Serions-nous entrés dans une période pré-révolutionnaire ?
Sarkozy a encore raté son coup. Ce n’est pas encore cette fois qu’il pourra accrocher Villepin à un croc de boucher. L’ancien Premier ministre est, ce matin, sorti la tête haute et plus fort que jamais du Palais de justice après avoir été, pour la seconde fois, relaxé dans l’affaire Clearstream. Il s’est dit « renforcé par cette épreuve et plus déterminé que jamais à servir les Français ». Autant dire qu’il a pratiquement annoncé sa candidature à l’élection présidentielle.
En fait, la justice a confirmé ce qu’on avait depuis longtemps compris de cet incroyable feuilleton de série B qui, depuis six ans, alimentait notre quotidien. Un informaticien à la recherche d’un emploi, Lahoud, a, pour se faire mousser, proposé au vice-président d’EADS, Gergorin, de monter une opération de déstabilisation visant, au sein même d’EADS, ses pires ennemis en les faisant apparaître sur des listes truquées d’une banque luxembourgeoise. Grand amateur de coups fourrés, Gergorin a accepté avec enthousiasme et, pour se faire mousser à son tour, a fait rajouter sur les listes truquées les noms de quelques personnalités politiques et notamment celui de Sarkozy et il est allé vendre le tout au ministre des Affaires Etrangères, Villepin, qu’il connaissait depuis des années et qu’il savait haïr Sarkozy. Prudent, Villepin a fait faire des enquêtes sur l’affaire mais, ravi, il a laissé se répandre les rumeurs.
La justice a donc confirmé que c’était bien Lahoud qui avait eu l’idée des faux listings et lui qui les avait trafiqués (il écope de dix-huit mois de prison ferme), que c’était Gergorin qui avait fait rajouter le nom de Sarkozy (il écope de six mois de prison ferme) et qu’on ne pouvait reprocher à Villepin qu’une seule chose : s’être sans doute frotté les mains quand il a cru, pendant quelques semaines, que son grand rival allait être définitivement cloué au pilori pour avoir « planqué » au Luxembourg des rétro-commissions touchées dans la cadre de la vente des vedettes de Taïwan. Au pire, Villepin était coupable de complicité de calomnie… « par abstention ». Mais, en France, on condamne un homme pour ce qu’il a fait, pas pour ce qu’il n’a pas fait. On ne voit d’ailleurs pas comment Villepin azurait pu arrêter la rumeur. Il ne pouvait donc qu’être relaxé.
L’avocat Sarkozy aurait dû le savoir et le Président Sarkozy a eu tort de s’acharner contre un homme qu’il a transformé en victime et qu’il a ainsi poussé à monter sur le ring des présidentielles.
Mais, sentant que l’affaire Clearstream allait se terminer au bénéfice de Villepin, Sarkozy a déjà préparé un second croc de boucherie. Dimanche dernier, son ami Robert Bourgi est, comme par hasard, sorti de l’ombre de l’Elysée et, alors que personne ne lui demandait rien, a affirmé qu’il avait lui-même, par le passé et pendant des années, remis à Villepin en personne (et à quelques autres) des valises bourrées de dollars, envoyées par un certain nombre de présidents africains. Le bonhomme reconnaissait cependant -détail important- qu’il n’avait aucune preuve de ce qu’il affirmait et qu’il fallait donc le croire sur parole.
Villepin a eu raison, ce matin, de rappeler que l’affaire Clearstream était sortie peu avant la présidentielle de 2007 et qu’il était curieux de voir que cette affaire Bourgi sortait à moins de huit mois de la présidentielle de 2012.
Tout le monde sachant que les « rois nègres » de la Françafrique ont toujours financé plus ou moins toutes les campagnes électorales de tous nos candidats à l’Elysée –et y compris celle de Sarkozy en 2007, comme le laisse entendre le livre de Pierre Péan « La République des mallettes » qui sort, encore un hasard, aujourd’hui même- l’ambiance va, de nouveau, être pestilentielle pendant les quelques mois qui viennent.
Ce que ne semble pas comprendre l’actuel Président de la République c’est que les Français commencent à en avoir assez de ses crocs de boucher et de tous ces scandales qui, depuis des années maintenant, ont remplacé à la « une » de l’actualité les débats sur les vrais problèmes auxquels ils sont confrontés dans des conditions de plus en plus dramatiques.
La France s’effondre complètement avec un chômage épouvantable, une dette abyssale, une école en ruines, des services de santé à l’abandon, une fracture sociale pire que jamais, l’Europe est à l’agonie et chacun a compris que l’effet de dominos va, après la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie, nous atteindre… et depuis des mois, alors que la seule « affaire » qui compte devrait être celle de notre survie, on ne parle que de l’affaire Clearstream, l’affaire Woerth-Bettencourt, l’affaire DSK et maintenant l’affaire Bourgi.
Certes, les Français ont le droit de savoir s’il y a des crapules et des dingues parmi leurs dirigeants. Mais ils ont de plus en plus l’impression qu’avec ces flots de pourriture, ces torrents de boue, on cherche à leur cacher une vérité évidente et qu’on veut amuser la galerie, faute de pouvoir l’épater. C’est l’orchestre du Titanic qui joue pendant le naufrage.
Or, l’histoire de France prouve, depuis le Collier de la Reine, que toutes les révolutions ont été annoncées par quelques scandales, le poisson commençant toujours à pourrir par la tête. Serions-nous entrés dans une période prérévolutionnaire ?
Mots-clefs : Bourgi, Clearstream, Sarkozy, scandales, Villepin
14 Sep 2011 15:21 1. cyrille
« Ce que ne semble pas comprendre l’actuel Président de la République c’est que les Français commencent à en avoir assez de ses crocs de boucher et de tous ces scandales qui, depuis des années maintenant, ont remplacé à la « une » de l’actualité les débats sur les vrais problèmes auxquels ils sont confrontés dans des conditions de plus en plus dramatiques. »
Merci Mr Desjardins.
14 Sep 2011 15:28 2. Patrick-Louis Vincent
Dominique de Villepin a maintenant le chemin libre pour se présenter aux présidentielles. Il a peu de chances d’être élu, mais il a toutes les chances de faire trébucher son rival et l’éliminer du second tour.
Il se présentera sûrement autour de son anniversaire, le 14 novembre prochain. L’affaire Bourgi aura été remplacée par une autre affaire, plus salace encore, car ainsi va la vie politico-médiatique.
Pendant ce temps-là, nos politiques européens ne savent toujours pas s’ils doivent faire plus d’Europe ou plus de chacun pour soi.
14 Sep 2011 15:46 3. Patrick-Louis Vincent
Sommes-nous en situation pré-révolutionnaire ? C’est ce que pense notre ami Claude Reichman. Mais il le pense depuis 2009. Et rien ne se passe.
Il ne se passe rien, parce qu’il n’y a pas de chefs pour mener le combat.
Les Français ne sont pas prêts à se battre. Ils sont dégoûtés, abattus, résignés.
Mais cela pourrait ne pas durer. En France, les changements se font, sinon par des révolutions, du moins par des coups d’état. C’est plutôt cela qui peut se produire.
14 Sep 2011 15:59 4. tupolev
Je partage entièrement ce que vous écrivez . Bravo!
Serions-nous entrés dans une période pré-révolutionnaire ?
On n’est pas loin de le croire.
Il semble évident maintenant que N. Sarkozy est en train d’accomplir les huit derniers mois de son premier et unique mandat.
La révolution est déjà en marche compte tenu du nombre élevé de candidats « droito-efféno-centristes » (déclarés ou non) et qui vont littéralement atomiser les voix de droite ouvrant un boulevard à qui vous savez.
14 Sep 2011 17:15 5. Patrick-Louis Vincent
Lu dans Mediapart d’aujourd’hui :
« A l’issue de son autidion par le juge Van Ruymbeke, l’homme d’affaires Ziad Takieddine a été mis en examen, ce mercredi, pour «abus de biens sociaux»
dans le cadre du volet financier de l’affaire Karachi. Un nouveau
témoin avait révélé aux policiers avoir eu connaissance de transports de fonds opérés en espèces, depuis la Suisse, par l’homme d’affaires franco-libanais avec deux proches
de Nicolas Sarkozy: Thierry Gaubert et Nicolas Bazire. »
ça sent le roussi aussi pour Sarkozy !
14 Sep 2011 21:24 6. Alain Bellemere
Villepin sauvé par deux fois des instruments de torture d’un consciencieux artisan boucher, on peut dire qu’il a eu chaud et revient de loin après 4 ans de procédure. Villepin a l’art de savoir composer la tragi-comédie face à la forêt micros couvrant sa tête bien faite. L’émotion se lisait sur ses lèvres tordues par le soulagement, enfin une histoire pénible qui se termine définitivement, mais se présente une nouvelle page Africaine résonnant mal à ses oreilles aux sons curieux de djembés gonflés à bloc de dollars. L’argent , toujours l’argent le nerf de la guerre pour des hommes politiques jamais rassasiés de dépenser toujours plus pour s’emparer d’un pouvoir hors de portée sans ces liasses opportunes dans des combats inégaux. Villepin impliqué ou complice de réceptions de mallettes similaires à des vanity-cases passe- partout n’ont jamais intriguées leurs réceptionnaires comme dans les scénarios de contre espionnage où les échanges de valises se pratiquent couramment. Chirac et Villepin n’y ont vu que du feu, que du bleu , pas de traces , pas de preuves à l’appui, donc que des sornettes inventées par un revanchard subitement délirant. A propos des écoutes téléphoniques et du déchiffrage des fadettes du journaliste du Monde, Guéant était sur la sellette à justifier sa curiosité sarcastique pour le compte d’un mystérieux commanditaire supposé dormir à l’Elysée. En période d’élection suprême les bombes pernicieuses entretenues par des sérial killers secouent de sueurs froides le camp d’en face qui ripostent avec des levées de boucliers en carton mouillés. La révolution ne se fait pas à ce niveau de révélations de corruption répétées, seuls les citoyens honnêtes et décidés peuvent de guerre lasse brandir leurs bulletins de vote pour ébranler et renverser le trône du dernier coléreux régnant. Mais la prudence commande de changer quoi par qui? A part Villepin qui entend des voix se comparant à Jeanne d’Arc au masculin. Et pourtant le bûcher sourdre pour certains!