Cela dit, Cantona (qui m’a toujours horripilé personnellement) a raison sur un point. Le logement ou plutôt le mal-logement est un énorme problème aujourd’hui dans notre pays puisque, selon certains chiffres, 10 millions de Français (ou du moins d’habitants de notre pays, ce qui n’est pas tout à fait la même chose) vivraient dans des logements précaires ou insalubres. C’est, évidemment, inadmissible.
Mais comme ces mal-logés sont silencieux et généralement abstentionnistes, personne parmi notre personnel politique ne veut réellement s’en occuper et tout le monde s’en fout. Cantona a raison de vouloir pousser un coup de gueule et d’interpeller ainsi tous nos candidats officiels. Même si, bien sûr et hélas, cela ne changera rien à rien.
Ce qui est curieux et dramatique dans notre beau pays c’est que, maintenant et depuis quelque temps déjà, pour avoir la moindre chance de se faire entendre, il faut ou descendre dans la rue et organiser une grève générale qui paralyse le pays ou se présenter à la présidence de la République.
On nous rebat les oreilles avec le « dialogue social », la « concertation », les « Etats généraux » de ceci ou les « Grenelles » de cela, mais les pouvoirs publics –que ce soient les élus ou l’administration- sont devenus totalement autistes et l’opinion elle-même s’est habituée à marcher au pas derrière des médias formatés.
La pauvreté, l’exclusion, l’illettrisme –pour ne prendre que quelques exemples particulièrement criants- ne faisant partie ni des programmes de nos politiques ni des programmes télévisés, on se contente, au mieux, de les évoquer d’un mot entre les problèmes de la dette et ceux de la fiscalité, pour avoir bonne conscience, comme si nos dirigeants avaient jamais eu mauvaise conscience.
Il est tout de même dommage qu’il faille qu’un footballeur entre sur un terrain qui n’est pas le sien pour qu’on parle soudain d’un drame qui concerne 10 millions des nôtres.
C’est, sûrement, là la preuve que quelque chose ne va pas dans notre système démocratique. On se souvient qu’un clown, Coluche, indigné par la situation de certains défavorisés, avait dû faire un tour de piste électoral pour nous apprendre qu’il y avait en France des gens qui crevaient de faim. Cette fois, c’est un footballeur qui veut nous faire savoir qu’il y a des gosses qui vivent en France au milieu des cafards.
Oui, Cantona est ridicule mais il a raison. Et l’ennuyeux c’est qu’en France, maintenant, ceux qui ont raison sont souvent ridicules.

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