Affaire Bourgi: on joue l’innocence à l’Elysée
L’Elysée dément farouchement avoir incité Robert Bourgi, le « Monsieur Afrique » de Sarkozy, à faire ses soudaines « révélations » et à accuser Chirac, Villepin (et maintenant Pompidou, Giscard, Mitterrand et même Le Pen) d’avoir reçu des liasses de dollars envoyées par des présidents africains pour financer leurs campagnes électorales.
Certains proches du Président affirment que, depuis des mois, Sarkozy tente de normaliser ses relations avec Villepin. Ils rappellent que le Président s’est retiré de l’affaire Clearstream et qu’il a invité à deux reprises l’ancien Premier ministre à venir prendre un petit déjeuner à l’Elysée. Or, Sarkozy ne pouvait pas lui-même faire appel du verdict qui avait, en première instance, totalement innocenté Villepin et personne ne peut imaginer une seule seconde que le parquet ait pu, lui, faire appel de ce verdict sans en avoir reçu l’ordre de la chancellerie, et donc de l’Elysée. Quant aux deux petits déjeuners, le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas conduit à des retrouvailles, quelles qu’aient pu être les propositions alléchantes que Sarkozy a sans doute faites à Villepin, puisque celui-ci répète à qui veut l’entendre qu’il n’est « pas négociable » et qu’il sera « très, très vraisemblablement » candidat à la présidence en avril prochain.
D’autres amis de Sarkozy déclarent froidement, si l’on en croit le Figaro d’aujourd’hui qui cite « un conseiller du Président » : « Qui peut croire que nous lancerions les grandes manœuvres pour un type qui fait 2% ? » L’argument est stupéfiant.
D’abord, c’est l’aveu que l’Elysée serait parfaitement prêt à lancer « des grandes manœuvres » -c’est-à-dire des accusations gravissimes et sans preuve, des calomnies, de ragots, des rumeurs- contre un concurrent vraiment dangereux. A partir de quel score d’un adversaire dans les sondages le cabinet noir de Sarkozy entend-il lancer ses officines ? On va se demander si les rumeurs qui ont circulé dans Tout-Paris affirmant que Martine Aubry était à la fois homosexuelle et mariée à un islamiste ne font pas partie de ces « grandes manœuvres ». La maire de Lille fait beaucoup plus de 2% dans les sondages. Et certains iront sans doute même jusqu’à imaginer que l’affaire DSK pourrait bien être, en fait, une « grand manoeuvre » particulièrement réussie. Le patron du FMI faisait, en effet, des scores particulièrement redoutables.
Ensuite, dire que Villepin ne mérite pas d’être la cible de telles grandes manœuvres est doublement absurde. D’une part, parce qu’à moins de huit mois du scrutin, personne ne peut savoir ce que fera l’ancien Premier ministre et, d’ailleurs, 2% des voix sont parfaitement suffisants pour éliminer avant le second tour un candidat. D’autre et surtout, parce que si Villepin entre vraiment en campagne, même sans guère de moyens, il sera évidemment le procureur le plus impitoyable pour faire le procès du quinquennat de Sarkozy.
Bourgi nous jure que ce n’est pas Sarkozy qui lui a demandé de « balancer » Villepin, Chirac et les autres et que s’il s’est décidé à parler c’est parce que « sa conscience le taraudait » (sic !). On ne pensait pas qu’un homme qui, pendant des décennies, a été mêlé à toutes les magouilles, à tous les tripotages véreux de la Françafrique, France à fric, pourrait devenir, un beau matin, si sensible aux « taraudages » de sa conscience.
Que Bourgi ait voulu se venger de Chirac, de Villepin et de Juppé qui avaient mis en doute ses capacités à succéder à Foccart et qu’il ait accepté de rendre un petit service à Sarkozy est évident. Ce que les stratèges de cette « grande manœuvre » n’ont pas compris c’est qu’en lançant cette bombe, ils allaient en recevoir les éclats.
L’opinion publique est plus ou moins convaincue –et depuis longtemps- que Giscard, Mitterrand et Chirac ont bel et bien reçu des aides financières de leurs amis africains. Bourgi n’a rien appris à personne. Mais pas un seul Français ne peut croire que Sarkozy qui n’a pas la réputation d’être particulièrement pointilleux sur les sources de financement des campagnes électorales (cf. la campagne de Balladur en 1995 et le « Premier cercle » des généreux donateurs en 2007 ou l’affaire Woerth-Bettencourt), qui a gardé auprès de lui Bourgi et qui, à peine élu, s’était précipité à Libreville pour faire allégeance à Bongo, ait mis fin à ces mœurs.
Comme souvent avec ce genre d’affaires, c’est, bien vite, l’histoire de l’arroseur arrosé. D’ailleurs quand Bourgi nous raconte que personne ne lui a rien demandé, il ajoute qu’il a Guéant tous les jours au téléphone.
Mots-clefs : Bourgi, Françafrique, Sarkozy, Villepin
13 Sep 2011 16:20 1. drazig
En ce qui concerne Galouzeau de Villepin, je pense qu’il est chargé de récupérer les voix de ceux qui ne peuvent plus supporter Sarkozy, et notamment ceux qui se tourneraient vers MLP, pour les lui ramener au second tour.
Tous ces élèves de Foccart et compagnie se prendront-ils les pieds dans le tapis? C’est fort possible.
13 Sep 2011 17:33 2. Houzi
Après avoir essayé de l’acheter, SARKOZY tente de tuer politiquement de VILLEPIN.
De VILLEPIN, mais aussi LE PEN… pour la simple raison que leurs électeurs potentiels risquent de manquer à notre Président, déjà installé sur le siège éjectable.
Le nier, c’est faire injure à l’intelligence des Français.
Notre marchand de cravates pense qu’en mai 2012, ça va se jouer à quelques voix. Il a tort car il est caramélisé.
Il va se faire virer comme un laquais, et ce dans les plus grandes largeurs.
13 Sep 2011 20:23 3. Alain Bellemere
Le pénitent Bourgi s’adresse à des incrédules, plus on le pousse à parler, plus il sort des confidences répétées, livrées et déjà éventées auprès de Géant. Ce dernier doit contrôler le trop bavard repenti, chaque mot pèse son pesant de cacahuètes, puisque toute la presse est alléchée aussitôt qu’il ouvre la bouche. Achever Villepin , avec un coup de grâce venu de l’Elysée par un » tueur » à gages semble peut-être probable, alors quel est intérêt de balancer des goupilles ou de se venger de coups tordus? pour rayer définitivement un têtu tel que Galuzeau avec ses malheureux 2%. Avec la vision de cette pile de mallettes bourrées d’argent sale voyageant en valise diplomatique, on en reste pantois et penser que Bourgi vends une rumeur pour acheter ou proposer une virginité à Sarkozy, il n’y a qu’un pas et de fréquents coups de téléphone à l’Intérieur pour l’affirmer. A l’enterrement de Bongo, Sarkozy et Chirac ont apporté des tonnes de couronnes de fleurs pour ensevelir définitivement l’encombrant donateur enfin neutraliser par un mutisme éternel dans sa sépulture. On peut aussi ressortir la fameuse cassette de Jean-Claude Mery dévoilant la remise de 5 millions de francs à Chirac, comme par un heureux hasard, elle a disparue entre les mains d’un autre. Robert Bourgi transformé en père Noël pendant des années a la rancune tenace, lorsqu’il termine son long déballage, le nom de Juppé lui reste en travers la gorge. Alain Juppé a lui aussi la mémoire qui flanche, une contagion qui s’étend à l’UMP comme le symptôme de la anosognosie de Chirac.
13 Sep 2011 21:04 4. cyrille
Nos « représentants » respectifs ont touché de l’argent des dictateurs africains ? à la bonne heure…et « so what »? les télés et la presse s’emparent de ce grand déballage en jouant les vierges effarouchées ,alors que ces pratiques (bien que nauséabondes) ne sont qu’un secret de polichinelle depuis des décennies…Quand aborderons nous les vrais problèmes et arrêterons nous de focaliser sur des affaires sans importance au vue des enjeux futurs? Mr Desjardins il vous appartient à vous également d’éplucher les vrais sujets dans ce blog que nous aimons tant…
14 Sep 2011 0:41 5. Largo
« Mr Desjardins il vous appartient à vous également d’éplucher les vrais sujets » …écrit cyrille,
oui, je pense que beaucoup de français connaissent la fameuse france à fric, et les grossouvre, et les Dumas, Galouzeau, et les valises blabla et il est bien entendu que notre actuel naboléon dans sa logique n’a pas pu engager Bourgi sans savoir ce qu’il pouvait en tirer un jour ou l’autre,
soit,
mais, vous voyez, on s’en tape, on le sait que nous sommes dans une ripoux blique ce n’est pas nouveau,
on attend juste que les journalistes arrêtent de nous prendre pour des truffes,
par exemple, les journalistes étaient surement au courant de ces petits arrangements,
forcément, parce que moi, non journaliste, ça fait longtemps que j’en entend parler,
mais c’est bizarre, parce qu’aucun journaleux n’a jamais moufté sur le sujet avant qu’un politique (ici Sarko donc) ne le décide !
M Desjardins, svp, évitez le styloe BFM ou l’immonde ou le fig, c’est lassant,
14 Sep 2011 4:50 6. Alain Nicolaïdis
Le problème de la France, c’est que les Français ne veulent pas admettre que la corruption est, hélas, un « vrai sujet ». C’est malheureusement la racine de beaucoup de problèmes que nous vivons aujourd’hui: l’argent pour l’argent, la négation de la concurrence (pour les marchés publics en particulier, mais pas seulement), l’inutilité de l’exemplarité décrétée depuis belle lurette par la classe politique etc…etc…
14 Sep 2011 12:05 7. Patrick-Louis Vincent
Bon, soyons un peu cyniques ! L’argent des Africains, c’est de l’argent français, issu des impôts des citoyens français. Le fait qu’une partie reviennent dans les caisses de l’état, ou des partis politiques, eux aussi financés par l’impôt, au final, ce n’est pas aussi immoral que cela.
En revanche, je n’entends personne parler d’autres porteurs de valises, au début des années 60, qui venaient alimenter les caisses du FLN, avec lequel nous étions en guerre. Il s’agissait aussi de l’argent des Français, et celui-ci allait à nos ennemis. Ces porteurs de valises étaient tous socialistes ou communistes.
La mémoire est courte et sélective !
Si l’on veut faire le ménage, il faut le faire à fonds, de la cave au grenier.