A l’Elysée, on ne cache pas sa joie. A les entendre, certains proches de Sarkozy semblent s’imaginer que le forfait inattendu et en tous les cas précoce de Jean-Louis Borloo ouvre une voie royale pour une réélection sans problème du président sortant. Comme si les 6 à 8% que pouvait espérer le président du parti radical allaient se reporter automatiquement sur Sarkozy et permettre de faire triompher un candidat qui pour l’instant est rejeté par 70% des Français.
Les grands apparatchiks de la sarkozie ne veulent toujours pas comprendre que si la crise jouera, évidemment, un rôle important dans le choix des Français en avril prochain, ce sera, avant tout, le rejet de Sarkozy, de sa personne, de son bilan, de ses promesses non tenues, de ses « zigzags », comme dirait Hollande, qui sera l’élément déterminant du scrutin. Bien des électeurs ne voteront ni pour Hollande, ni pour Bayrou, ni pour Marine Le Pen ou Mélenchon mais contre Sarkozy.
En 1981, les Français avaient voté moins pour Mitterrand que contre Giscard et Giscard, à l’époque, n’était pas rejeté avec la même violence que Sarkozy aujourd’hui.
Cela dit, il faut tout de même reconnaître que Sarkozy a de la chance. Strauss-Kahn, son adversaire le plus redoutable que certains donnaient même élu au premier tour s’est éliminé de lui-même dans les circonstances que l’on sait ; Borloo qui aurait pu, pendant toute la campagne, lui porter des coups redoutables, jette l’éponge. Qu’une affaire de mœurs disqualifie Hollande et qu’un scandale financier discrédite Marine Le Pen et il sera réélu.
Quand on a suivi toute la carrière de Sarkozy, on s’aperçoit d’ailleurs qu’il a réussi à gravir tous les échelons de la même manière, simplement parce que les autres qui étaient infiniment mieux placés que lui se sont ou ont été éliminés.
Gamin, il a pu faire un hold-up sur la mairie de Neuilly parce que Pasqua qui devait succéder à Achille Peretti était hospitalisé. Il a pu s’emparer du RPR parce que Séguin a, sur un coup de tête, brutalement démissionné de la présidence du mouvement en pleine campagne des européennes. Il est devenu l’homme fort du parti gaulliste parce que Juppé était mis hors-jeu à la suite de ses ennuis judiciaires. Il est apparu comme le seul candidat possible de la droite en 2007 parce que Villepin que tout le monde imaginait déjà à l’Elysée s’est soudainement « suicidé » avec le CPE. Or, Sarkozy ne faisait évidemment pas le poids ni en face de Pasqua, ni en face de Séguin, ni en face de Juppé, ni en face de Villepin. Pas plus qu’il n’aurait sans doute fait le poids en face de DSK.
Contrairement à ce qu’il croit lui-même, jamais Sarkozy n’a gagné un de ses combats par KO. Il ne gagne que grâce au forfait de ses adversaires. Mais il est vrai qu’en politique il suffit parfois d’avoir de la chance. Il en a eue jusqu’à présent.
Reste, bien sûr, à savoir si le candidat que les primaires de la gauche vont désigner déclarera forfait dans les six mois qui viennent pour lui laisser le champ libre. Ce n’est pas sûr.

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