Quelques jours de vacances à la campagne permettent de rencontrer le fameux « bon sens paysan ».
La France « profonde », c’est-à-dire la grande majorité (silencieuse) des électeurs, est inquiète, affolée même. Elle ne comprend rien aux problèmes des dettes souveraines, des agences de notation, mais elle sait, pour le vivre au quotidien, que tout va de plus en plus mal, que les impôts vont encore augmenter, que les aides de toutes sortes vont encore diminuer, que le chômage va faire davantage encore de dégâts, que le fossé entre les plus riches et les classes moyennes, les précaires, les défavorisés, les pauvres, les exclus va encore se creuser, que s’en est fini du « système français » qui prétendait protéger tous les citoyens de ce pays. Que s’en est fini sans doute aussi de cette « civilisation occidentale » qui permettait à chacun, jusque dans les plus petits villages », de vivre heureux, de manger à sa faim et de « consommer » à sa guise.
On leur dit que « c’est partout pareil ». Ce n’est pas une consolation. Chaque soir, devant leur écran plat, ils apprennent que les peuples d’Europe « s’indignent » (le grand mot à la mode), s’insurgent et chassent leurs dirigeants. Papandréou à Athènes, Berlusconi à Rome, bientôt Zapatero à Madrid. Les Anglais, les Portugais, les Irlandais et quelques autres se sont déjà, depuis des mois, débarrassés de leurs incompétents. La peur des dominos a transformé l’Europe en jeu de quilles. Ils tombent les uns après les autres. C’est comme à la foire, au stand de tir.
Or qu’apprend-on dans le village bien loin de la capitale ? Que Nicolas Sarkozy, lui, vient de gagner trois points, voire même huit dans les sondages. Ben, ça alors !
Aurait-il, sans qu’on l’ait encore appris dans les profondeurs du pays, réussi à arrêter la catastrophe, à redresser la situation, à rassurer les marchés, à faire redémarrer la croissance ?
Non, on apprend que le chômage continue à s’aggraver, que la croissance ne sera même pas de 1% et que ce sera la récession, que la France va perdre ses trois A et qu’après un premier plan « d’efforts » à l’été, un deuxième plan « de sacrifices » à l’automne, il va falloir que le pauvre Fillon nous annonce, cet hiver, un troisième plan sans doute cette fois « de rigueur » pour éviter une faillite dont il nous parle depuis quatre ans et vers laquelle nous nous précipitons.
Est-ce parce que Sarkozy, plus discret qu’on ne l’avait jamais vu, envoie son « collaborateur » aux allures de cocker malheureux nous annoncer les mauvaises nouvelles qu’il s’en sortirait lui-même si bien ? Non. Sarkozy a trop voulu tout régenter et la situation est trop grave pour que le Premier ministre puisse encore servir de fusible.
Certains pensent sans doute que le Président « fait ce qu’il peut », qu’il s’agite dans tous les sens et que « personne ne ferait mieux que lui à sa place ».
Sa fébrilité et ses initiatives tous azimuts n’ont servi à rien. Il s’est incliné platement devant Angela Merkel qui, forte de la puissance allemande, préside désormais sans partage une Europe à la dérive. Son G20 qui devait lui permettre d’imposer à la planète des règles de bonne conduite et aux Chinois de se calmer n’a été qu’un bide. Et tous les Français le savent. Alors ?
Les Français sont par nature frileux et toujours tétanisés devant les catastrophes. Ils sont prêts à se réfugier auprès du premier venu. On l’a bien vu dans des circonstances pires encore. A leurs yeux, l’adversité légitime le pouvoir quel qu’il soit. Dans le monde entier, on chasse le général qui a perdu la guerre. En France, on l’acclame et on lui fait confiance.
Il est vraisemblable que Sarkozy va encore gagner quelques points si la France perd ses trois A, entre en récession, est obligée de payer plus chers encore les nouveaux emprunts qu’elle va devoir souscrire pour continuer à payer les intérêts de sa dette abyssale et qui se creuse davantage chaque jour. Plus ça ira mal et mieux il se portera. Il le sait et son entourage en sourit déjà.
C’est absurde mais cette apocalypse programmée est inespérée pour le chef de l’Etat. Quand ça n’allait qu’assez mal, on ne lui faisait grâce de rien. Maintenant que tout va très, très mal, certains semblent prêts à tout lui pardonner.
La faute à qui ? Evidemment à l’opposition. François Hollande qui avait pourtant évoqué, avant beaucoup d’autres, la crise, la dette et les réformes qui s’imposaient, s’est embourbé, tout au cours de la campagne des primaires, dans des promesses démagogiques d’un autre temps. Il lui fallait faire face à la surenchère de ses rivaux. 300.000 « emplois jeunes », 60.000 enseignants. Pour gagner cette première bataille, il a pris deux guerres de retard et s’est installé sur une autre planète.
Ses amis nous disent qu’il attend janvier ou février pour prendre la parole et nous dévoiler ses recettes. Mais n’a-t-il pas compris que tout allait désormais très vite, au rythme effréné des cours de la Bourse, des sautes d’humeur des agences de notation ?
Dans deux mois, la situation du pays sera sans doute épouvantable et Sarkozy qui a été rejeté sans pitié par l’opinion pendant presque tout son quinquennat pourrait bien apparaître non pas comme l’ultime recours mais comme le seul capable de tenir la barre du navire qui fait naufrage. Et chaque jour qui passe disqualifie son adversaire.

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