Tout le monde se réjouit, bien sûr, de la libération des deux journalistes français qui étaient détenus en otages en Afghanistan depuis dix-huit mois. C’est une très bonne nouvelle et, au milieu de la guerre qui s’éternise en Libye, de la crise grecque qui risque de dégénérer et du chômage qui se met à remonter, ça fait plaisir. Nous n’avons pas tellement de bonnes nouvelles à nous mettre sous la dent, en ce moment.
Mais attention, il ne faudrait pas que les courtisans de l’Elysée continuent, comme ils le font depuis le début de l’après-midi, à nous raconter que « c’est une belle victoire pour Nicolas Sarkozy ».
Le président de la République n’y est strictement pour rien. Ce sont nos services secrets et nos diplomates qui ont réussi à obtenir cette libération. François Fillon a eu parfaitement raison de leur rendre hommage, à l’Assemblée. Ils sont, les uns et les autres, des fonctionnaires, souvent de grande qualité, qui font leur travail dans des conditions parfois très difficiles et, heureusement, quel que soit le chef de l’Etat.
Tout à l’heure, une journaliste sur LCI a froidement déclaré : « Après celle d’Ingrid Betancourt et celle des infirmières bulgares, Nicolas Sarkozy vient d’obtenir la libération de nos deux confrères » On croit rêver. Ingrid Betancourt a été libérée par une opération des commandos colombiens et les infirmières bulgares l’ont été grâce à une longue négociation menée par la commission européenne avec la Libye. Même s’il a remis la Légion d’Honneur à Ingrid Betancourt après sa libération, Sarkozy n’avait joué strictement aucun rôle dans sa libération, et même s’il a envoyé son épouse d’alors faire de la figuration à Tripoli ce n’est pas la France qui a fait céder le dictateur libyen mais Bruxelles. Il est vrai qu’après coup, Nicolas Sarkozy a cru devoir se ridiculiser et nous déshonorer en recevant Khadafy avec tous les honneurs à Paris pour le remercier.
On dira que l’annonce par Paris du retrait des troupes françaises d’Afghanistan a sans doute facilité la libération des deux journalistes. C’est vraisemblable. Mais on a bien l’impression que Sarkozy a pris cette décision (qui s’imposait depuis très longtemps) davantage pour suivre, le doigt sur la couture du pantalon, Obama que pour faire libérer nos deux compatriotes.
On pourrait d’ailleurs dire la même chose à propos de la nomination de Christine Lagarde à la direction générale du FMI. Quoi qu’on nous raconte depuis 24 heures sur toutes les chaînes de télévision, Sarkozy n’y est pour rien. C’est Christine Lagarde, et elle seule, qui a su mener une brillante campagne personnelle à travers la planète et se faire élire par le conseil d’administration du FMI à Washington.
Il est d’ailleurs curieux que les amis du président ne nous aient pas aussi raconté aujourd’hui que c’était grâce à la clairvoyance internationale de Sarkozy que Jo-Wilfried Tsonga avait réussi à battre en quart de finale à Wimbledon le redoutable Roger Federer.
Non, le seul et unique exploit sarkozien de la journée reste son remaniement ministériel. Mais il est vraisemblable que les Français vont rester de marbre que apprenant que Baroin devient ministre des Finances, Pécresse, ministre du Budget et que Wauquiez passe à l’Enseignement supérieur. C’est l’éternel jeu des chaises musicales qui nous rappelle que « n’importe qui peut faire n’importe quoi », ce que nous savions depuis belle lurette.
L’entrée au gouvernement de Léonetti aux Affaires européennes, de Sauvaget à la Fonction publique et de Laffineur aux Anciens combattants ne pas va non plus soulever l’enthousiasme des foules.
Mais il n’est pas impossible que les Français éclatent de rire en apprenant que le célèbre (et sympathique) judoka David Douillet devient… secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères. Il est vrai chargé des Français de l’Etranger. Sarkozy a donc oublié que ces Français de l’Etranger avaient le droit de vote. Or, il y a peu de chances qu’ils apprécient cette nomination-gadget.

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