Paris n’est plus une fête
Amateur inconditionnel de Woody Allen, je souhaitais, bien sûr, voir son dernier film, « Paris à minuit », même si la présence annoncée et incongrue de Carla Bruni dans le générique pouvait faire hésiter. Avouons que les brèves apparitions et les quelques répliques (mal ânonnées) de « la Première dame de France » ne détruisent pas le film dans sa totalité.
Ce film, intelligent et drôle, est une déclaration d’amour à Paris, le Paris qu’aiment, aujourd’hui encore, les intellectuels américains, celui d’Hemingway, de Fitzgerald, de Gertrude Stein, bien sûr, mais aussi de Picasso, de Matisse, de Gauguin, de Modigliani et des surréalistes.
Allen ne cache pas sa nostalgie pour la Ville Lumière qui était alors « une fête », selon le titre même d’un livre d’Hemingway, justement. Mais il a la sagesse de nous rappeler qu’on a toujours été nostalgique des périodes « d’avant », en faisant soudain apparaître ceux qui, au milieu de la fête de l’entre-deux guerres et des « Années folles », regrettaient le Paris de « la Belle époque » et du French Cancan cher à Lautrec qui surgit soudain sur l’écran.
Allen a raison, il y a toujours eu des grincheux pour pleurer les paradis perdus qu’ils idéalisent. Cela pourrait bien être la morale du film.
Si ce n’est qu’aujourd’hui les grincheux ont raison. Paris n’est plus une fête pour personne, n’est plus la capitale mondiale des arts et des lettres. Saint Germain des Près, Montparnasse, la Butte Montmartre n’attirent plus les peintres, les écrivains, les créateurs de la planète toute entière. Paris –c’est-à-dire la France- s’est étriqué, s’est refermé, s’est endormi.
Cette déclaration d’amour n’est qu’une ode à une femme morte depuis bien longtemps.
On nous parle du déclin de la France, ce film en est la meilleure et la plus cruelle démonstration.
Mots-clefs : Woody Allen
22 Oct 2011 15:55 1. drazig
Moi aussi, j’ai vu ce film, excellent. Dans votre commentaire, non moins excellent toutefois je remplacerais vos trois mots concernant Paris: étriqué,refermé, endormi par les mots : submergé, annihilé, étouffé.
23 Oct 2011 11:09 2. Patrick-Louis Vincent
L’on peut longtemps disserter sur le déclin de la France et sur ses causes. C’est un fait, et il est naturel. La Grèce de Périclès aussi a disparu. Les civilisations naissent, culminent et péréclitent, tout comme les hommes. Il est tout à fait vain de regretter la splendeur passée que de regretter sa jeunesse.
Le centre de gravité du monde se déplace d’est en ouest. Après la Grèce antique, il y eut l’empire romain, puis la France chrétienne, puis l’Angleterre avec son immense empire, puis les Etats-Unis, d’abord la côte Est puis la côte Ouest. Aujourd’hui ce centre se dirige vers le Japon et la Chine. Le futur grand centre culturel est à chercher, probablement, du côté de Shanghaï.
La Chine, qui a connu une immense civilisation a, elle aussi, connu le déclin, la décadence et sa disparition. La petite aiguille du monde des hommes continue, sans cesse, de tourner. La route vers l’ouest revient vers la Chine. C’est la vieille Europe qui entre dans sa période de déclin, dont Paris a été l’un des phares. Rien que de très naturel.
La ronde des civilisations devraient incliner les hommes à plus de modestie et d’humilité.
23 Oct 2011 16:34 3. drazig
@PLV
Vous dites: » La Grèce de Péricles a aussi disparu… » La Grèce de Périclés se perpétue dans nos institutions et systèmes des valeurs. Et auparavant, les Grecs avaient arrêté les hordes de la Perse aux Thermopyles, et ils n’étaient qu’une centaine. L’histoire n’est pas linéaire, cher Monsieur, et le découragement toujours de mauvais conseil.