A cinq mois des présidentielles, on commence à voir la stratégie des deux principaux protagonistes. Avant même de monter sur le ring, l’un et l’autre s’échauffent et semblent bien… maigrichons.
A droite, le tenant du titre tente de se justifier en nous racontant que s’il n’a rien pu faire contre la montée du chômage, les inégalités grandissantes ou l’aggravation de la dette ce n’est pas de sa faute mais que c’est la faute si ce n’est à Voltaire ou à Rousseau du moins à la crise et aux circonstances. Président mais ni responsable ni coupable.
Mieux encore, il nous affirme qu’il a tout de même remporté quelques victoires en faisant reculer l’âge de la retraite, en réduisant (un peu) le nombre des fonctionnaires et en accordant leur autonomie aux universités. C’est Tartarin qui se vante d’un tableau de chasse imaginaire. Et il nous promet que si on lui redonne une chance de faire des étincelles, il va terrasser, cette fois, les fraudeurs, les tricheurs et toutes les injustices.
A gauche, le challenger, grand favori du public mais novice dans ce genre de compétitions, nous jure ses grands dieux qu’il va « ré-enchanter le rêve français » en embauchant des fonctionnaires tout en réduisant les déficits. Aux tartarinades de l’autre, il répond par des promesses de Gascon.
Les Français ne sont pas dupes. Pour l’instant, ils ne veulent toujours plus voir Tartarin et ils commencent à mettre en doute non seulement les promesses du Gascon mais aussi ses compétences.
Le premier à tort de nous raconter que cinq années de pouvoir (absolu) ne lui ont pas suffi pour faire ses preuves ; le second à tort de vouloir jouer les Merlin l’enchanteur et d’évoquer un rêve alors que le pays s’enfonce dans un cauchemar qui semble bien planétaire.
Après la chute des dirigeants britanniques, irlandais, portugais, grecs et italiens, les élections espagnoles d’aujourd’hui prouvent, si besoin en était, que cette fameuse crise est impitoyable pour tout le monde. Qu’ils soient de droite ou qu’ils soient de gauche, ils sont tous balayés et doivent tous quitter piteusement la scène par la sortie des artistes.
Mais ce qui est le plus inquiétant c’est que ceux qui les remplacent n’ont pas davantage de remède miracle pour sauver la situation et leur pays plus ou moins agonisant.
Les Grecs et les Italiens ont d’ailleurs fait appel à des technocrates, Lukas Papademos et Mario Monti, et les Espagnols, eux, se jettent dans les bras d’un Mariano Rajoy dont le programme (d’austérité) de droite ressemble comme deux gouttes d’eau à celui que tentait d’instaurer la gauche de Zapatero.
La crise est telle aujourd’hui que les programmes ne se font plus au sein des partis politiques mais dans les officines des agences de notation. Or, ces officines ont pour clients les investisseurs et non pas les électeurs. Elles peuvent donc exiger les pires des mesures sans avoir à tenir compte de l’impossibilité dans laquelle seront les dirigeants politiques à imposer cette rigueur à leur peuple. Elles sont prêtes à faire tuer le malade pour qu’il soit en meilleure santé.
Si Papademos, Monti et Rajoy obéissent aux diktats des agences de notation (qui leur ont, d’une certaine façon, donné le pouvoir) et imposent aux Grecs, aux Italiens et aux Espagnols les mesures draconiennes qu’elles leur ont prescrites, il est évident qu’ils feront long feu et seront rapidement balayés à leur tour, à Athènes, à Rome ou à Madrid, par la foule des indignés qui seront devenus des insurgés.
Chez nous, c’est un peu différent. Les pessimistes ayant toujours raison depuis quelque temps, il est vraisemblable qu’avant l’échéance fatidique d’avril prochain, la situation du pays se sera encore aggravée, que nous aurons perdu nos trois A, que nos taux d’emprunt auront explosé, que les grandes entreprises auront encore annoncé des milliers de suppressions d’emplois, etc.
Les Français voudront-ils, comme les autres, se débarrasser d’un pouvoir qui, comme les autres, a été totalement incapable de faire face à la situation ou refuseront-ils de croire un seul instant dans les promesses inconsidérées d’un nouveau venu. Nous allons avoir à choisir entre le bilan d’un Tartarin et les promesses d’un Gascon.
Certains diront que le combat qui commence n’est pas un match de boxe se limitant à deux adversaires mais qu’il ressemble plutôt à ces combats de catch où d’autres lutteurs peuvent soudain monter sur le ring et mettre KO l’un des deux favoris. C’est vrai. Le premier tour des présidentielles est prévu pour le 22 avril. Ce sera donc le lendemain du 21 avril. Mais au bord du ring, il y aura toujours ces mêmes agences de notation prêtes à donner le coup de gong.

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