Il y a un type qui vient d’annoncer sa candidature à la présidence de la République. Tout Français a parfaitement le droit de se présenter pour peu qu’il n’ait pas perdu ses droits civiques à la suite d’une condamnation par les tribunaux. Ce type s’appelle Morin. Pas Edgar Morin, non, Hervé Morin.
Il faut tout de même reconnaitre que ce type a réussi l’exploit d’être totalement « inconnu au bataillon » alors qu’il était pourtant ministre de la Défense. On pensait d’ailleurs qu’il était « mort aux pluches » (pour reprendre une autre expression militaire) depuis longtemps comme un bon nombre de ses petits camarades de promotion que Sarkozy nous avait présentés au début de son quinquennat, les Kouchner, Darcos, Albanel, Woerth, Karoutchi, Jouyet, Bussereau, Fadela Amara, Marleix, Rama Yade, Laporte, Blanc, Joyandet, et autres Martin Hirsch.
Certains disent que Sarkozy n’a rien fait pendant son mandat. C’est faux. Il a « consommé » davantage de ministres qu’aucun de ses prédécesseurs.
Ce Morin-là, tout inconnu qu’il soit, a deux particularités : il élève des chevaux qu’il revend à l’émir du Qatar et il est l’héritier de l’UDF de Giscard. Autant dire qu’il passe sa vie entre des cracks et des tocards.
Soyons justes, il n’a hérité que d’une portion très congrue du parti créé par VGE et dont l’ancien président rêvait de faire le lieu de retrouvailles de « deux Français sur trois ». La famille s’est, en effet, déchirée sur les dépouilles. Sans parler des rares amis de Morin, les Giscardiens de jadis se retrouvent aujourd’hui au MoDem de Bayrou, à l’Alliance centriste d’Arthuis, au parti radical de Borloo, quand ils n’ont pas préféré, toute honte bue, rejoindre l’UMP, comme Méhaignerie par exemple.
Avec son Nouveau centre, Morin est d’autant plus seul que ces deux acolytes les plus « célèbres », toutes proportions gardées, Maurice Leroy et François Sauvadet ont, depuis longtemps, échangé leurs velléités de représenter le centre contre deux maroquins de la Sarkozie et qu’ils n’ont visiblement pas l’intention de lâcher une proie, même diablement faisandée, contre une ombre bien incertaine.
Ce qui est intéressant, infiniment plus que de constater le ridicule un peu attendrissant de Morin, ce matin, au pied du Pont de Normandie évoquant la mémoire de Guillaume le Conquérant, c’est de voir ce qu’est devenu « le centre », aujourd’hui dans notre éventail politique.
A force de prôner le ni-ni et d’être assise entre deux chaises, cette famille qui a longtemps dirigé la France et qui est, en fait, la famille d’origine d’un bon nombre de nos compatriotes, ne sait plus du tout où elle en est.
Bayrou qui avait déjà hésité en 2007 va, selon toute vraisemblance et toute logique, rejoindre Hollande au soir du premier tour. Ne serait-ce que pour goûter de nouveau aux joies d’un ministère. Morin répète qu’il veut simplement élargir par la diversité la majorité sarkozienne. Autant dire que l’un et l’autre sont prêts à vendre leur âme de centriste pour retrouver une voiture à cocarde mais que l’un et l’autre étant des turfistes, ils ne parient pas sur le même cheval.
Ce qui est sûr c’est que ni l’un ni l’autre ne croient plus en la réalité du centrisme qui n’est désormais pour eux qu’un alibi de premier tour pour monnayer avec le plus offrant des miettes en échange d’un ralliement pour le deuxième tour.
Certes, ce centre n’existe plus que comme petite force d’appoint depuis les débuts de la Vème République. Mitterrand (avec l’aide de l’Histoire) a tué le Parti communiste mais de Gaulle avait déjà dévoré tout cru les démocrates-chrétiens, les radicaux et tout ce qu’on appelait « le marais ».
Or, et c’est ce qui est le plus curieux, jamais depuis plus d’un demi-siècle, les centristes n’ont semblé avoir un tel boulevard devant eux. La droite modérée ne veut plus entendre parler de Sarkozy et François Hollande, depuis son triomphe des primaires, déçoit chaque jour davantage, en reprenant son image de vieil apparatchik adepte du consensus mou, l’électorat qui se disait prêt à votre pour DSK.
Les centristes ont un boulevard devant eux mais ils n’ont personne pour y emmener ces électeurs (traditionnellement 15 à 20% du corps électoral, mais sans doute plus cette fois vu les circonstances) qui ne veulent suivre ni le supplétif de Hollande ni celui de Sarkozy.
Il manque quelqu’un pour comprendre que les Français cherchent une troisième voie afin de se débarrasser d’une droite au pouvoir depuis plus de dix ans et dont ils ne veulent plus et d’une gauche qui semble avoir trente ans de retard et qui ne les fait pas rêver.

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